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« Entre
les traits du vainqueur et ceux du vaincu, la ressemblance n'a cessé
de s'accentuer. » C'est en ces termes que Jean-Claude Guillebaud présente, dans son article sur les
« marxistes blancs », la relation entre communisme et
libéralisme depuis la chute du mur de Berlin en 1989.
Selon
Guillebaud, le néolibéralisme
aujourd'hui dominant (paraît-il) n'a rien à envier aux dogmes
pseudo-scientifiques du marxisme-léninisme. Mais comme je
l'expliquais dans un
article précédent, le crédo interventionniste auquel
souscrit M. Guillebaud est plus proche du
soviétisme que ne le seront jamais les théories d'un Hayek.
Sans surprise, nombre des critiques adressées aux libéraux
seraient plus adaptées aux détracteurs de ces derniers.
Jean-Claude
Guillebaud tourne en dérision l'obsession
néolibérale de la mondialisation, sans voir que ladite
mondialisation obsède surtout les détracteurs du
libéralisme et du libre-échange. Et d’ailleurs, que
penser de ses dénonciations constantes des ultrariches,
grands patrons du CAC40 et autres injustices sociales, ces « usual suspects » du débat public ?
Cela ne ressemble-t-il pas à une obsession ?
Pour
renvoyer les libéraux dos à dos avec les soviétiques, Guillebaud leur reproche de voir l'économie
politique comme une science dure. Malheureusement la définition que
l'auteur donne de l'économie politique – l'utilisation de moyens
« adéquats » pour faire aboutir un
« projet » – évoque plus l'arbitraire que
la modération. Or, ne l'oublions pas, si le marxisme-léninisme
se voulait scientifique et idéaliste en théorie, il
était arbitraire et réaliste en pratique,
précisément parce qu'il lui manquait des
« principes » – ces choses étranges que
les anti-libéraux appellent « obsessions » quand
elles soutiennent une vision libérale de l’économie et de
la société.
L'erreur
de M. Guillebaud est de croire que sa vision
pragmatique de l'économie politique nous protège de ce
qu’il appelle la « persévérance
diabolique », cette propension à croire que les effets
pervers d’une mesure peuvent être corrigés par
d’autres mesures similaires. C'est faux : en France, les
interventions succèdent aux interventions, les subventions aux
subventions, les rustines fiscales aux rustines fiscales, tout cela au nom
d'un « projet éthique », et sans autre
résultat que le nivellement vers le bas. Si ce n'est pas de la
persévérance diabolique, cela y est ressemble
fortement.
Pour
le comprendre, il faut d’abord remettre en cause la croyance qu'avec la
disparition du bloc communiste, l’hybris
socialiste a cédé la place à l’hybris
libérale. Du reste, les idées libérales n’ont
jamais eu cet air d’évidence qui caractérise le credo
antilibéral : le « tournant
libéral » des années 1970-1980, si souvent
évoqué, est loin d’avoir remis en question les habitudes
interventionnistes héritées des deux guerres mondiales. Et si
les décisions du FMI, de l’OMC et de l’UE paraissent
réhabiliter le libéralisme, il suffit d’écouter
les élites politico-médiatiques occidentales (de droite comme
de gauche) pour constater que les idées reçues penchent plus du
côté de l’économie mixte que du libre
marché.
Autant
dire qu’en montrant du doigt l’arrogance du libéral,
Jean-Claude Guillebaud s’en prend moins
à la « bien-pensance » qu’il ne souscrit
aux habituels lieux communs sur les méfaits du marché.
Était-ce bien nécessaire ?
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