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Sur la finance monétaire et les pièces de platine

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Published : June 17th, 2017
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Category : Gold and Silver

Il est devenu évident, aux yeux de tous ceux qui participent au monde financier, que les politiques monétaires employées par les banques centrales ont complètement échoué à parvenir à leurs objectifs.

Mais les banquiers centraux continuent sur leur lancée, et resteront à bord du train monétaire jusqu’au dernier arrêt, parce qu’en sauter signifierait risquer des blessures graves. Les économistes indépendants qui ne travaillent pas pour une quelconque banque centrale ont tous perçu cet échec, et certains ont tenté de développer des solutions imaginatives.

Mais leur approche présente un problème de taille. Bien qu’ils reconnaissent l’échec de l’expérience des banques centrales, dans leurs tentatives de trouver des solutions pour y remédier, ils utilisent les mêmes principes macroéconomiques que ceux qui nous ont menés jusqu’cet échec. Penchons-nous donc sur un exemple classique, qui relève pleinement du domaine public. Adair Turner, dans une étude présentée lors de la conférence organisée en novembre dernier par le FMI, recommande une approche qu’il qualifie de finance monétaire. Lord Turner propose une solution au travers de laquelle le gouvernement des Etats-Unis pourrait dépenser de l’argent sans générer de dette. Il propose également de remplacer la dette sur les bilans de la Fed par un actif qui ne soit pas porteur d’intérêts et ne nécessite pas de remboursement par le gouvernement.

Et ce n’est pas là la seule manière dont Lord Turner espère faire pleuvoir de l’argent au-dessus de nos têtes. Il est d’avis que sa solution puisse relancer l’économie sans générer de déflation, et estime que la théorie qu’il développe ne peut pas être remise en cause. Pour lui, tout est donc question de volonté politique. Et si, pour une raison quelconque, ce qu’il préconise ne fonctionnait pas, le gouvernement pourrait introduire des règlementations qui lui permettraient de ré-adopter cette solution dans le futur, afin que le train monétaire ne s’arrête jamais.

L’idée avancée par Lord Turner, selon laquelle les lois économiques ne peuvent pas être discutées, illustre parfaitement la myopie des macro-économistes modernes. Je ne sais pas s’il ignore la théorie économique autrichienne parce qu’il n’en a pas connaissance, ou parce qu’il est persuadé du fonctionnement du néo-classicisme keynésien. Ce qui fait de sa recommandation en faveur de la finance monétaire un triomphe supplémentaire de l’espoir sur l’expérience. Si des règlementations relatives à la finance monétaire étaient établies, il serait bien trop tentant pour les gouvernements de continuer à dépenser sans coûts apparents. Ce genre de dépenses effrénées est toujours justifié par les intérêts nationaux, et pourtant, sur ce point, Lord Turner semble naïvement confiant.

Aucun macro-économiste n’est jusqu’à présent parvenu à m’expliquer comment l’appauvrissement d’une majorité de la population au travers de la dévaluation continuelle de l’épargne et du pouvoir d’achat peut déboucher sur un renforcement de l’économie. La dévaluation d’une devise en vue de financer une série de correctifs rapides a toujours été l’intention derrière les politiques monétaires, et cette proposition n’en est que le plus récent exemple. La faille fondamentale de cet argument est rendue évidente par les tentatives de plus en plus désespérées de stimuler la demande globale. Pour qu’une stimulation de la demande puisse aboutir au-delà d’un seul cycle du crédit, une économie planifiée est nécessaire, au sein de laquelle les gens se voient dicter quoi produire et quoi consommer, et où le moyen de calcul économique, la monnaie, n’est pas pris en compte dans l’équation.

La stimulation de la demande globale ne fonctionne que très rarement sur un seul cycle du crédit, une fois pris en compte le progrès temporel de la dévaluation monétaire et l’ajustement des prix. La suppression des taux d’intérêt ne fonctionne pas non plus, parce qu’elle ne fait que transférer la demande depuis le moment présent vers l’avenir, et introduire des distorsions qui peuvent être perçues comme des résultats positifs.

Et c’est là que les arguments des défenseurs de la gestion de la demande globale laissent particulièrement à désirer. Ils voudraient nous faire croire que la croissance économique se trouve réduite par une hausse de l’épargne, mais si les statisticiens cessaient de sous-rapporter les bénéfices économiques d’un investissement sur les ordres supérieurs de production, le rôle de l’épargne au sein de l’économie pourrait être mieux compris. C’est là un point qui a partiellement été concédé aux Etats-Unis avec la publication trimestrielle de la production brute, qui inclue les actions intermédiaires qui caractérisent l’assemblage de biens d’équipement. Cet investissement sur l’amélioration de la production est la destination d’une majeure proportion de notre épargne, et s’il est sous-rapporté, la valeur de l’épargne n’a que peu de chances d’être pleinement appréciée.

La production brute n’est malheureusement que très rarement prise en considération par les médias financiers, mais le contraire ne suffirait pas à persuader les économistes néoclassiques d’abandonner leurs convictions. C’est la raison pour laquelle un grand nombre d’entre eux détournent aujourd’hui leur attention depuis la stimulation monétaire vers la stimulation fiscale. Tels des chiens avec leurs os, ils refusent de se rendre, et les recommandations d’économistes tels que Krugman et Summers pourraient bientôt profiter d’une renaissance.

C’est aussi l’idée directrice de l’argument de Lord Turner. Pour lui, la limite imposée à la création de dette ne devrait pas s’appliquer aux dépenses du gouvernement. Le financement de la dette arrive à bout de course, et plutôt que de limiter les dépenses du gouvernement, nous devrions chercher des moyens de contourner ces limitations. La finance monétaire est présentée comme étant une nouvelle approche, mais en-dehors de ses détails opérationnels, il ne s’agit que d’une théorie réchauffée.

C’est une variante de la proposition de frappe d’une pièce de platine d’un trillion de dollar pour répondre au problème du plafond de la dette, qui a fait surface il y a deux ans. L’idée était d’exploiter une échappatoire légale qui permettrait au gouvernement d’émettre une pièce de platine d’une valeur nominale d’un trillion de dollars qui, une fois déposée auprès de la Fed, offrirait au gouvernement un crédit d’un trillion de dollars. Grâce à cette proposition et celle de Turner, la Fed pourrait se retrouver avec des bilans présentant une grosse dose de bon vouloir de la part du gouvernement américain.

Et techniquement, tout cela pourrait fonctionner. Après tout, il est difficile d’imaginer comment un auditeur oserait remettre en question cet arrangement, compte tenu de la suprématie du gouvernement américain. Un arrangement similaire est déjà en place aujourd’hui, le Trésor représentant 8.134 tonnes d’or, d’une valeur actuelle de 325 milliards de dollars. Personne ne sait si cet or existe vraiment. Il pourrait avoir complètement disparu, mais quel auditeur oserait remettre en question la validité d’une obligation émise par le Trésor ?

Sans oublier que la Fed n’a aucun auditeur.

La combine de finance monétaire dépend de la souscription de deux catégories de victimes. La première est le peuple américain, qui ne remet que très rarement en cause les questions monétaires qu’il ne comprend pas, et le deuxième est les étrangers, qui pourraient simplement prendre peur. La finance monétaire et la frappe d’une pièce d’un trillion de dollars sentent mauvais le désespoir. Et elles ont toutes les chances d’être accueillies par une révision par le bas de la note de crédit des Etats-Unis et d’accélérer l’abandon du dollar par le reste du monde. Si ces mesures étaient entreprises, elles le seraient alors même que la Fed avancerait à ses médias un argument selon lequel les espèces devraient être abandonnées, à l’exception peut-être des plus petites coupures. Les plus gros propriétaires d’espèces sont les étrangers qui résident en-dehors des Etats-Unis, et une imagination fertile n’est pas nécessaire pour comprendre que ces dollars pourraient rapidement être abandonnés en faveur d’autres devises, y compris de l’or.

Comme je l’ai déjà dit, ce genre de combines est utilisé pour stimuler la demande, et beaucoup pensent qu’un retour à une inflation des prix de 2% pourrait être perçu comme une preuve de réussite. C’est une grossière erreur, qui est basée uniquement sur la théorie de la quantité de monnaie qui s’appliquait à l’or à l’époque de Cantillon et de Ricardo, mais n’est qu’un effet secondaire au sein des systèmes monétaires fiduciaires. Lord Turner échoue à établir cette distinction.

Le déterminant majeur du pouvoir d’achat est aujourd’hui la confiance du public, qui s’exprime au travers de la préférence relative entre la monnaie et les biens. Une légère transformation de cette préférence est tout ce qui est nécessaire pour altérer le niveau général des prix, sans pour autant que soit transformée l’activité économique, parce que les consommateurs comme les producteurs, qui sont simplement des facettes différentes des mêmes personnes, souhaitent conserver moins d’espèces. C’est la raison pour laquelle les banques centrales éprouvent une grande difficulté à contrôler la conséquence des politiques monétaires.

Les macro-économistes ont commis une autre erreur dans leur diagnostic des problèmes économiques. En se concentrant sur le PIB nominal, ils ne font que mesurer l’injection de monnaie supplémentaire dans l’économie, et non son utilisation économique. Ils passent à côté du fait que les gens continuent de vivre leur vie, de créer des biens et de dépenser le plus gros de leur salaire, en essayant aussi d’épargner un petit peu. Un problème se pose lorsque les autorités monétaires et les banques commerciales commencent à interférer avec la monnaie, le moyen de calcul économique, pour générer de faux épisodes d’expansion et d’inévitables récessions. Ce sont les interventions monétaires et les macro-économistes qui sont le problème, et non l’économie elle-même.

En revanche, les interventions incessantes de ces dernières décennies ont mené à un gonflement de la dette. De la dette a été accumulée au point de devenir inconfortable pour une majorité des acteurs économiques, un malaise qui ne peut plus être apaisé par l’affaiblissement des taux d’intérêt. Ces intrusions dans les affaires monétaires ont poussé l’économie des Etats-Unis vers une trappe de la dette. En bon étatiste, Lord Turner pense avoir offert une solution au gouvernement, mais manque de répondre au problème du secteur privé.

Si son principe de finance monétaire était adopté, les banquiers centraux espèreraient certainement un retour imminent de taux d’intérêt plus normaux. Le niveau de normalité est impossible à déterminer sans la contribution du marché, mais en imaginant que les banquiers centraux l’estiment entre 3 et 5%, les coûts d’emprunt tacites dégraderaient énormément les finances du gouvernement, en raison de sa dépendance à la dette de court terme. De la même manière, la dette toxique gonflerait sur le secteur privé.

Pour conclure, la proposition de finance monétaire de Lord Turner ne tient pas la route. Le dollar s’est déjà renversé, et si l’or peut nous indiquer quoi que ce soit, c’est que l’interdiction des espèces et la finance monétaire ont plus de chances de faire s’effondrer le dollar que de stimuler la demande.

 

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