Au fil des mois et des années, la découverte progressive d’un paysage tourmenté prend corps. Le système financier est atteint de gigantisme, à la recherche de son équilibre perdu. En raison de la disproportion de sa taille par rapport à celle de l’économie, cette dernière n’est plus en mesure de lui fournir les garanties réclamées de manière accrue par ses transactions et les mesures de son renforcement. Potentiellement insoutenable, la dette des États souverains n’est plus un point d’appui indéfectible du système financier. Celui-ci souffre d’une surproduction de dette – destinée à créer de la richesse et suppléer à l’inégalité de la répartition des ressources – et ne parvient pas à en résorber le stock. Au fil d’enquêtes dont le champ s’élargit, l’autorégulation se confirme autoriser des manipulations touchant les principaux marchés et leurs indices, ayant au moins l’apparence de ne pas être l’exception mais la règle. À mettre en relation avec le poids grandissant sur ces mêmes marchés d’un cercle qui s’est réduit de mégabanques, ainsi qu’avec le développement du shadow banking. Les injections massives de liquidité des banques centrales destinées à soutenir le système financier dopent la valeur des actions sans commune mesure avec la performance économique, elles déséquilibrent le système monétaire international et incitent les investisseurs au risque au sein du secteur non encadré en raison de la baisse des taux. Calmant d’une main le jeu obligataire, elles suscitent de l’autre des départs de feu. Timorée, la régulation se heurte non seulement à la résistance opiniâtre des acteurs du système mais également à sa nature. En raison de leur complexité, la valorisation des actifs financiers fait aussi l’objet de manipulations, le calcul étant de toute façon impossible, rendant illusoires les réglementations visant à renforcer les fonds propres du système bancaire, ceux-ci reposant entre autres sur de la dette souveraine fragilisée. Les ressources du système sont prioritairement consacrées à sa sauvegarde, au détriment de l’activité économique, sans savoir comment se prémunir d’un danger systémique inhérent. Poussé dans ses retranchements, parcouru de contradictions, le pouvoir oligarchique est partagé entre la fuite en avant et, dans un réflexe d’autoprotection, la mise en place d’une régulation condamnée à courir après l’événement. L’instabilité se poursuivant, l’espoir ne résidant plus dans le rapide retour d’une croissance salvatrice – tout redevenant comme avant – une nouvelle période se dessine sans que ce qui en résultera soit tracé d’avance. En tout état de cause, les sociétés occidentales vont être amenées à connaître de profonds changements, qui vont du pire que l’on voit se mettre en place au meilleur qui ne se discerne pas encore. Les rapports de force ne sont pas établis, la route sera longue et glissante. |