Six mythes au sujet du libertarianisme (première partie)

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From the Archives : Originally published December 06th, 2012
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Category : Fundamental Ideas

 

 

 

 

Le libertarianisme est aujourd’hui le credo politique dont la progression est la plus rapide aux États-Unis. Avant de juger et d’évaluer les mérites du libertarianisme, il est essentiel de comprendre ce qu’il est, et surtout ce qu’il n’est pas. En particulier, il convient de réfuter un certain nombre d’idées fausses répandues (notamment auprès des conservateurs) à son sujet.  Dans cet essai, je vais énumérer, et soumettre à la critique, les mythes les plus répandus au sujet du libertarianisme. Une fois ces mythes réfutés, les lecteurs seront en mesure de discuter du libertarianisme, libres de l’influence des idées fausses ; il sera alors possible de débattre de cette philosophie, d’en évaluer les mérites et les démérites.

Mythe 1 : Les libertariens croient que les individus sont des êtres socialement isolés, hermétiques, insensibles aux influences extérieures

Pour fréquente que soit cette critique, elle n’en reste pas moins surprenante. Au cours de mes lectures, je n’ai jamais rencontré un auteur libéral soutenant une telle position. La seule exception étant le fanatique Max Stirner, un individualiste allemand du milieu du XIXe siècle, qui n’eut cependant qu’une influence minime sur le mouvement libertarien. En outre, la philosophie de Stirner selon laquelle « la Force Fait le Droit [Might Makes Right] » et son rejet de tous les principes moraux, quels qu’ils soient, y compris celui des droits individuels, qu’il qualifia d’ « illusion mentale », ne permettent guère de l’inclure parmi les penseurs libéraux. Hormis Stirner, cependant, aucun auteur libéral n’a soutenu une opinion ressemblant, même de loin, à cette accusation fréquente.

Les libertariens, il est vrai, sont individualistes, politiquement et méthodologiquement. Ils soutiennent que seuls les individus pensent, préfèrent, agissent et choisissent. Ils croient que les individus sont propriétaires de leur corps, et qu’ils ont le droit de n’être pas victimes d’intrusion violente. Mais aucun individualiste ne nie que les gens s’influencent les uns les autres, que ce soit à propos de leurs buts, leurs valeurs, leurs désirs ou leurs occupations. Comme F.A. Hayek le souligna dans son remarquable article, « Le sophisme de l’effet de dépendance », la critique de la libre entreprise que J.K. Galbraith énonça dans The Affluent Society, reposait sur cette proposition : la science économique fait l’hypothèse que les individus établissent seuls leurs préférences, qu’ils ne sont pas influencés par d’autres. Au contraire, comme Hayek le souligna, tout le monde sait que les gens ne déterminent pas seuls les valeurs auxquelles ils sont attachés, mais qu’ils sont influencés dans leur choix. Aucun libertarien ne nie que les individus s’influencent constamment les uns les autres. Il n’y a rien à objecter à cette tendance inévitable. Les libertariens ne s’opposent pas à la persuasion volontaire, ni à la coopération et à la collaboration entre individus. Ils s’opposent à l’imposition violente de valeurs par le biais du pouvoir politique, et à la pseudo « coopération » imposée par l’État.

Mythe 2 : Les libertariens sont libertins. Ils sont hédonistes et courent après les modes de vie alternatifs

Irving Kristol a récemment défendu une telle position. Kristol prétend que l’éthique libertarienne est hédoniste, et que les libertariens « vénèrent la société de consommation et tous les modes de vie alternatifs que la prospérité capitaliste met à disposition des hommes. » En réalité, le libertarianisme n’est pas, et ne prétend pas être, une théorie morale ou esthétique ; il n’est qu’une théorie politique, un sous-ensemble de la théorie morale qui traite du rôle de la violence en société.  La théorie politique traite du rôle de l’État, de ce qu’il doit faire ou ne pas faire ; l’État se distinguant des autres groupes sociaux en ce qu’il organise la violence. Le libertarianisme soutient que seule l’autodéfense peut justifier le recours à la violence, et que l’emploi de la force devient illégitime, injuste et criminel lorsqu’il dépasse cette limite. Le libertarianisme, par conséquent, stipule que les violations des droits individuels sont illégitimes et qu’une personne devrait être libre d’agir comme bon lui semble à condition qu’elle respecte les droits d’autrui. La façon dont une personne se comporte à l’intérieur de ces limites est d’une importance cruciale, mais ne concerne pas le libertarianisme.

Il n’est donc pas surprenant que certains libertariens soient hédonistes, adeptes de modes de vies alternatifs, alors que d’autres adhèrent fermement à la moralité bourgeoise et conventionnelle. Certains libertariens sont libertins ; d’autres sont très attachés à la discipline imposée par les doctrines religieuses. D’autres encore n’ont pour morale que celle imposée par l’axiome de non-agression. Autrement dit, le libertarianisme, en lui-même, ne prescrit aucune théorie morale générale ou personnelle. Il n’offre pas de sagesse de vie ; ce qu’il offre, c’est la liberté, de sorte que chacun puisse être libre d’agir selon ses propres principes moraux. Les libertariens s’accordent avec Lord Acton lorsqu’il affirme que « la liberté est la plus haute des fins politiques », mais pas nécessairement la fin la plus haute sur l’échelle de valeurs de tous les individus.

En revanche, il n’est pas contestable que les économistes libertariens, partisans de la libre entreprise, soient ravis lorsque le marché libre accroît l’éventail de choix à la disposition des consommateurs, et augmente ainsi leur niveau de vie. Sans aucun doute, l’idée que la prospérité est plus souhaitable que la misère est une proposition morale, et a trait au champ plus large de la théorie morale ; c’est malgré tout une proposition à laquelle je crois fermement.

Mythe 3. Les libertariens ne croient pas aux principes moraux ; ils se limitent à des analyses coûts-avantages en supposant que l’homme est toujours rationnel.

Ce mythe est, bien sûr, lié à l’accusation précédente d’hédonisme, et l’on peut en partie y répondre de la même façon. Il existe en effet des libertariens, en particulier les économistes de l’école de Chicago, qui refusent de croire que la liberté et les droits individuels sont des principes moraux ; et qui évaluent les politiques publiques à l’aune de leurs prétendus coûts et avantages sociaux.

Tout d’abord, la plupart des libertariens sont “subjectivistes” en économie, c’est-à-dire qu’ils croient que le bien-être des individus ne peut être ni mesuré ni additionné. De ce point de vue, les concepts de coûts ou d’avantages sociaux sont illégitimes. De surcroît, l’existence de principes moraux, du droit naturel sur sa personne et sa propriété, est centrale dans l’argumentation de la plupart des libertariens. Par conséquent, les libertariens soutiennent que la violence agressive, c'est-à-dire la violation de ces droits, est absolument immorale, quels que soient les personnes ou les groupes à l’origine de cette violence.

Loin d’être immoraux, les libertariens appliquent simplement une éthique humaine universelle à l’État, de la même manière que la plupart des gens appliqueraient cette éthique à toutes les autres personnes ou institutions sociales. En particulier, comme je l’ai souligné ci-dessus, le libertarianisme, en tant que philosophie politique, applique sans crainte à l’État une croyance éthique que la plupart d’entre nous entretenons à l’égard de la violence. Les libertariens ne font aucune exception à la règle d’or lorsqu’il s’agit de l’État. Les libertariens soutiennent qu’un meurtre reste un meurtre, et qu’il ne peut pas être justifié par la raison d’État s’il est commis par le gouvernement. Nous croyons qu’un vol reste un vol et qu’il ne devient pas légitime si une bande organisée de criminels le renomme « impôt ». Nous croyons que l’esclavage reste l’esclavage même si l’institution qui l’applique l’appelle « conscription ». En résumé, la clé de la théorie libertarienne, c’est qu’elle applique à tous son éthique universelle, et ne fait pas d’exception pour l’État.

Les libertariens sont donc loin d’être indifférents ou hostiles à l’égard des principes moraux. Au contraire. Ils sont les seuls prêts à étendre leur application aux activités de l’État lui-même.

Il est vrai que les libertariens permettent à chaque individu de choisir ses valeurs et d’agir en accord avec elles. Autrement dit, les libertariens accordent à chaque personne le choix de se comporter de façon morale ou immorale. La libertarianisme s’oppose fermement à l’imposition à qui que ce soit (groupe ou individu) de credo moraux par la violence, sauf, bien sûr, la prohibition morale à l’égard de la violence elle-même. Mais nous devons prendre conscience qu’aucune action ne peut être dite vertueuse sans être entreprise librement, en l’absence du consentement volontaire de l’individu. Comme le souligne Frank Meyer,

Ni la liberté ni la vertu ne peuvent être imposées aux hommes. Dans une certaine mesure, il est vrai, l’on peut les forcer à simuler la vertu. Mais la vertu est le fruit de la liberté bien comprise. Et aucune action entreprise de force ne peut être dite vertueuse (ou vicieuse).

Si un individu doit, par la contrainte, agir d’une certaine façon, cela n’est plus un choix moral de sa part. Une action ne peut être morale que si elle est librement entreprise ; une action ne peut guère être dite « morale » si l’on est forcé de l’entreprendre à la pointe d’un fusil. L’on ne peut donc pas prétendre que l’imposition de conduites morales, ou l’interdiction de conduites immorales, répandent de quelque façon que ce soit la vertu ou la morale. Au contraire, la coercition atrophie la moralité car elle ôte la liberté de choix individuelle, la liberté d’agir de façon morale ou immorale. Paradoxalement, donc, la coercition prive les individus de l’opportunité de se comporter de façon morale.

Il est donc particulièrement grotesque de vouloir mettre entre les mains de l’État (qui n’est rien de moins que l’organisation qui regroupe les policiers et les soldats) la garde légale de la morale. Donner à l’État la responsabilité d’assurer l’ordre moral revient à donner à un renard la charge d’un poulailler. Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir des personnes à la tête de l’État (en charge d’organiser la violence en société), l’on doit reconnaître qu’elles ne se sont jamais distinguées par leur probité morale ou par leur soin à appliquer les principes moraux.

 

A suivre

 

 

 

 

 

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Murray N. Rothbard (1926-1995) fut le plus grand auteur libertarien américain. Il écrivit sur l’éthique, la philosophie, l’économie, l’histoire américaine et l’histoire des idées. Il fut l’auteur de la plus sérieuse remise en cause de la légitimité du gouvernement, et approfondit les connaissances sur la propriété de soi et le principe de non coertion. Il fut professeur d’économie à l’université de Las Vegas et vice président du Ludwig von Mises Institute.
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