Pendant que la France se fait doucement macroniser la tête (et que cela semble déjà bien trop violent pour elle), une autre révolution s’installe, de façon tout aussi feutrée, mais d’autant plus déterminante que les impacts de la Loi Macron seront microscopiques : petit-à-petit, les travailleurs indépendants, les commerçants et les artisans sortent des griffes du RSI.
Le RSI, si vous ne le savez pas encore, c’est cette nébuleuse d’organismes d’assurance (santé, retraite) issue de la fusion des différentes caisses de protection sociale des chefs d’entreprises, artisans et commerçants. Cette fusion aurait pu être et aurait dû être un moment rêvé pour donner un cadre clair et compréhensible à l’assurance de ces catégories de population, et fournir à son administration des moyens efficaces pour suivre, de bout en bout, le dossier de chacun de ses assurés. En lieu de quoi, à la place d’une rationalisation des traitements et des régimes, on aura abouti à la création d’un gros monstre froid, mou et aux doigts griffus dont les éructations, généralement sous forme d’injonctions diverses au sabir légal douteux, se font tous les jours plus incompréhensibles.
Éructations qui entraînent, de plus en plus souvent, des grognements de force croissante de la part des cotisants qui, de courriers agressifs en lettre d’injonctions menaçantes, ont tous les jours un peu plus l’impression qu’on les prend pour des pigeons au lieu d’usagers voire de clients. Inévitablement, les cris rauques de l’indépendant maltraité ont fini par monter aux oreilles de certains députés et d’organisations syndicales.
Ces députés (plus d’une centaine, quand même), emmenés par un Bruno Le Maire remonté comme un coucou devant les histoires abracadabrantesques™ que pouvaient lui rapporter les indépendants et petits patrons confrontés au RSI, ont ainsi demandé la mise en place d’une mission parlementaire sur l’organisation et les dysfonctionnements du Régime Social des Indépendants. Et, au contraire de ce qu’on pourrait croire, la probabilité qu’ils obtiennent gain de cause n’est pas nulle, et ce même si une précédente proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur ce sujet, en septembre 2013, n’avait pas abouti.
En effet, ces précédentes tentatives d’éclairer l’état catastrophique de la gestion interne du RSI n’avaient rencontré à peu près aucun écho dans les médias, trop occupés à disserter à l’époque sur l’un ou l’autre sujet sociétal à base de genre ou de gommettes, ou d’autres affolantes niaiseries parfaitement périphériques aux problèmes concrets rencontrés par les Français. Mais depuis 2013, deux éléments ont changé.
D’une part, le mouvement d’exaspération des indépendants s’est progressivement fédéré et a permis de faire connaître l’ampleur du problème auprès des rédactions parisiennes et locales. L’année 2014 fut ainsi riche en coupures de presse puis en entrefilets dans les journaux télévisés évoquant qui un commerçant en faillite à la suite des saisies abusives du RSI, qui un autre qui se sera suicidé poursuivi par des huissiers du même organisme, qui un indépendant ayant tout compte fait compris que sa survie passait par un arrêt pur et simple des versements à ces caisses.
D’autre part, les actions déterminées de certain, au premier rang desquelles celles de Laurent C. qui a décidé de s’affranchir complètement de l’assurance maladie française et opter pour la couverture d’une assurance anglaise et dont les péripéties, bloguées au jour le jour, sont reprises sur Contrepoints, auront donné des idées à un nombre grandissant d’assujettis aux organismes de sécurité sociale français.
Dans ces idées, l’une d’elle émerge, assez simple, que ces organismes étant des assurances, ils doivent ou bien répondre aux codes des assurances ou bien, à tout le moins, à celui des mutuelles. En outre, l’obligation qui est faite de s’assurer et qui est lourdement rappelée, en long, en large et surtout de travers par ces organismes, n’implique nulle part une obligation d’assurance spécifiquement à des organismes français, être couvert par un assureur européen suffisant. Cette obligation, compréhensible parce qu’après tout, les idées collectivistes sont si bonnes qu’elles doivent être imposées, semble assez mal s’accommoder avec les directives européennes, notamment en matière de concurrence et de droit commercial.
… Ce qui nous amène justement à l’actualité juridique sur ce qu’il convient d’appeler l’usine-à-gaz des organismes sociaux français.
On se souvient peut-être qu’en octobre de l’année dernière, la Cour Européenne de Justice avait mis en délibéré les conclusions de son avocat général qui concluait que la CSG et la CRDS étaient l’une et l’autre des cotisations sociales et donc ne pouvaient être ponctionnées que sur les revenus de résidents fiscaux affiliés à la Sécurité Sociale française. Le 26 février dernier, l’arrêt rendu par la Cour a confirmé ces conclusions : les cotisations de CSG et de CRDS ainsi que le prélèvement social de 2% et la contribution additionnelle de 0,3% à ce prélèvement, sur les revenus du patrimoine, mobilier et immobilier, présentent bien un lien direct avec certaines des branches de sécurité sociale. Cette décision s’additionne à une précédente qui tenait le même raisonnement pour les revenus du travail.
Autrement dit, si vous ne dépendez pas de la Sécurité Sociale, l’État français n’a pas le droit de vous prélever ni la CSG, ni la CRDS, ni les autres ponctions relatives et afférentes, que ce soit sur vos revenus mobiliers, immobiliers ou du travail. Au passage, cela signifie que les ponctions indues de l’État devront vous être remboursées. La facture finale promet d’être médiatique, le nombre de frontaliers et de personnes ayant payé ce genre de taxes, sans être réellement assujetties, n’étant pas nul – loin s’en faut.
D’autre part, on apprend (là encore, Laurent C. fait un travail pédagogique remarquable) qu’au regard du fisc, les caisses du RSI sont bel et bien des sociétés mutualistes. Or, et c’est là que les choses deviennent improbablement rocailleuses, si ces caisses sont des mutuelles comme semble l’affirmer Bercy lui-même, alors elles doivent respecter le code correspondant, notamment ses aspects contractuels et concurrentiels.
Oups. Voilà qui s’annonce problématique : on peine à trouver trace des enregistrements en bonne et due forme de ces sociétés dans les registres adaptés, ce qui aboutirait – si cela se confirme en Cassation – à l’inexistence légale de ces caisses. Pour le moment, c’est la tournure que prennent les choses puisque la Cour d’appel de Limoges (20.10.2014 n°13/00341) et le Tribunal de Grande Instance de Nice (11.12.2014 n°14/1711) ont jugé en ce sens en octobre et décembre 2014.
Dès lors, pas étonnant que la grogne, qui se mue doucement en véritable rébellion, finisse par faire quelques choux gras dans la presse nationale, qui, tout en rappelant bien sûr que tenter de s’enfuir de l’apocalypse paperassière et financière du RSI serait illégal, ne peut s’empêcher de s’intéresser au sujet.
Oh, bien sûr, pour le moment, les journalistes, peu versés dans la question dont l’aspect juridique, confus et particulièrement copieux, doit en rebuter plus d’un, se contentent de rapporter deux choses : d’un côté, les commentaires et propositions des organisations syndicales, pour le moment dépassées par une base bouillonnante qui, tous calculs faits, commence à comprendre qu’elle se fait berner par un système devenu fou, et de l’autre, les rodomontades affolées des différentes caisses du RSI qui tentent tant bien que mal de faire croire que le mouvement de fuite de ses cotisants est mineur et que, de toute façon, ils ont le droit pour eux…
Et ce, alors même que des éléments étonnants s’accumulent au sujet de leur organisme, pourtant réputé être une caisse à but non lucratif (mais qui fait tout de même de sacrés bénéfices en 2013, comme en témoignent ses comptes disponibles ici, à hauteur de 18 millions d’euros) : on apprend par exemple que la Caisse Nationale du RSI est administrateur d’une société privé d’investissement, Amundi Convertible Euroland, filiale du Crédit Agricole.
On le comprend : la situation (financière, juridique, administrative) est tout sauf claire mais une chose est certaine : les services rendus sont si mauvais qu’il devient impossible de cacher la catastrophe. Entre les conclusions de la Cour de Cassation et les actions actuellement menées par les députés, ainsi que les mouvements dont celui des Libérés, les prochains mois seront agités.
Et de toute façon, que le monopole soit officiellement déclaré caduque ou pas, rassurez-vous : comme on a le meilleur système d’assurance santé du monde, qui voudrait le quitter ?
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