La république
romaine a été le bénéficiaire intelligent des
accidents monétaires qui accablèrent tant de ses
prédécesseurs. Les romains, sans aucun doute, ont tiré
des leçons de l’expérience des autres.
Leur monnaie était
complètement représentative. Elle était de cuivre et
frappée à une valeur faciale d’environ 3 fois sa valeur
marchande. Elle était faite avec attention en utilisant
l’innovation de la frappe plutôt que la fonte et les teintures
utilisées étaient de très grande qualité et
d’une grande complexité artistique. Les pièces
étaient extrêmement difficiles à forger et les amendes
étaient très lourdes.
De plus, le monopole de
la fabrication des pièces était jalousement gardé par
l’Etat et la surévaluation de leur valeur était
limitée par une politique fiscale stricte. Les romains furent
probablement les premiers à obéir à leurs propres lois
limitant l’offre de pièces de monnaie.
Le résultat fut
une stabilité monétaire de 178 ans sans aucune preuve de
démonétisation. Bien au contraire. Alors que la population et
l’économie augmentaient la monnaie –et l’offre
strictement limitée- sa valeur augmentait
aussi.
Les romains avaient
compris le danger d’une expansion monétaire trop importante. Un
exemple d’écrit romain pratiquement contemporain sur le sujet,
nous montre une analyse que Milton Friedman (un monétariste fameux du
20ème siècle) aurait eu du mal à
surpasser :
“Les
origines de l’achat et de la vente remontent à
l’échange. Anciennement, la monnaie était inconnue et il
n’existait pas de termes selon lesquels les marchandises pouvaient
être évaluées précisément mais chaque
individu, selon les désirs de l’époque et les
circonstances, échangeait les choses qui lui étaient inutiles
contre d’autres utiles ; car il arrive souvent que l’on ait
besoin de ce que quelqu’un d’autre possède en trop. Mais,
comme il était rare que ce que le moment coïncide de ce que
l’un désirait, et que l’autre l’eut ou inversement,
un instrument fut choisi, dont la valeur légale et permanente
remédiait par son homogénéité au troc. Cet
instrument, promulgué officiellement, circulait et maintenait son pouvoir
d’achat non pas tant de par sa substance que de par sa quantité.
Depuis cette époque, une seule considération dans cet
échange était appelé marchandise et l’autre prix ». (Julius Paulus).
Toutefois, les ressources
de Rome n’étaient pas affectées au mieux pour assurer son
développement économique. De par la loi, la classe des
patriciens avait l’interdiction d’investir directement dans les
entreprises commerciales et au lieu de cela était impliquée de
manière prépondérante dans les projets civils contribuant
à la grandeur de Rome. De fait, le développement
économique de la République était en à la traine
par rapport à son développement politique et civique et il
existait des hostilités qui surgissaient régulièrement
entre la classe des patriciens et celle des plébéiens.
In fine, ce ne sont pas
les mouvements sociaux qui minèrent le système monétaire
de la république romaine. Ce fut Hannibal. Dans la campagne
légendaire qu’il mena, avec ses éléphants, de
Carthage en Afrique du Nord, à travers l’Espagne, riche en
argent, et au-delà des Alpes, il menaça Rome depuis le nord.
Hannibal prit le
contrôle des mines de cuivre, dans la région actuellement connue
sous le nom de Toscane, dans le nord de l’Italie, mais aussi de
nombreuses cités dans lesquelles la monnaie romaine circulait. Elle
n’eut plus aucune valeur sous Hannibal. Devant ses armées
progressant, des masses de populations paysannes se réfugiaient
à Rome même, où les romains furent forcés de
frapper des pièces dévaluées et à moindre teneur
de métal, et ceci d’autant plus qu’il fallait financer un
effort militaire massif pour repousser l’ennemi. Bien qu’Hannibal
ne prît jamais Rome, la menace d’une implosion de l’Etat
romain mina irrévocablement sa monnaie.
Ce qui en résulta
fut une Rome toute différente. Elle fut nécessairement plus
militariste et expansionniste (ce qui était nécessaire pour
soutenir son militarisme) et en moins de 100 ans sa politique
républicaine avait conduit à ce qui était effectivement
une dictature.
Néanmoins, le
système monétaire original de la république perdura “pendant
presque deux siècles, pendant lesquels tout ce qui est admirable de la
civilisation romaine a vu son origine, sa croissance et sa maturité.
Et quand le système s’effondra, Rome avait perdu ses
libertés. L’Etat devait devenir plus puissant et plus
redouté mais l’Etat et ses citoyens ne faisaient plus un » (Del Mar).
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