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Il
existe une telle attente à propos de l’intervention de la BCE
que le risque d’une grande déception se renforce de jour en jour
en attendant la réunion du 6 septembre. Mario Draghi,
son président, se retrouve devant le Parlement européen sur la
défensive en tentant de faire valoir sans convaincre que
l’action de la banque centrale n’est pas assimilable à une
création monétaire, ce qui n’augure pas d’une
annonce répondant à l’attente des marchés
qui ne voient d’issue, par défaut, que dans une intervention massive
et rapide. En toute indépendance, la BCE s’enfonce dans une
crise qu’elle n’a pas les moyens politiques de régler.
Les
représentants des organisations internationales se désolent et
le font savoir. Angel Gurría, le
secrétaire général de l’OCDE, vient de
déclarer que « la BCE est le bazooka, la puissance de feu, le
muscle, la seule qui ait la capacité de faire comprendre aux
marchés : oui nous le ferons » en parlant des achats
d’obligations espagnoles et italiennes, dont il considère que,
pour leur concrétisation, « le plus tôt sera le mieux
». Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI,
explique que « le dogmatisme n’est pas de mise » en
matière d’assainissement budgétaire et appelle à
juger les gouvernements sur « la qualité des mesures
qu’ils prennent plus que sur l’adhésion à des
objectifs de déficits prédéterminés », une
condamnation sans équivoque de la stratégie
d’austérité budgétaire appliquée. Il
n’est que Klaus Regling, le directeur du
FESF, pour se déclarer convaincu qu’une solution à la
crise européenne va intervenir d’ici « un ou deux ans
», à condition que « tous les pays de la zone
monétaire respectent strictement leurs engagements de consolidation
budgétaire et continuent à améliorer leur
compétitivité… ».
Le
gouvernement espagnol est au bout du rouleau, sollicité par les
régions qui les unes après les autres réclament
l’aide financière du Frob – le
fonds de soutien qui n’est toujours pas pleinement opérationnel
et dont la dotation de 18 milliards d’euros faite de bric et de broc
sera vite épuisée – et devant boucher d’urgence
grâce au même Frob le trou de 4,5
milliards d’euros de Bankia, la 4ème
banque du pays qu’il a nationalisée, sans pouvoir attendre que
les fonds européens destinés au renflouement des banques lui
parviennent. Dans les deux cas, le compte à rebours est lancé
et mène au mieux à la fin du mois. Quelques 30 milliards
d’échéances de dette attendent ensuite le gouvernement en
octobre, et Mariano Rajoy tente toujours
d’esquiver les contreparties d’un plan de sauvetage en bonne
et due forme. Sans même parler de la Grèce pour laquelle aucune
solution ne se profile, tout cela va se terminer par un sauvetage
improvisé de l’Espagne auquel succéderont de nouvelles
tensions que l’Italie va devoir supporter. Qui doit ensuite
s’échauffer pour se préparer à prendre la suite ?
Après
avoir rencontré Mario Monti demain mardi à Rome,
François Hollande se rendra jeudi à Londres pour
s’entretenir avec David Cameron. De quoi cette fébrilité
soudaine est-elle le signe, si ce n’est de la recherche de compromis de
dernière minute avec les uns et les autres, lesquels ne fondent pas
une politique ? Les partisans de François Hollande appellent les
députés de la majorité à resserrer les rangs et
à voter en faveur du traité d’austérité
budgétaire pour lui donner une marge de manœuvre vis-à-vis
de la chancelière, mais Wolfgang Schäuble,
le ministre allemand des finances, n’enregistre que le début de
l’instauration « d’une relation de confiance » avec
le président Hollande, qui fait contraste avec « la très
bonne relation avec le président Sarkozy et son gouvernement »
qu’il rappelle.
Jamais
sans doute n’est apparu avec tant de clarté le décalage
existant entre ces conciliabules et ces jeux de pouvoir avec la dynamique
d’une crise qui se poursuit inexorablement.
Billet
rédigé par François
Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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