Certains
analystes dont je fais partie pensent que l'une des institutions
fondamentales du XIXème siècle devrait être remise au
gout du jour:
l'utilisation libre de l'or comme monnaie d'échange qui
fut pratiquée par la
Grande Bretagne à l'apogée de sa puissance économique et
financière à l'échelle mondiale. J'insisterai donc
particulièrement dans les jours qui viennent sur le rôle majeur
de la Grande Bretagne dans l'amorce de ce système.
Grace
à ce système, chaque individu possédant de l'or sous
quelque forme que ce soit avait la possibilité de se rendre à
l'atelier royal de frappe monétaire afin de le transformer en
pièces d'or, leur or pouvant sous cette nouvelle forme être
utilisé comme monnaie d'échange. Cette opération
était proposée sans aucun coût, comme service rendu par
le gouvernement à l'économie.
Ainsi,
chaque possesseur d'or avait le choix de convertir ses lingots en une
monnaie-or pouvant directement être épargnée, investie ou
dépensée librement selon le besoin. Cet or ainsi
transformé augmentait la quantité de monnaie en circulation
dans la mesure où l'or était une monnaie.
Basée
sur ce principe de monétarisation gratuite de l'or expliqué
ci-dessus est née l'idée d'utiliser également l'argent
comme monnaie d'échange, d'ouvrir le marché à l'argent
de la même manière qu'il le fut à l'or.
Comme
je l'ai mentionné dans les lignes précédentes, certains
aiment à penser la remise en place de cette pratique qui fut
totalement saine économiquement fructueuse, serait tout aussi
remarquable de nos jours. J’ai toutefois de sérieux doutes quant
à la volonté des hommes politiques de tenter d’obtenir de
très bons résultats économiques en utilisant cette voie
là.
La considération de la monnaie argent
Je
commencerai en premier lieu par parler de l'argent, puisque je
m'intéresse particulièrement à mettre en circulation
monétaire au Mexique une
pièce d'argent, baptisée
'Libertad'.
Il
est nécessaire de commencer par déterminer quelle sorte de 'monétarisation
gratuite' nous devrions instaurer. Cette nouvelle monnaie devrait-elle
être dotée ou non d’une valeur nominale?
Si
nous monnayions gratuitement l'argent sous forme de pièces de monnaie
ayant une valeur nominale, alors cette valeur nominale devrait rester
supérieure ou égale à la valeur intrinsèque de
l'argent. Personne n'aurait la folie d'apporter ses lingots d'argent à
l'atelier de frappe des Etats-Unis, par exemple, pour en tirer des
pièces dont la valeur nominale serait inferieure à la valeur de
la quantité d'argent qui les compose.
De
plus, si la valeur nominale était égale à la valeur
intrinsèque de l'argent, alors il ne s'écoulerait pas une
semaine avant de voir ces pièces d'argent en route pour leur voyage de
retour vers la raffinerie, la valeur de l'argent augmentant dans le temps et
rendant la valeur nominale de ces pièces insignifiante en comparaison
à leur contenance en métal argent.
A
l’inverse, une pièce à valeur nominale supérieure
à sa valeur intrinsèque en argent subventionnerait les
producteurs d’argent et les mineurs apportant leur argent brut à
l'atelier de frappe verraient leurs opérations minières en
quelque sorte subventionnées par l'Etat. Il serait donc politiquement
inacceptable que le monnayage gratuit réfère à la création
d'une pièce de monnaie à valeur nominale pouvant être
utilisée comme change légal dans la mesure où cela
impliquerait une subvention de l'Etat aux intérêts miniers.
Alternativement,
nous pourrions proposer la mise en circulation d'une pièce sans valeur
nominale, auquel cas la situation serait totalement différente. Il n'y
aurait dans ce cas aucune subvention, et, dans l'éventualité
d'un monnayage payant, ce coût pourrait raisonnablement être
attribué a une politique sociale et
économique en faveur de la communauté en général.
L'amortissement de ce coût serait une fonction légitime de la
Trésorerie, ce qui rendrait acceptable une dépense
étatique.
Dans
cette hypothèse, le mineur ayant converti ses lingots en pièces
d'argent non dotées d'une valeur nominale – ou dotées
d'une valeur nominale bien inférieure à leur valeur
intrinsèque, auquel cas la fonction monétaire de leurs
pièces se verrait inversée - , se trouverait alors dans une
position inconfortable puisqu'il ne trouverait pas de moyen de dépenser
cette monnaie. Ses pièce seraient bel et bien
valables, mais alors – que vaudraient-elles? Elles seraient certes
enregistrées comme étant un change légal
puisqu'étant un produit de la Trésorerie, mais le
problème de leur valeur resterait toujours irrésolu.
Chaque
individu évaluerait différemment cette monnaie sans valeur
nominale. Et l'idée que chacun s'en ferait changerait constamment et
indépendamment de la cote de l'argent sur le marché
d'échange international. Chaque transaction menée avec ce genre
de pièces donnerait naissance à un processus de marché
qui permettrait de déterminer leur valeur exacte.
Certaines
personnes, mais certainement pas tout le monde, souhaiteraient avoir ces
pièces d'argent en leur possession et, dans les conditions
économiques actuelles, en feraient probablement une utilisation sage
et prudente. Dans le même temps, elles spéculeraient pour voir
croître la valeur de l'argent, aussi bien sur le long que sur le court
terme, selon leurs intérêts personnels. Les spéculateurs
ne représentent qu'un moindre pourcentage de la population totale, en
particulier parmi les épargnants les moins aisés plus
intéressés à la valeur d’épargne de
l'argent.
Prenons
par exemple la pièce américaine d'une once d'argent,
baptisée le
Silver Eagle: Cette pièce a une valeur nominale très
faible, et en conséquence les pièces sont disponibles en
quantité suffisante pour couvrir les besoins des américains
souhaitant spéculer sur la valeur de l'argent en s'en procurant en
grand nombre.
Pour
cette raison, même si n'importe quel atelier de frappe,
américain ou autre, était ouvert au monnayage gratuit de
l'argent, on ne verrait pas d'augmentation nette de la quantité
d'argent transformé en change légal. Les mineurs
possédant une importante quantité de ce métal se
verraient bel et bien coincés avec leurs devises et ne les placeraient
qu'avec beaucoup de difficultés parmi le public, qui aux Etats-Unis
est déjà largement satisfait par la production d'Eagles
achevée par l'atelier monétaire.
De
la même façon, il serait économiquement impossible de
créer des pièces d'argent sans les doter d'une valeur nominale,
même en les classifiant comme change acceptable aux yeux de la Loi,
puisque les mineurs ayant délivré une importante
quantité d'argent brut à l'atelier de frappe se trouveraient
avec en leur possession des montagnes de pièces d'argent. Face
à une telle situation, le marché se trouverait vite
insuffisant.
Pourquoi le monnayage n'a-t'il été qu'éphémère
et ne pourrait plus être efficace aujourd'hui?
La
réponse est simple : lors des siècles passés,
l'argent était en lui-même une monnaie. Il n'y avait pas de
'prix de l'argent'! Sa valeur était estimée en quantité
de biens qu'un montant précis de ce métal pouvait permettre
d'acheter.
En extrayant de
l'argent – ce qu'ils faisaient avec grand zèle – les
mineurs “extrayaient en fait de la monnaie”. Grâce à
ce principe de monnayage gratuit, tout ce que les mineurs avaient à
faire était d'apporter leur argent à l'atelier de frappe, et en
un claquement de doigts, ils avaient de la monnaie.
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