Surveillance massive des citoyens, les tyrans l’ont rêvée, vos élus l’ont votée! Liliane Held-Khawam

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Published : September 13th, 2016
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Quel est le dénominateur commun entre les dictateurs toutes doctrines confondues (extrémistes droite-gauche, juntes militaires, extrémistes religieux,…)? L’espionnage des citoyens….

Qui n’a pas entendu parler de système totalitaire qui met les populations sous surveillance généralisée dans le but de préserver les acquis d’une minorité au pouvoir? La terre pullule de ce genre d’individus qui veulent dominer et gouverner quitte à supprimer les libertés individuelles dont la plus importante est celle d’avoir droit à la vie privée…

Surveillance permanente. Fut un temps où les pays qui ont connu le totalitarisme se dotaient de mouchards. Généralement, ceux-ci étaient des êtres humains qui ne vous voulaient pas du bien. C’était le voisin, le collègue, un coreligionnaire, un chauffeur de taxi, un collègue,etc.

Aujourd’hui la technologie a  non seulement remplacé tous ces traîtres devenus inutiles, mais en plus la surveillance peut se faire 24heures sur 24, 7 jours sur 7. Les mouchards sont devenus technologiques cachés dans les appareils utilisés au quotidien. Tout appareil connecté au web va devenir le traître potentiel. Quelque part sur la planète, des personnes peuvent lire et stocker vos données. Votre vie privée est devenue d’un coup publique.

Sous un régime d’Etat de droit, cette chose qui transforme une vie privée en base de données publiques est interdite et serait passible de sanctions pénales. La Constitution suisse par exemple impose son article 13 intitulé Protection de la sphère privée qui dit ceci:

1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu’elle établit par la poste et les télécommunications.

2 Toute personne a le droit d’être protégée contre l’emploi abusif des données qui la concernent.

Toute une série d’autres articles concernant des libertés accompagnent cet article 13. Nous trouvons ainsi

Art. 16 Libertés d’opinion et d’informatio

2 Toute personne a le droit de former, d’exprimer et de répandre librement son opinion.

3 Toute personne a le droit de recevoir librement des informations, de se les procurer aux sources généralement accessibles et de les diffuser.

Art. 17 Liberté des médias

1 La liberté de la presse, de la radio et de la télévision, ainsi que des autres formes de diffusion de productions et d’informations ressortissant aux télécommunications publiques est garantie.

2 La censure est interdite.

3 Le secret de rédaction est garanti.

Eh bien, tout ceci est en grand danger dans les Etats dits de droit! Une surveillance généralisée est d’ores et déjà opérationnelle et prête à être légalisée.

Un système totalitaire aux allures démocratiques est en train de s’abattre sur l’Europe grâce à des personnes élues sur la base d’un système de droit…

Comme l’enrobage de tout ceci se fait sous des impératifs de sécurité et de paix, et que la surveillance ne peut être mise en place en dehors de la justice, voici la preuve que la surveillance généralisée est un dispositif banal voulu par les firmes transnationales en général et celles du web en particulier.

La surveillance de masse en Allemagne

Profitons d’un évènement qui s’est déroulé en Allemagne pour poser la problématique de la surveillance de masse. Un rapport  publié en 2015 faisait état d’une visite de membres de la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) allemande dans la station d’écoutes Bad Aibling. Cette visite s’était  déroulée conjointement par l’agence allemande du renseignement, la Bundesnachrichtendienst (BND), ET par la National Security Agency (NSA) américaine.

Le rapporteur relève 18 manquement graves. Selon Le journaliste G Champeaud, « L’institution reproche au BND d’avoir créé sept bases de données rassemblant des informations personnelles sur des suspects ou simples citoyens lambda, sans aucun mandat législatif pour ce faire, et de les avoir utilisées depuis plusieurs années au mépris total des principes de légalité. Le commissaire a exigé que ces bases de données soient détruites et rendues inutilisables.« 

Selon le journaliste, une base est assise sur le programme de la NSA qui collecte les données sur le web aussi bien visibles (publiques) que par interception…

Et voilà que d’importantes données de citoyens au-dessus de tout soupçon sont massivement collectées et renvoyées aux Etats-Unis! Dans ces données figurent de manière parfaitement illégales celles de citoyens allemands…

Plus loin, le rapport révèle que »la Cnil allemande a découvert une base de données plus intrusive encore, baptisée VERAS 6, où c’est l’ensemble de toutes les métadonnées de tous les internautes qui sont interceptées et stockées pendant 3 mois« .

Mais voilà que les problèmes soulevés dans ce rapport pourraient disparaître grâce à une légalisation de la chose. Il suffit , en effet, qu’un texte de loi soit voté pour que ce qui était illégal devienne légal.

Ce texte de loi pourrait parfaitement être l’équivalent de la Loi sur le Renseignement qui est fort heureusement soumise à référendum.

Loi suisse de surveillance de masse soumise à référendum

Une loi sur le renseignement est soumise à référendum ce mois-ci. Des dirigeants démocratiquement élus trouvent justes de mettre les électeurs qui leur font confiance en situation de perte de leur droit à une vie privée. C’est un grand moment de la démocratie helvétique!

Cette loi sera sans aucun doute votée. Elle est créditée de près de 60% de voix.

Ce qui explique ce succès garanti selon les sondages est double. Le terrorisme de Daëch d’une part et la conviction que cela concernera une vingtaine de cas par année avec au centre de toute procédure la justice usuelle balisent le succès de l’opération.

Prévenir le terrorisme est bien sûr légitime et indispensable dans un Etat de droit. Pourtant, un pays comme la France qui a connu plusieurs attentats sanglants est doté d’une loi sur le renseignement équivalente à celle mise en place par Berne. Les drames de Paris et de Nice ont eu lieu quand même.

Par ailleurs, la Suisse est déjà dotée d’un dispositif pour parer à ce genre de situations sans soumettre à surveillance l’ensemble de sa population.

Le deuxième point qui dit que le juge sera obligatoirement saisi avant toute intervention est simplement faux.

Le site de la Confédération dit en effet:

« La LRens reformule le mandat d’analyse globale de la situation par le Service de renseignement de la Confédération (SRC) à l’intention des bénéficiaires de ses prestations. Cette loi apporte au SRC des moyens de détection précoce permettant de protéger le pays et sa population. Les nouvelles possibilités de recherche d’informations prévues dans la LRens sont soumises à autorisation et doivent être approuvées par trois instances : le Tribunal administratif fédéral, la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité et le chef du DDPS. »

Cette assertion est partielle et pourrait induire en erreur les votants! Si l‘article 5 de la loi confirme que des mesures de recherches doivent être soumises à autorisation, il ajoute que d’autres ne le sont pas. Voici des extraits de l’article:

Art.5Principes applicables à la recherche d’informations

1Pour accomplir ses tâches, le SRC recherche des informations à partir de sources

accessibles au public et de sources non accessibles au public.

2Il met en œuvre à cet effet des mesures de recherche non soumises à autorisation et des mesures de recherche soumises à autorisation.

4 Il a le droit de collecter des données personnelles à l’insu des personnes concernées

Il existe bel et bien une collecte potentielle de données à l’insu de la personne concernée non soumise à autorisation. 

Il existe dans cette loi sur le Renseignement une partie de 3 pages qui traite de la collecte non soumise à autorisation! Il s’agit du »Chapitre 3 Recherche d’informations et la Section 1 Mesures de recherche non soumises à autorisation »

La nature des données non soumises à autorisation sont celles qui sont de nature publique ou visible. L’article 13 l’explicite. En effet, une information publique sur une personne donnée n’est pas très relevante de ce qu’elle est. Mais qu’en est-il de la collecte et du traitement de milliers de données publiques (y c facebook, relations personnelles et professionnelles, habitudes d’achats, lieux de loisirs, etc). On peut imaginer que des gestionnaires de big data et leurs clients marketeurs soient hautement motivés de les avoir ces données publiques compilées!

Art.13 Sources d’informations publiques

Par sources d’informations publiques, on entend notamment:

a.les médias accessibles au public;

b.les registres des autorités de la Confédération et des cantons qui sont accessibles au public;

c.les recueils de données que des particuliers rendent accessibles au public;

d.les déclarations faites en public.

Quant à l’usage d’aéronefs et de satellites, on voit mal pourquoi on fat usage de ce genre d’outillage SANS autorisation de l’instance judiciaire!

Art.14 Observations dans des lieux publics et dans des lieux librement accessibles

1Le SRC peut observer des événements et des installations dans des lieux publics ou dans des lieux librement accessibles et y effectuer des enregistrements visuels et sonores. Il peut utiliser à cet effet des aéronefs et des satellites.

2Il a l’interdiction d’observer et d’effectuer des enregistrements visuels et sonores d’événements et d’installations relevant de la sphère privée protégée. Les enregistrements visuels et sonores relevant de la sphère privée protégée qu’il est techniquement impossible d’éviter doivent être immédiatement détruits.

Et là d’un coup nous repensons au cas des citoyens allemands. Quid dans le cas de la Suisse des personnes concernées par cette collecte des données publiques non soumise à autorisation? Si la personne est dangereuse, pourquoi ne pas se cantonner à la procédure sous autorisation histoire de rester dans un environnement de droit?

Mais ce n’est pas tout. Nombre de personnes ont relevé la particularité de l’article 39.1 qui dit ceci:

Art.39 Obligation d’obtenir une autorisation 1

Les mandats d’exploration du réseau câblé sont soumis à autorisation.

La recherche de mots-clés lors de l’exploration du réseau câblé induit une action sur l’ensemble des citoyens. du coup, tout le monde est présumé coupable! Voici un article du temps qui analyse la chose. On y relève ceci:

« L’exploration du réseau câblé prévue par la nouvelle loi sur le renseignement (LRens) permettrait au Service de renseignement de la Confédération d’enregistrer tous les flux de données et de les filtrer au moyen de mots-clés. Ce service aurait ainsi accès aux e-mails, aux recherches via Internet ou aux conversations téléphoniques via Skype. Toutes les personnes se trouvant en Suisse seraient touchées par cette mesure.

Les métadonnées (qui, quand, où et avec qui on communique) de toutes les personnes en Suisse sont déjà conservées pendant six mois. Aux termes de la LRens, les services secrets auraient accès à ces données, même si aucun soupçon d’infraction ne pèse sur l’individu concerné. »

Un organe de contrôle indépendant

Et voilà que dans ce texte dense et technique, nous voyons apparaître qu’un organe indépendant -à l’image d’une Finma- est chargé de vérifier la légalité de l’exploration radio (WIFI, GSM, Téléphonie,…).

Aucun organe ne peut être totalement indépendant, autonome et détaché de toute structure. C’est simplement impossible. Finma et dotée d’un conseil d’administration dont les membres sont issus du secteur privé. Nous avons aussi vu que la direction du contrôle des finances fédérales, organe indépendant était audité par le responsable de la Cour des comptes allemande. Alors?

Qui auditera cet organe qui peut faire à tout suisse son droit à la vie privée? Nous n’en savons rien!

Art.75 Organe de contrôle indépendant pour l’exploration radio

1Le Conseil fédéral institue un organe de contrôle indépendant, chargé de vérifier la légalité de l’exploration radio. Cet organe accomplit ses tâches de contrôle sans recevoir d’instructions. Il veille à assurer la protection des informations qu’il obtient lors de ses contrôles.

Il y a quelque chose d’inquiétant dans cette loi qui s’amplifie lorsqu’on la met bout -à-bout avec l’Ordonnance sur les contrôles de sécurité relatifs aux personnes (si vous êtes collaborateur dans un département fédéral ou cantonal, cette loi pourrait vous intéresser) entrée en vigueur en 2011 et la Loi sur la surveillance de la Correspondance, Poste et Télécommunications, LSCPT dont l’article 3 dit:

Art. 3 Service de surveillance (LSCPT)
1 La Confédération exploite UN service chargé de la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication, au sens de l’art. 269 du code de procédure pénale (CPP)6 (service).
2 Le service exécute ses tâches de manière autonome. Il n’est pas assujetti à des instructions et n’est rattaché au Département fédéral de justice et police (DFJP) QUE sur le plan administratif.
3 Les autorités concédantes, les autorités de surveillance compétentes en matière de services postaux et de télécommunication, les autorités de poursuite pénale et le SERVICE collaborent dans l’exécution des tâches de ce dernier

La Loi sur le renseignement couplée à la LSCPT mettront en danger certainement le travail des journalistes d’enquête, les métiers soumis au secret professionnel (avocats), soumettront tôt ou tard les entreprises, principalement les PME à de potentielles situations de concurrence déloyale, de mise en danger de leurs secrets de fabrication,..

Au vu de l’extraterritorialité du droit américain, la reddition économique et financière de la Suisse (déjà faite grâce à la politique fédérale des finances menée entre 2008 et 2014), comme celle de l’Allemagne ou de la France se fera par ce biais…

Voici quelques extraits de cette loi assez inquiétante qui devraient amener le citoyen à s’interroger sur les potentielles dérives qui dépassent et de loin le simple référendum de septembre.

A côté de ces interrogations qui s’imposent sur l’avenir des libertés fondamentales offertes par les gouvernants fédéraux se pose la question de la destination finale de ces données. rappelons qu’en avril 2015, la Berne fédérale souhaitait centraliser toutes ses données dans un cloud bien à elle, bien sécurisé. Les mandats ont été confiés à Hewlett Packard et Teradata, deux entreprises américaines.

Cela fait penser à la surprenante inspection de l’armée suisse effectuée récemment par des inspecteurs américains… 

Il faut reconnaître que nous vivons une période curieuse où certains pays acceptent de se soumettre à d’autres dans le but de favoriser la « coopération »… Pourquoi pas après tout si tout le monde y trouve son compte…

Liliane Held-Khawam

Extraits utiles de la LRENS

Art.1 Objet

La présente loi règle:

a.l’activité du Service de renseignement de la Confédération (SRC);

b.la collaboration du SRC avec d’autres autorités de la Confédération, avec les

cantons, avec l’étranger et avec les particuliers;

c.le pilotage politique du SRC, ainsi que le contrôle et la surveillance des activités de renseignement.

Art.4 Autorités et personnes concernées

La présente loi s’applique aux autorités et personnes suivantes:

a.autorités de la Confédération et des cantons chargées de l’exécution d’activités de renseignement;

b.autorités de la Confédération et des cantons ainsi qu’organisations et personnes de droit public ou privé qui disposent d’informations pertinentes pour les activités de renseignement;

c.particuliers auxquels la présente loi fait obligation de transmettre des informations pertinentes pour les activités de renseignement.

La nouvelle loi sur le renseignement (LRens) marque un tournant fondamental dans la surveillance de la population suisse. Désormais, ce ne seront plus des individus spécifiques mais bien tout le monde qui sera surveillé, en détail et sans soupçon concret. Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) aura ainsi les moyens de surveiller Internet de manière généralisée et indépendamment de toute suspicion. Il pourra aussi mener des perquisitions en secret et s’introduire dans des ordinateurs en Suisse et à l’étranger.

Cet argumentaire présente les points les plus critiques de cette loi controversée et démontre la nécessité de s’en défendre par référendum.

La LRens est inutile – le Service de renseignement n’a pas besoin de compétences supplémentaires

La Suisse dispose déjà aujourd’hui des outils légaux nécessaires à la répression d’actes ou de projets liés au terrorisme, au crime organisé, à la prolifération d’armes ou à des services secrets interdits. Ces outils sont aux mains du Ministère public de la Confédération et des polices cantonales. Un service de renseignement qui agit en secret, sur la base de vagues suspicions et en parallèle aux organes judiciaires légitimes mène à une confusion des compétences et à un manque de transparence nuisant à l’État de droit. Le SRC doit se concentrer sur ses missions et se restreindre à communiquer immédiatement les cas suspects au Ministère public.

Une surveillance de masse sans motif ni soupçon

La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’est exprimée de manière très critique en 2014 : «L’enregistrement des données de communication constitue une immixtion dans la vie privée, que ces données soient consultées par la suite ou non. Cette ingérence dans la sphère privée a des conséquences négatives sur les droits fondamentaux tels que la liberté d’opinion ou de réunion».

En Europe, la rétention des données de communication a été déclarée caduque par la Cour de justice de l’Union européenne. Les juges ont considéré cette pratique comme disproportionnée et en tout point incompatible avec la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

La surveillance commence déjà au stade de la saisie et de l’enregistrement d’informations. Nous serons tous surveillés, pas seulement quelques suspects.

L’exploration du réseau câblé : un quadrillage systématique d’Internet

L’exploration du réseau câblé doit permettre au service de renseignement «d’enregistrer les signaux transmis par réseau filaire qui traversent la Suisse». Mais, de par la nature même de ces systèmes, une bonne part de nos communications passe par l’étranger. Qui plus est, les serveurs sont répartis dans le monde entier. Ainsi, c’est la communication de tous ceux qui résident en Suisse qui est concernée.

Par ce procédé, le service de renseignement veut s’assurer un accès aux communications électroniques telles que les e-mails, les requêtes sur des moteurs de recherche, la téléphonie via Internet et les données conservées sur les services de cloud computing. Chercher une aiguille dans une botte de foin qui ne cesse de grossir ne fera qu’accroître le nombre de faux résultats, et créer ainsi toujours plus de suspicions inutiles à l’encontre de personnes innocentes.

Les libertés publiques garanties par la Constitution sont en danger

L’exploration du réseau câblé et la rétention des données ne sont pas compatibles avec notre Constitution, ni avec les droits fondamentaux. La liberté de réunion, la protection de la vie privée et la libre opinion seront restreintes durablement par la LRens. Ce alors que ces principes sont ancrés aussi bien dans la Constitution fédérale que dans le Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Au lieu de s’engager activement pour des droits de l’homme élémentaires, la Suisse développe une surveillance à échelle industrielle, sans justification ni preuve d’efficacité.

Nos droits fondamentaux sont en danger. Ce référendum fournira une bonne occasion de lancer un débat sur notre rapport à ces droits. Une discussion publique sur la surveillance de masse et ses conséquences sur la société est nécessaire.

Les chevaux de Troie, ou comment l’argent public finance des logiciels néfastes

La LRens autorisera le service de renseignement à pénétrer dans les ordinateurs et smartphones de tiers et y installer des logiciels de surveillance (chevaux de Troie). Ces logiciels lui donneront le contrôle sur l’appareil photo, le microphone, le GPS et la mémoire interne. Cette perquisition clandestine basée sur quelque soupçon incertain est une atteinte sérieuse à la vie privée. Ce n’est pas pour rien que les perquisitions conventionnelles requièrent que la personne concernée soit présente, ou au moins informée après coup.

Cette façon d’obtenir des informations nécessite que le service de renseignement recoure aux offres de firmes douteuses qui développent des logiciels malfaisants. Ces mêmes firmes ont pour clients réguliers des régimes totalitaires comme Oman, le Turkménistan, le Soudan ou la Syrie. Le service de renseignement va donc exploiter des failles de sécurité au lieu d’aider à y pallier. Nos propres systèmes demeureront défectueux et sans protection. Le service de renseignement va ainsi contribuer à mettre des infrastructures critiques en danger.

Attaques à l’étranger

Le service de renseignement pourra mener des opérations de sabotage hors frontières «lorsque des systèmes et réseaux informatiques qui se trouvent à l’étranger sont utilisés pour attaquer des infrastructures critiques en Suisse». Chacune des ces «représailles» sera politiquement très risquée et causera des dommages collatéraux. Le service de renseignement pourrait ainsi agir d’une manière qui serait à la fois impensable dans le cas d’opérations militaires «classiques» et incompatible avec la neutralité suisse.

La LRens est hostile à l’économie et menace notre avantage compétitif

Dès que le scandale de la NSA a éclaté, de nombreuses firmes actives dans les TIC ont déplacé leurs sièges en Suisse. Elles y ont trouvé une situation politique stable, des lois sur la protection des données et un service de renseignement bien encadré. La LRens va nuire à ces atouts.

À l’avenir, les entreprises seront contraintes d’exclure des dispositifs de sécurité pour permettre la surveillance. Des firmes innovatrices perdront en crédibilité si l’État vient saper les efforts qu’elles déploient pour plus de sécurité.

Qui plus est, l’affaiblissement volontaire des standards de sécurité aura pour conséquence une perte généralisée en sûreté des systèmes, car il n’y pas que l’État qui puisse exploiter des failles, «pour la bonne cause». Des criminels peuvent aussi en profiter.

La LRens provoquera la disparition de l’avantage compétitif que nous procure la protection des données.

Une collaboration internationale à nos dépens

Le Service de renseignement de la Confédération sera amené à réaliser des missions inconciliables entre elles.

D’un côté, il sera en charge du contre-espionnage, ce qui signifie qu’il devra protéger les personnes, les entreprises et les organisations établies en Suisse contre l’espionnage d’autres services de renseignement. D’un autre côté, il sera un partenaire de services étrangers (comme ceux des USA) intéressés par les données suisses et par l’espionnage en Suisse.

En outre, il deviendra un acteur dans le commerce international de données issues de l’espionnage. En espionnant les communication à l’étranger, il pourra proposer des informations à échanger contre d’autres, de services étrangers, obtenues par des opérations d’espionnage de la population suisse qu’il n’a pas le droit en théorie de réaliser lui-même.

Citation de Markus Seiler, directeur du SRC : «Le renseignement est un donnant-donnant constant. La Suisse dispose d’une service de renseignement petit mais efficace. Nous avons assurément des choses à offrir à nos partenaires à l’étranger.»

Ce jeu d’échange montre que tout le monde peut être surveillé ainsi – même les concitoyens. En admettant que chaque service de renseignement n’espionne «que» les communications de l’étranger mais les partage ensuite avec ses partenaires, cela revient au même: on se fait surveiller par son «propre» service.

En résumé

La liberté d’opinion et d’information est un droit de l’homme garanti constitutionnellement et un élément central du contrôle démocratique. Si l’on nous enlève la possibilité de nous exprimer librement et sans se faire épier, nous perdons tout – comme individus et comme société. Une lettre ouverte commune d’Amnesty International, de la Fondation suisse des consommateurs SKS, de Société Numérique et d’autres organisations mettant expressément en garde à ce sujet n’a pas été prise en compte par le Parlement.

La nouvelle loi sur le renseignement est une attaque frontale contre nos droits constitutionnels, contre la démocratie et contre l’État de droit. La fausse promesse sécuritaire semble avoir à ce point ébloui les politiciens que tous les moyens leur paraissent légitimes. Pourtant, l’élargissement des compétences qu’offre la nouvelle loi n’amènera pas plus de sécurité. Au lieu de cela, les instances qui luttent déjà aujourd’hui contre la criminalité et le terrorisme se voient privées de ressources précieuses pour leur travail.

 

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