Lorsque l’on
demande un avis à son entourage sur un prêt bancaire en France,
on se voit souvent opposer une réponse ferme :
« surtout pas un taux variable ! » Il est vrai
qu’historiquement – pour des raisons qu’il serait
extrêmement intéressant d’étudier
séparément d’une manière plus approfondie –
les français préfèrent les taux fixes aux taux
variables. Si l’on prend pour exemple les prêts immobiliers
contractés en France,
environ 90% des crédits à moyen et long terme sont fixes,
tandis qu’aux États Unis, au Royaume-Uni ou encore en Espagne,
les mêmes prêts sont généralement indexés
(le plus souvent sur un indice monétaire ou obligataire : Euro interbank offered rate/EURIBOR, Euro OverNight
Index Average/ EONIA, Bons du Trésor à taux fixe et à
intérêt annuel/ BTAN).
Mais
au-delà de la préférence française pour les taux
fixes, on peut se demander quels sont les conséquences
économiques de ce choix. Pour répondre à cette question,
il est important de regarder le point de vue des débiteurs mais aussi celui
des créanciers et des épargnants.
En premier
lieu, lorsque l’on regarde les effets d’une évolution des
taux du point de vue des débiteurs, il faut bien comprendre que le
type de taux auquel ils ont souscrit n’est pas suffisant pour
déterminer l’évolution de leur solvabilité car il
faut également tenir compte de l’évolution nominale de
leurs revenus et des prix.
Ainsi, si les
taux devaient baisser, l’emprunteur qui a contracté un
prêt à taux variable verrait sa traite diminuer tandis que celui
qui a contracté un prêt à taux fixe, aurait
l’impression d’avoir fait une mauvaise affaire car il aurait
acheté plus cher un produit dont le prix a baissé
ultérieurement. Mais tant que la baisse des taux ne s’accompagne
pas d’une baisse des salaires, la solvabilité des
débiteurs reste inchangée.
Pour un
débiteur ayant contracté un prêt à un taux
variable, le véritable problème se pose lorsque les taux
remontent (ceci est d’autant plus le cas dans la situation actuelle que
les taux n’ont plus beaucoup de marge à la baisse), car il voit à
ce moment-là le montant de sa traite augmenter et son pouvoir
d’achat diminuer. Les débiteurs qui ont souscrit des prêts
à taux fixes ne sont en revanche pas perdants dans le cas d’une
remontée des taux (car ils auront acheté moins cher un produit
qui s’est renchéri ultérieurement) mais en outre, s’il
s’agit aussi d’une période d’augmentation nominale
des prix (et des salaires), ils pourraient même se trouver gagnants du
point de vue de leur pouvoir d’achat.
Les effets
pour le débiteur :
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Taux fixes
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Taux variables
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Augmentation des taux
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le débiteur a fait une bonne affaire (surtout si les salaires
nominaux augmentent).
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le pouvoir d’achat des débiteurs diminue (si leurs
salaires n’augmentent pas proportionnellement).
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Baisse des taux
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le débiteur a fait une mauvaise affaire (surtout si les
salaires nominaux diminuent aussi).
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le pouvoir d’achat des débiteurs s’améliore
(si leurs salaires ne diminuent pas proportionnellement).
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Sans
l’ombre d’un doute, du point de vue du débiteur, la
situation idéale est d’avoir souscrit un emprunt à taux
fixe et de voir ultérieurement les taux (et plus encore les salaires
nominaux) augmenter. Mais en toute logique, cette situation
particulièrement bénéfique pour le débiteur est proportionnellement
désastreuse pour les créanciers ainsi que pour les épargnants
qui ont avancé les fonds.
Les effets
pour le créancier et l’épargnant :
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Taux fixes
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Taux variables
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Augmentation des taux
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le créancier a fait une mauvaise affaire.
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le pouvoir d’achat
des créanciers s’améliore (si leurs salaires ne
diminuent pas proportionnellement).
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Baisse des taux
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le créancier a fait une bonne affaire.
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le pouvoir d’achat des créanciers diminue (si leurs
salaires n’augmentent pas proportionnellement).
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Il est par
ailleurs crucial de comprendre que l’évolution à la
hausse des taux d’intérêt (combinée à une
augmentation nominale des salaires et des prix, due précisément
à l’expansion monétaire et du crédit) opère une redistribution des
ressources bien plus importante que celles qui sont ponctuellement
effectuées à travers l’impôt et les subventions. En
effet, ceux qui ont accès à des taux
d’intérêt bas et fixes accèdent à la
possibilité d’acheter des biens (notamment immobiliers) au
détriment des créanciers (et épargnants) qui voient
fondre le rendement de leurs investissements (et respectivement de leurs dépôts).
Somme toute, la
réponse à la question de savoir s’il faut
préférer des taux fixes ou des taux variables est une
réponse normande : « cela dépend ». Selon
que l’on se met à la place des débiteurs ou celle des
créanciers et des épargnants, et selon l’évolution
attendue des taux (à la hausse ou à la baisse), la
réponse sera différente. Le prochain billet détaillera
davantage les problèmes posés par les taux fixes pour les
banques.
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