L’idiotie et le mensonge sont une
bien triste combinaison pour les affaires des nations, et plus encore en
période d’élections. Le cas actuel des Etats-Unis est la représentation
parfaite de ces deux qualités : d’un côté, un pseudo-sauveur rustre et
sans aucun filtre d’idées ; et de l’autre, une aspirante racketteuse-en-chef
qui contrôle parfaitement sa fourberie innée. Trump nous offre une rhétorique
incohérente en opposition totale à l’ordre lamentable des choses ; et
Clinton nous offre une rhétorique vide d’honnêteté pour défendre cet ordre
des choses. Les deux représentent un plongeon national vers le suicide
politique.
Cette idiotie et ce mensonge s’étendent
jusqu’aux masses d’électeurs et aux élites discréditées qui prétendent encore
gérer la nation. Le public américain n’a jamais été moins instruit et plus
distrait par des broutilles. Il ne sait plus rien. Même ceux qui sortent de l’université
ne sont pas capables de donner le nom du Secrétaire d’Etat ou de trouver la
Suisse sur une carte du monde. Ils ne savent même pas en quel siècle a eu
lieu la Guerre civile. Ils ne pourraient pas vous dire si une hypoténuse est
un animal, un légume ou un minéral. Leur droit de vote représente un danger
pour eux-mêmes.
Les élites opèrent dans leur
propre zone floue d’ignorance, qui est simplement plus noble. Voyez par
exemple le nouveau livre du sorcier d’Harvard, Kenneth Rogoff, intitulé The Curse of Cash. Il s’agit
là de la dernière salve de la campagne internationale en faveur d’un
transfert des réserves d’espèces vers le contrôle total des banques centrales
et des gouvernements centraux, supposément pour rendre la planification
centralisée de l’économie plus efficace – mais, en réalité, dans le seul but
d’élargir encore la mal-appréciation du crédit et des collatéraux (ou de tout
ce qui existe) afin de sauver l’incarnation actuelle du capitalisme de
copinage et sauver les fortunes des racketteurs qui le dirigent, ainsi que la
réputation de leurs garçons de courses intellectuels. Ainsi, toutes les
transactions « monétaires » devraient être traçables, pour allouer
un pouvoir sans précédent aux autorités qui régulent la vie des citoyens.
Reste encore à voir si le public
américain se laissera séduire par cette idée, qui fait déjà des émules en
Europe. L’Europe, soit dit en passant, affrontera bientôt sa propre tempête,
et nous avons toutes les raisons de croire que même les peuples dociles du
Danemark et de la Suède se révolteront bientôt contre le régime de banque
centrale si tant est que les Allemands le fassent d’abord.
L’hyper-complexité de nos
arrangements financiers actuels dans le but de plonger délibérément les masses
dans l’ignorance ne fait qu’aggraver la situation. Le public comprend-il la
logique derrière les taux d’intérêt à zéro pourcent ? Non. Pas plus qu’il
ne comprend l’interaction des gluons et des quarks et la doctrine de la Sainte
trinité. Il est par exemple l’un des grands mystères de notre temps qu’un
groupe comme l’AARP, qui se dit représenter les droits des personnes à la
retraite, n’ait jamais cherché à argumenter contre les taux zéro, qui ont
plongé les retraités qui dépendent de leur épargne dans le dénuement. Ce
pourrait bien sûr être expliqué par le racket rampant dont souffre notre vie
nationale : l’AARP est un racket d’assurance déguisé en groupe de
défense des intérêts des citoyens. Ou, si nous insistions sur l’honnêteté de
l’AARP, peut-être ses directeurs ne comprennent-ils pas que des intérêts à
zéro pourcent sur l’épargne signifient zéro pourcent de revenus d’intérêts
pour les épargnants.
Kenneth Rogoff tente de
justifier son opposition aux espèces en invoquant deux des grands pères
fouettards de notre ère : les terroristes et les trafiquants de drogues.
Les espèces, nous dit-il, permet à cet axe du mal de parvenir à ses fins. C’est
évidemment une ruse. Si les espèces disparaissaient, terroristes et
trafiquants de drogues se tourneraient vers l’or et l’argent, c’est aussi
simple que ça. Et tout le monde en ferait de même. La véritable raison pour
laquelle abolir les espèces et donner aux banques centrales les pleins
pouvoirs sur la monnaie est de permettre aux autorités de la confisquer d’une
manière ou d’une autre, soit au travers des taxes soit au travers de bail-ins
– en déclarant certains dépôts comme étant non-garantis, susceptibles d’être
répudiés en cas d’ « accident » financier.
Et nous savons déjà les
conséquences de cette expérience : la « monnaie » deviendra de
moins en moins honnête, et ne pourra plus être crédible en tant qu’indice de
compte et valeur de réserve. Son rôle en tant que base de la formation de
capital se trouvera si diminué que plus aucun capital réel ne pourra être
généré, ce qui signifie que tout le crédit émis en tant que monnaie ne pourra
jamais être remboursé. Les politiques de taux d’intérêt à zéro pourcent
feront que plus aucun intérêt ne sera versé. La monnaie, basée sur des prêts
qui ne seront jamais remboursés, perdra toute sa légitimité. L’accumulation
de la monnaie dans les ordinateurs des banques centrales ne vise qu’à
permettre davantage de routines de bonneteau pour dissimuler ce détournement.
Il serait en effet bien plus difficile de cacher la destruction de la valeur
des devises papier en circulation. Eliminer les devises en tant que moyen d’échange
ne pourra nous mener qu’à une répudiation de la monnaie – qui mènera à son
tour à une répudiation de l’autorité. La recette parfaite du suicide
politique.
Une dernière chose pour cette
semaine : pourquoi les élites politiques américaines investies sur
Clinton s’opposent-elles tant à la Russie et à son président, M. Poutine ?
Les Etats-Unis ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour provoquer
militairement la Russie au cours de ces dernières années. Ils ont manigancé
la révolution en Ukraine, qui a laissé derrière elle un Etat en faillite - et
qui a poussé la Russie à reprendre possession de la Crimée, autrefois un
territoire russe et territoire sur lequel se trouvent encore aujourd’hui ses
ports d’eaux tempérées. Ils continuent d’exercer les troupes de l’OTAN sur la
frontière russe, font survoler son territoire aérien par des avions de
surveillance, et se disent surpris quand les Russes déploient des troupes
pour leur rappeler chez qui ils sont. Ils organisent des exercices militaires
dans la Mer Noire et se demandent pourquoi les Russes sont méfiants. Ont-ils
perdu la tête ? Comment réagiraient-ils si les Russes envoyaient des
avions survoler l’île de Catalina ou jouaient à la bataille navale sur la
côte d’Hampton Roads ? Pour qui se prennent les élites américaines ?
Ces petits jeux politiques et
financiers sont malhonnêtes et dangereux. Ils font passer l’établissement
politique des Etats-Unis pour une clique de dégénérés, et déroule le tapis
rouge pour l’arrivée de Trump en tant que grand sauveur… l’apothéose de la
théorie du Plus Idiot.