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La tentative de lancer un
nouvel acronyme pour rejoindre celui des PIGS tourne court. L’idée était de
dénommer FISH (poisson, en anglais) le nouvel ensemble de pays à problèmes
composé de la France, l’Italie, l’Espagne et la Hollande. Mais si l’on en
croit la Commission qui vient de publier ses prévisions révisées, c’est à
nouveau toute la zone euro qui se porte très mal.
Rien ne va plus et cela tient
en trois données : la poursuite de la récession avec une baisse du PIB de
0,3% en 2013, la réduction plus lente que voulue des déficits publics, et
l’approfondissement du chômage dont le taux devrait atteindre 12,2%. Ces
données valables pour la zone euro ne sont que des moyennes et cachent des
disparités parfois importantes, mais l’on sait que la contagion est très
forte au sein du marché unique.
Selon la Commission, le taux
de chômage va atteindre 27% en Grèce et en Espagne, où la récession
s’approfondit et les prévisions de réduction du déficit déraillent à nouveau,
en dépit d’objectifs déjà remaniés. Mariano Rajoy a
eu le front d’affirmer qu’il avait « sauvé le pays du naufrage »
alors qu’il continue de rouler la dette publique et de financer les déficits
à des taux toujours très élevés, chargeant d’autant la barque pour ne pas
demander un plan de sauvetage qu’Angela Merkel
ne souhaite pas assumer dans cette période électorale.
Bien entendu, 2014 est paré
des plus beaux atours, la Commission prétendant contre toute évidence que,
pour la zone euro, « la demande intérieure devrait prendre le relais
comme principal moteur pour renforcer la croissance » dans ce contexte
de récession et de rigueur. Des ajustements du calendrier de réduction du
déficit sont dans les tuyaux, dans le cadre de négociations communautaires
qui s’annoncent comme un marché de dupes : il va falloir donner des garanties
côté réformes structurelles en contrepartie de l’obtention de délais, tandis
que, piètre travestissement, la rigueur ne dit pas son nom mais ses mesures
s’accumulent. En particulier en France, où l’on est entré dans le vif du
sujet. A l’échelle européenne, Olli Rehn a
déploré que les analyses du FMI à propos du multiplicateur budgétaire
– ce biais trouvé pour contester la stratégie de désendettement désastreuse
qui se poursuit – « érodent la confiance que nous avons péniblement
reconstruite ». Dans quelle exoplanète qui
sera bientôt découverte ces gens vivent-ils donc ?
Moody’s vient de dégrader la
note du Royaume-Uni, suscitant la réaffirmation par George Osborne, le
chancelier de l’échiquier, de la politique du gouvernement britannique :
« Ce soir, nous avons droit à un sévère rappel des problèmes de la dette
auxquels est confronté notre pays. C’est également un avertissement très
clair à quiconque penserait que l’on peut se soustraire au règlement de ces
problèmes ». »Loin d’affaiblir notre détermination à mettre en
œuvre notre plan de relance, cette décision la redouble. Nous poursuivrons la
mise en œuvre de ce plan qui a réduit le déficit d’un quart et nous a permis
d’avoir des taux d’intérêt très bas et un nombre record d’emplois » (et
qui replonge au contraire le pays dans la récession.)
Autre signe significatif rendu
public dans une journée décidément morose, les banques remboursent bien moins
que prévu par les analystes les crédits du LTRO de la BCE. Sur les 987
milliards d’euros de crédit à trois ans accordés en deux vagues il y a un an,
198 milliards sont à ce jour remboursés par anticipation, soit environ 1/5 ème. Le secret entoure la liste des banques y procédant,
ainsi que les montants remboursés, il est donc difficile d’interpréter ce qui
ressort de l’application d’un principe de précaution – notamment en
raison de la situation italienne très incertaine après l’épisode Monti – ou
du besoin que les banques ont de garder des liquidités à très faible coût.
Selon Barclays, toutefois, les banques italiennes n’auraient pas participé
aux remboursements, mais l’opacité règne toujours autant. Le Wall Street
Journal a publié le 20 février un article à cet égard fort bien documenté
l’illustrant : « Les banques [européennes] recalculent les risques
associés à leurs portefeuilles de prêts commerciaux et carnets d’ordre d’une
manière flatteuse, ce qui a pour effet d’augmenter leur ratio du capital
rapporté au risque pondéré de leurs actifs, une mesure que les investisseurs
et les régulateurs utilisent pour évaluer les capacités des banques à
absorber des pertes inattendues. »
Joaquim Almunia,
le commissaire à la concurrence, a de son côté mises celles-ci en garde,
constatant leurs réticences à collaborer dans l’enquête à propos des
manipulations du Libor et de l’Euribor, réfutant ce
qu’elles considèrent être des allégations infondées de leur mauvaise conduite
! « Si des pratiques collusives sont avérées, il s’agira d’une sérieuse
atteinte au développement d’une concurrence saine sur les marchés
financiers » a-t-il averti. La commission veut donc alourdir les amendes
et le commissaire précise que l’existence de cartels de banques et de
courtiers est suspecté, et qu’il n’est pas envisagé de traiter avec les
banques une par une, comme c’est jusqu’à maintenant le cas aux États-Unis et
au Royaume-Uni. On verra la suite.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre,
Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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