D’après les derniers calculs du Bubulotron 2000, un ordinateur (c) Demaerd
Industries employé 24h/24 par l’ensemble du gouvernement français (surtout en
août), il apparaît de façon claire que le chômage, en France, augmente dans
des proportions alarmantes. Eh si. je vous assure. Pour lutter contre cette
dérive évidente du capitalisme apatride sans foi ni loi, de la mondialisation
galopante et des délocalisations de patrons méchants, notre brochette de
minustres s’est totalement lâchée pour trouver des solutions qui dépotent.
Et c’est donc un joli bouquet de nouveautés qu’on nous tend pour relancer
l’emploi en France : bricolages juridiques mal boutiqués enveloppés dans
l’éternelle mousse politicienne et médiatique, on trouve ainsi les
emplois-francs, dont le nom seul met la puce à l’oreille tant il sonne faux,
et dont tout indique qu’ils vont surtout coûter pas mal d’euros et qui ne marcheront pas, et les contrats d’avenir, qui
n’apportent en réalité rien de neuf et ressemblent beaucoup aux précédentes
usines-à-gaz.
Et pendant que la brochette de clowns qui se sont improvisés ministres
batifole dans les salons pour distribuer les dépliants colorés vantant les
mérites de leurs inventions, l’éléphant, au milieu de ces salons, continue de
jouer des claquettes sans que personne n’y prête attention tant la frénésie
de gobage de petits-fours bat son plein.
Et pour bien brosser le portrait de cet éléphant, j’aimerai revenir sur
quelques faits divers, plus ou moins récents. Chacun d’eux permet de voir une
des parties de l’éléphant.
Par exemple, je pourrais rappeler le cas typique de ce patron qui employait une douzaines
de personnes, qu’il a dû licencier et qui aura abandonné son activité en
France, avec d’ailleurs tout ce que ça suppose de taxes non collectées par
l’État, tout simplement parce qu’il n’avait pas les bons papiers pour pouvoir
continuer. Il avait un défaut (en plus d’être un patron, donc parfaitement
méprisable auprès de toute la clique de cancrelats subventionnés qui lui sont
passés dessus) : il était immigré, et sa situation était donc totalement
dépendante du bon vouloir de l’administration. Ce patron créait une richesse
qui ne sera pas ou peu remplacée, et il répondait donc à un besoin de marché.
Ses clients semblaient satisfaits des performances de son entreprises
puisqu’elle fonctionnait. Une situation win/win intolérable à laquelle l’État
a heureusement mis le holà.
Par exemple, je pourrais mentionner le cas à la fois étonnant et
parfaitement symbolique de cet individu qui aura construit de nombreuses
maisons, des immeubles HLM, des bâtiments publics, des écoles à Limay et même
la polyclinique de Mantes-la-Jolie. Les bâtiments sont encore debout. Ceux
qui y habitent ou y travaillent sont parfaitement satisfaits du service
rendu. Mais voilà : l’individu se faisait passer pour un architecte et n’en était pas un. L’imposteur qui sévissait depuis 1983
avait tout de même répondu à à 47 marchés entre 2009 et 2013. Comme, malgré
son absence de diplôme, les réalisations menées ne se sont pas écroulées,
l’État est intervenu pour s’assurer qu’un type compétent n’aurait pas le
droit de continuer à fournir ses services.
Par exemple, je pourrais évoquer l’histoire de ces bars et discothèques clandestins dont le nombre ne cesse
de croître en toute discrétion, au détriment évident des établissements qui
respectent la myriade de règlements, de licences et d’autorisations
obligatoires pour fonctionner. Bien évidemment, toute comparaison avec la
période de la prohibition aux États-Unis dans les années 20 et 30 sera
repoussée par les bienpensants puisque l’alcool n’est pas interdit
en France. Et on oubliera donc le reste de l’éléphant.
Je pourrais aussi, sans grand mal, revenir sur l’actuelle polémique qui occupe les Véhicules de Tourisme
avec Chauffeur (VTC), en concurrence directe avec les taxis : quand bien même
les clients des VTC sont parfaitement heureux de trouver ce service, quand
bien même les chauffeurs sont très contents d’exercer ce métier différent de
taxi, quand bien même l’État se gave des impôts et cotisations sur ces
emplois et des taxes sur ces prestations, ce dernier a rapidement décidé que
tout ce plaisir et toute cette satisfaction devait être interrompue au plus
vite pour ne surtout pas remettre en question le métier de taxi, connexe mais
pas semblable. Et bien évidemment, l’éléphant continue de faire des
claquettes.
L’éléphant, c’est l’ensemble des lois, règlements, licences et autres
barrières qui ont été méticuleusement mises en place pour empêcher les
individus d’exercer le métier de leur choix et, par voie de conséquence, de
se responsabiliser en tant que professionnel et, de l’autre côté, en tant que
client.
L’éléphant, c’est cet ensemble compact de codes, décrets qui fixent les
ordres, les numerus clausus, les façons d’agir qui gravent dans le marbre
d’une république de copains et de coquins les corporatismes, les cercles, les
petites ententes entre amis, et par voie de conséquence, les corruptions, les
retours d’ascenseur et les pots-de-vin, en espèces ou en nature.
Et cet éléphant, par nature, écrase de ses grosses pattes maladroites, les
tentatives de création d’emploi, les initiatives personnelles, fait
disparaître des créateurs de richesse que d’autres sont parfaitement prêts à
payer, entre adultes responsables. Dans chaque cas que j’ai cité, les
barrières introduites par l’État sont, en pratique, totalement artificielles
: sa présence ne garantit en rien un résultat final adéquat. Eh oui : des
taxis malhonnêtes existent avec et sans licence, des architectes diplômés qui
produisent des bâtiments mal conçus sont légion, les bars ou les restaurants
à la propreté douteuse existent malheureusement. L’obtention d’une licence ou
d’un diplôme, quel qu’il fut, n’a jamais été la garantie que son possesseur
s’en montrera parfaitement digne, du médecin au plombier en passant par le
notaire ou le « quant » à un desk de la Société Générale. La
création d’un numerus clausus n’a jamais garanti l’excellence des happy fews
en bénéficiant.
Et si oui, les diplômes, les licences et les numerus clausus peuvent être
utiles, ils ne sont en rien nécessaires, et certainement pas partout, et
certainement pas en tout temps.
En revanche, ces barrières à l’entrée, dans le cas d’une crise dont les
conséquences se montrent tous les jours plus dramatiques, occasionnent à
l’évidence des rigidités qui s’ajoutent à un droit du travail déjà obèse. Par
exemple, la limitation du nombre de licences de taxis parisien, totalement
arbitraire et parfaitement obsolète puisque datant du début du XXème siècle,
période où les clients locaux étaient franchement moins nombreux que
maintenant, provoque à la fois un renchérissement de la plaque tant
convoitée, un mécontentement croissant des clients qui ne trouvent pas de
voitures, et empêche la création d’emplois correspondants. Je n’évoque même
pas les embouteillages parisiens, ce n’est pas fair-play. Du reste, les mêmes
causes provoquant les mêmes effets, ce qu’on observe à Paris est observable
aussi à New-York où le prix de la licence de taxi dépasse maintenant le million de dollars.
Ces exemples illustrent à qui en douterait qu’en France (et dans un paquet
de pays sociaux-démocrates dans lesquels le mot « corporatisme »
est douillettement considéré), c’est avant tout l’État qui décide qui a le
droit de travailler ou non. Ce ne sont pas les individus, au sein d’un marché
dans lequel les responsabilités des uns et des autres sont engagés, mais
c’est bien l’État qui, s’insérant au milieu des transactions, détermine à la
fois qui a le droit d’effectuer la transaction, et à quel prix, en l’échange
d’une garantie de bonne fin qu’il est en pratique incapable d’assurer (tout
comme la sécurité sur son propre territoire).
Et chaque barrière qu’il crée ainsi entraîne naturellement des pénuries.
Plus hautes les barrières à l’emploi, plus forte la pénurie. Avec plus de
trois millions de chômeurs (et probablement plus de quatre en réalité), l’État
français a construit de formidables barrières qu’aucun politicien ne semble
vouloir attaquer. Pire : on peut en voir une myriade qui entend les
consolider.
Ce pays est foutu.