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Sauver au moins les apparences

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Published : October 25th, 2010
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Category : Editorials

 

 

 

 

En annonçant chercher une « trêve », et en dépit de toutes les dénégations, les ministres des finances du G7 puis du G20, qui sont réunis avec les banquiers centraux en Corée du Sud, ont entériné que la guerre des monnaies est bien déclarée. Guerre ou guérilla, elle va se poursuivre, une fois le flot de paroles apaisantes prononcées et de bonnes intentions déclarées.


La politique de la chaise vide adoptée par les Brésiliens, qui ont sonné l’alarme initiale, exprime on ne peut plus clairement ce qu’ils attendent de ces réunions. Autre symbole, les Coréens du Sud, hôtes du G20, étudieraient la mise en place de mesures de contrôle de l’entrée de capitaux afin de se protéger, le Brésil et l’Indonésie les ayant devancés dans une perspective similaire.


Un projet de communiqué final du G20 proclamerait l’engagement de « s’abstenir de toute dévaluation compétitive », une déclaration de non belligérance destinée à calmer le jeu et les pays émergents. Réaffirmant que le G20 « va se diriger vers un système de taux de changes davantage déterminés par le marché », et que l’objectif est de « minimiser les effets adverses d’une volatilité excessive et de mouvements désordonnés » de ceux-ci.


Dans une lettre adresse au G20 Finances, Tim Geithner a appelé le FMI à surveiller les engagements monétaires pris par les pays du G20 et demandé des rapports trimestriels. « Les pays du G20 doivent s’abstenir d’appliquer des politiques de taux de change destinées à leur conférer un avantage compétitif », écrit le secrétaire d’Etat. A contrario, les pays ayant des déficits commerciaux doivent augmenter leur épargne en adoptant « des objectifs budgétaires de moyen-terme crédibles » et en renforçant leurs exportations.


S’en tenir à un simple rappel des principes, sous forme d’injonction, c’est reconnaître qu’il n’y a pas de solution en vue.


Dans une interview au Wall Street Journal destinée à améliorer le climat, Tim Geithner s’efforçait la veille de préciser les intentions américaines, déterminantes pour la suite. Il évoquait une durée de 3 à 5 ans comme nécessaire pour que chacun parvienne à mesurer « ce qui est dans son propre intérêt ». Regrettant que la situation ne soit pas mûre pour que soient signés de nouveaux accords du Plaza. Appelant à ce que soient déterminées des directives communes à propos des taux de change des monnaies – un « ensemble de normes », dit-il plus loin – ce qui sonne étrangement quand on est censé s’en remettre au seul arbitrage du marché.


L’idée explorée par les Américains serait non pas d’intervenir sur les taux de change mais sur les déficits des comptes courants, les Chinois réduisant leur excédent commercial en demandant à des organismes et entreprises publiques de développer leurs acquisitions à l’étranger. Ce que la Bank of China (qui n’est pas la banque centrale) vient précisément de proposer dans une étude. Un changement de politique que les banques chinoises pourraient suivre, en prenant la précaution de ne pas heurter les intérêts occidentaux et en dirigeant leurs investissements prioritairement vers les pays émergents. Les Américains espèrent que cette nouvelle base serait favorable à une réévaluation du yuan.


Prudent, Tim Geithner prend bien garde de préciser que les Etats-Unis ne soulèvent aucune objection à l’égard des pays qui se protègent des afflux de capitaux en levant des taxes à l’entrée, afin de ne pas se mettre tous les pays émergents à dos. Il laisse entendre qu’une dépréciation « délibérée » du dollar n’est pas à l’ordre du jour, voulant sans doute dire que la prochaine relance de la planche à billets par la Fed n’est pas effectuée dans ce but. Cela peut laisser penser, comme vient de le suggérer James Bullard, un dirigeant de la Fed, que celle-ci pourrait procéder par paliers et tranches successives, afin de ne pas inonder le marché de dollars et brutalement le dévaluer.


A la suite des Brésiliens, le premier ministre indien Manmohan Singh a publiquement exprimé sa préoccupation vis-à-vis des dérèglements du marché des changes. La Banque Mondiale s’est de son côté inquiétée du fait que « des afflux massifs de capitaux ont provoqué une forte montée des devises » en Asie, renchérissant la valeur des monnaies de la région de 10 à 15% par rapport à leur niveau d’avant la crise, et créant des risques de bulles financières.


Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a très diplomatiquement estimé que « le chemin laborieux vers la stabilité et la reprise tirée par le commerce pourraient être sérieusement menacés par des comportements monétaires non-coopératifs ». Quel jargon ! Enfin, donnant la mesure de l’alarmant afflux croissant de capitaux en Asie, la banque centrale de Taïwan a enregistré l’arrivée de 12 milliards de dollars américains dans le pays, venus anticiper une hausse du dollar taïwanais et prendre ensuite leur bénéfice.


Le G20 tentera autant que faire se peut de sauver les apparences, mais rien ne va avancer. Un compromis de dernière minute à propos d’une redistribution des sièges au conseil d’administration du FMI, fort symbolique, permettra dans le meilleur des cas de faire illusion. Pourtant, à l’occasion d’une allocution prononcée au Royaume-Uni, Mervyn King, le gouverneur de la Bank of England, a prévenu qu’il pourrait résulter de la situation actuelle « un effondrement catastrophique de l’activité mondiale, comme dans les années 30″.


Chrisitian Noyer, gouverneur de la Banque de France, s’est voulu positif dans une interview accordée aux Echos : « La seule solution, c’est le dialogue : il faut rechercher ensemble les mesures concertées pour renouer avec une croissance mondiale plus équilibrée, en favorisant la demande interne de certains pays et en la freinant dans d’autres ». Nul doute que munis de ce précieux viatique les membres du G20 vont faire des étincelles une fois retournés chez eux !


Négocier en douceur et en prenant son temps une réforme progressive du système monétaire international est un programme de travail ambitieux que peuvent se donner les dirigeants réunis dans le G20. Obtenir que les investisseurs qui échangent tous les jours 4.000 milliards de dollars sur le marché monétaire viennent à résipiscence est une autre paire de manches.


L’autre grand dossier de Séoul va être celui de la régulation financière, donnant plus matière à de bienvenus effets d’annonce. Les décisions déjà prises par le Comité de Bâle vont permettre de donner l’impression que la régulation progresse alors qu’elle piétine. Car des détails décisifs manquent toujours à l’appel, notamment à propos de l’éligibilité de certains actifs aux fonds propres des établissements bancaires. Et, surtout, parce que l’étape finale, la fabrication de la bonde qui doit permettre de fermer hermétiquement le tonneau, n’est toujours pas au point. Le Conseil de stabilité financière (FSB), qui a mandat du G20 pour faire des propositions anti-systémiques, a annoncé avoir besoin de six mois de plus, afin de se donner du champ.


Certains sont franchement pessimistes à ce sujet. C’est le cas de Vitor Constâncio, vice-président de la BCE, qui considère que définir un mécanisme permettant d’éviter la faillite des banques d’importance systémique pourrait s’avérer mission impossible. Charles Goodhart, ancien membre du comité de politique monétaire de la Bank of England, a remarqué que « nous ne savons pas comment reconnaître qu’un établissement est systémique, pas plus que nous ne savons mesurer l’instabilité financière d’un établissement donné ou résultant de ses interconnexions avec d’autres ». Avant de conclure ainsi : « Tout ce dont nous disposons, pour mesurer la stabilité financière, c’est de constater que nous sommes en temps de guerre ou de paix ».


Accroître la surveillance des banques systémiques, comme le promet le FSB, c’est donc vite promis, puisqu’il faudrait préalablement clairement identifier ce que l’on surveille et qui l’on observe.


Sans sourciller, le FSB étudie néanmoins trois options, dont aucune n’est dans la pratique satisfaisante, sans parvenir à générer l’indispensable consensus d’un monde bancaire aux intérêts contradictoires. Augmenter les fonds propres « durs » pour les établissements systémiques (après avoir défini ce qui les distingue des autres), accepter des obligations contingentes convertibles (Cocos) pour garnir le coussin supplémentaire dont elles devront être pourvues, ou bien fignoler une procédure de « bail-in » (par opposition à « bailout »), afin de faire assumer par les dirigeants, actionnaires et créanciers le coût du sauvetage d’une banque, sans faire appel aux fonds publics.


Non seulement chacune de ces méthodes suscite de nombreuses objections, ou des interrogations sur la réponse que les marchés apporteraient à leur adoption, mais il est craint que trop réglementer et charger la barque pourrait inciter les banques à diriger vers des filiales réfugiées dans la shadow economy leurs activités sensibles, rendant caduque toute régulation…


Les besoins en capitaux qui résultent de la réglementation risqueraient par ailleurs d’avoir deux effets indésirables : une augmentation des taux sur le marché, aboutissant à baisser le rendement des banques ; l’assèchement du marché par les mégabanques au détriment des plus petites, qui ne pourraient alors plus suivre sur un marché à la hausse où les grandes se seraient servies en premier.


Quand aux Cocos, c’est terre inconnue, car elles sont également susceptibles d’être assujetties à des taux élevés, vu le risque que les investisseurs prendront, leurs obligations pouvant être sans crier gare converties en actions d’une banque en péril. Enfin, les procédures de « bail-in » mettraient ces mêmes investisseurs dans une désagréable position, un premier « bail-in » pouvant les inciter à participer à un reflux général des établissements bancaires afin de ne pas subir le suivant, et précipiter ainsi une gigantesque crise.


Qu’il est donc difficile de se préparer à faire payer les actionnaires ou les investisseurs en cas de coup dur, le doux confort procuré par les renflouements sur fonds publics écartés ! Quel langage va-t-il falloir tenir : celui de la théorie, qui veut que les crises sont inévitables ? Ou celui leur assurant que toutes les précautions ont été prises pour que cela n’intervienne pas ?


Que vaudra tout l’échafaudage de la régulation, si le dispositif qui doit le chapeauter ne parvient pas à être conçu et adopté ?


Décidément, quel que soit le grand dossier ouvert – relance économique, stabilité monétaire ou régulation financière – rien ne fonctionne comme on souhaiterait, tout file entre les doigts.


Billet invité : François Leclerc

 


Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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