C’est au pied du mur qu’on
reconnaît le maçon, comme le veut le vieux proverbe. Ce mur-ci, hélas, est
composé de vieilles pierres tenues ensemble par un torchis de subterfuges, et
ciselé d’absurdités politiques. Puisque le mur leur est déjà tombé dessus,
les citoyens grecs pressent le pas lorsqu’ils le longent, résignés, alors que
raisonnent les discours universels depuis Helsinki jusqu’à Lisbonne.
Ce qui est plus que
jamais visible aujourd’hui, c’est la complète fausseté du système bancaire
international. Ceux qui y participent ont perdu confiance en leurs propres
entourloupes. Ils se contentent désormais de se laisser porter par les flots
dans l’attente des retombées politiques, ou pour faire simple, de la révolte
de ceux qui maîtrisent encore l’arithmétique. La Grèce s’attend aujourd’hui à
recevoir 90 milliards de dollars de nouveaux prêts, en plus des 350 milliards
de dollars qui lui ont déjà été accordés. Ce n’est pas rien. Son programme de
remboursement doit ressembler à la carte de la Terre du Milieu.
Plus troublant encore –
notamment pour ceux qui sont encore en vacances et pour qui le passage du
temps s’est comme arrêté – est le fait que l’établissement de ce nouveau plan
de sauvetage prendra des semaines, peut-être des mois, alors que la Grèce est
en ce moment même tant paralysée par la banqueroute qu’aucun bien ne peut
être déplacé, aucune facture payée, et que l’économie ne peut plus offrir les
nécessités de la vie de tous les jours. Le vieux refrain, « votre chèque
vient d’être envoyé », n’a plus rien de rassurant pour ceux qui n’ont
rien mangé depuis trois jours. Je m’attends personnellement à voir voler les
bombes bouteilles sur Syntagma Square avant la fin de la semaine.
Quelqu’un d’autre s’est-il
aperçu du manque angoissant de nouvelles émanant des autres nations en
difficulté de l’Union européenne, notamment l’Espagne, l’Italie et l’Irlande ?
Les précipices au fond desquelles elles sont coincées ressemblent à de
simples trous dans le sable. Je me demande quel message elles tirent du
mélodrame des négociations grecques ? (Prêtons plus d’argent à des
développeurs immobiliers pour construire plus de maisons qui ne seront jamais
vendues ? Voilà qui pourrait fonctionner !) Non, le fiasco européen
de la dette revient un peu à faire la ronde et danser la capucine. L’implosion
inévitable de l’Union européenne, et du système bancaire accroché tel une
pieuvre à son visage, sera l’équivalent financier de la peste noire. Des
royaumes sombreront, et les systèmes sociaux seront complètement renversés.
L’attente agonisante de
cette triste conclusion met à vif les nerfs de tous ceux qui s’inquiètent du
degré de futilité et de tragique de leurs exercices. Prenons par exemple les
termes des négociations du weekend dernier. Personne n’a plus une once de
confiance en la possibilité de les voir satisfaits. Tout ce qui a été mis en
place n’est qu’une structure Potemkine qui leur permettra de baisser les bras
pendant un mois et de pouvoir partir en vacances.
Voilà qui dresse la
scène pour une possible convulsion financière venu l’automne – la saison
historique de la ruine – lorsque les ministères et leurs hommes à tout faire
replongeront à nouveau dans la réalité lugubre qu’ils auront laissée
fermenter. Parmi les nombreuses choses qui pourraient se produire, nous
pouvons au moins compter sur la chute du gouvernement grec et l’échec de la
Grèce à reverser à temps le premier remboursement prévu par son tableau d’amortissement
fraîchement négocié. Voilà qui laissera la Troïka (Union européenne, BCE et
FMI) sans aucune crédibilité, et fera se développer la répudiation de la
structure européenne de prêt – en clair, l’effondrement de l’Europe.
Cela ne marquerait pas
nécessairement la fin du monde, mais n’en serait pas moins la fin de près de
soixante-dix années de paix, de prospérité et de stabilité. Le niveau de vie
des Européens ne sera pas meilleur que celui de leurs ancêtres des années
1830. Les bases fondamentales des systèmes bancaire et monétaire devront
renaître de leurs cendres. De nombreuses nations se disloqueront. La vie
intellectuelle en Europe souffrira d’un immense choc, à mesure que le projet
des Lumières semblera s’envoler dans une vapeur d’insolvabilités et de
soulèvements politiques. C’est à se demander si l’Europe pourra contenir la menace
du djihad.
De bien sombres pensées
pour un jour d’été. Pour ce qui me concerne, je vais maintenant aller m’acheter
un costume pour la fête annuelle de Diddy dans les Hamptons. Les chapeaux en
peau de raton pourraient redevenir à la mode si, partout aux Etats-Unis, les
gens se mettaient à imiter Donald Trump et la créature velue qui a élu
résidence sur le haut de son crâne. Quelque chose me dit que les femmes ne
seront pas nombreuses à imiter la tenue vestimentaire d’Hillary. Ne serait-il
pas astucieux pour Diddy de préparer une grosse salade grecque ? Voilà
qui pourrait donner à plus d’un un sujet de conversation autre que le génie
commercial de Kim Kardashian.