Située
en Roumanie dans les Carpates Occidentales, Rosia Montana (Alburnus Maior, en latin) compte
parmi les plus anciennes villes roumaines dont l’existence est
attestée par des archives. L’extraction d’or est
pratiquée dans cette région depuis plus de 2000 ans, notamment
sous les Empires Romain et Austro-hongrois.
En 1997, la
compagnie nationale roumaine Minvest s’est associée à une
entreprise canadienne, Gabriel Ressources, pour former EuroGold et lancer un
projet de réouverture des mines à une plus grande
échelle. Des explorations préalables avaient indiqué
qu’il restait dans la région plus de 300 tonnes d’or et 1 400
tonnes d’argent. Avec un
investissement d’environ 2 milliards de dollars US (en plus des
500 millions déjà dépensés pour des
explorations), la compagnie escomptait donc un gain brut de 7,5 milliards de
dollars. Quant à la durée l’exploitation, elle était
estimée entre quinze et vingt ans.
Alors
qu’Eurogold est apparemment prête à se lancer dans
l’aventure, le projet est
encore en veille aujourd’hui car il a soulevé de nombreux
débats. Les discussions portent principalement sur
l’intérêt économique de l’exploitation contre
l’intérêt écologique et social de préserver
la zone.
En effet, il
est réaliste de compter que chaque tonne de roche contient environ un
gramme et demi d’or. Le projet reviendrait donc à
travailler 40 000 tonnes de
roche Le village devrait être évacué pour libérer
une zone censée être transformée en carrière et en
réservoir pour les résidus de l’exploitation. Les
détracteurs du projet s’inquiètent donc de la
délocalisation des habitants, de la dislocation du patrimoine culturel
local et des risques de destruction de l’écosystème.
Les défenseurs
du projet, qui se rangent du côté d’EuroGold, sont
évidement les mineurs de la région (actuellement sans emploi)
représentés par leurs syndicats, mais aussi les
propriétaires qui comptent tirer profit de la vente de leurs terres.
L’État roumain serait par ailleurs le deuxième plus grand
bénéficiaire du projet (après son partenaire
privé canadien) car il détient 19% d’EuroGold et
empocherait de surcroît la redevance minière (4%).
Toutefois,
c’est précisément l’indécision du
gouvernement roumain, dirigé par un régime de cohabitation, qui
bloque le projet. Alors que le parti du président (centre droit) est
favorable au projet, le ministère de l’écologie issu du
camp adverse se montre plutôt opposé au projet et diffère
son autorisation.
Il y a vingt
ans, le charmant centre-ville du XVIIIème siècle de Rosia
Montana évoquait encore sa période de gloire et de richesse.
Aujourd’hui, la ville ressemble davantage à une
cité-fantôme, où seules les affiches
« pour » ou « contre »
l’exploitation d’or, collées par les syndicats et les ONG,
donnent un semblant de vie.
Dans ce
paysage surréaliste, les habitants qui récemment
n’avaient encore jamais entendu le mot
« écologie » (et qui ne sont toujours pas
certains de bien en comprendre le sens exact) ne semblent avoir aucun de mot
à dire. Ils continuent de vivre à la limite du seuil de
pauvreté sur une montagne d’or, en suivant à la
télévision des débats qui décideront de leur sort
sans même qu’ils puissent y prendre part.
Faut-il
préserver la ville et ses environs, ou bien faut-il en extraire
l’or ? Le prochain article montrera comment le recours aux droits
de propriété permet de donner voix au chapitre aux habitants,
tout en fournissant une solution à la fois concrète et durable
à ce dilemme actuellement insoluble.
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