Les dollars canadiens et
américains ont le même ancêtre: la pièce de dollar
espagnol qui circulait largement en Amérique du Nord avant la
Révolution américaine. Toutefois, l’ère des
devises de papier illimitées témoigne d’une divergence
marquée des Canadiens et des Américains pour la forme physique
de leur dollar respectif. Les Américains n’ont jamais
imprimé de billet de deux dollars et ils résistent à la
pièce d’un dollar, le Susan B. Anthony. Ils
préfèrent de loin leur billet vert avec le portrait de George
Washington. Par contre, les Canadiens ont reçu la pièce
d’un dollar, le Huard, avec suffisamment d’enthousiasme pour
assurer l’usage de la pièce de deux dollars, le Polar, et ceci a
permis de retirer tous les billets de un et deux dollars.
Les mines d’or ont
joué un rôle important dans le développement
économique du Canada. Voir e.g., A.
Hoffman, Free Gold: The Story of Canadian Mining (McGraw-Hill,
édition originale en 1947, publié à nouveau en 1982).
Aujourd’hui, le Canada est le septième producteur d’or au
monde, produisant approximativement 150 tonnes métriques d’or
nouvellement sorties des mines annuellement, majoritairement en Ontario, au
Québec et en Colombie Britannique, tel qu’indiqué par le
graphique ci-dessous, qui a été préparé avec des
données de Statistiques Canada, Statistiques Minérales et
d’Exploration de l’Ontario, et du Ministère Énergie
et Ressources du Québec. La production à Hemlo a
commencé en 1985.
Bien que les mines d’or
ne soient plus aussi importantes qu’autrefois pour
l’économie canadienne, elles sont un facteur dans les
économies locales de plusieurs communautés rurales qui ont
souffert du prix de l’or relativement bas à cause des banques
centrales. Voir M. Murenbeeld & Assoc., The Impact of Central Bank Gold Sales on the
Canadian Gold Mining Industry (May 7, 2003);
An Analysis of Central Bank Gold Sales and
Its Impact on the Gold Mining Industry in Canada
(May 2002). Il est
toutefois surprenant qu’au lieu de modérer l’impact de la
vente d’or par les banques centrales sur le prix de l’or, le
Canada ait choisi de vendre plus d’or et plus tôt que tous les
autres pays industrialisés.
En utilisant les
données du Fonds Monétaire International (FMI) dans la
série sur les Statistiques Financières Internationales,
le tableau suivant montre les réserves d’or officielles de
divers pays à la fin de 1985, 1993 et 2002. Le Canada a vendu 437
tonnes d’or de 1986 à 1993, réduisant ses réserves
en or de 625 tonnes à la fin de 1985 à moins de 190 tonnes au
début de 1994, quand il a cédé de 67 tonnes
additionnelles. Ayant vendu en moyenne 13 tonnes par année depuis, le
Canada est le seul pays au monde représentant une force
économique majeure qui a virtuellement éliminé ses réserves
en or.
Réserves en Or rapporté au Fonds Monétaire International
(millions d’onces sauf indication contraire)
Pays fin-1985 fin-1993 fin-2002
Canada (onces) 20.11 6.05 0.60
(tonnes) 625 188 18.6
Autres Pays du G-7
États-Unis 262.65 261.79 262.00
France 81.85 81.85 97.25*
Allemagne 95.18 95.18 110.79*
Italie 66.67 66.67 78.83*
Japon 24.23 24.23 24.60
Grande Bretagne 19.03 18.45 10.09
Autres Pays de l’Euro
Autriche 21.14 18.60 10.21
Belgique 34.18 25.04 8.29
Hollande 43.94 35.05 27.38
Portugal 20.23 16.06 19.03
Suisse 83.28 83.28 61.62
Autres Émergents
Chine(Continentale)12.70 12.70 16.10
Inde 9.40 11.46 11.50
Russie n/a 10.20 13.60
Autres Pays Producteurs
Australie 7.93 7.90 2.56
Afrique du Sud 4.84 4.76 5.58
Tous les pays**
(onces) 951.61 919.30 930.57
(tonnes) 29,599 28,594 28,945
*Les augmentations représentent la différence entre l’or retourné par
l’Institut Monétaire Européen et l’or transféré à la Banque Centrale Européen.
**Exclu l’or tenu par le Fond Monétaire International et la Banque des
Règlements Internationaux, et avant 1998, l’Institut Monétaire Européen.
Le tableau révèle
quelques points notables. Premièrement, les trois «Autres Pays
de l’Euro» qui ont vendu une part significative de leurs
réserves d’or aussi grande ou plus grande que le Canada
n’ont plus à essayer de supporter une monnaie nationale.
Deuxièmement, non seulement la Chine et la Russie ont augmenté
modestement leur réserves en or, mais il y a des raisons de croire que
la Chine a des réserves d’or additionnelles
non-rapportées. De plus, en ajoutant 3,4 millions onces en 2001
après avoir rapporté 12,7 millions onces chaque année de
1981 jusqu’en 2000, la Chine signale peut-être un point de vue
positif pour que l’or joue un rôle dans le système
financier international. Voir, e.g., Focus: China's gold rush, China
Daily (September 25, 2003).
Une enquête diligente mené l’an dernier par un citoyen canadien
intéressé n'a pas pu extraire du gouvernement canadien une
explication pour la vente de ses réserves d’or. Voir
E. Steer, When Irish Eyes Are Smiling, LeMetropoleCafe
(November 13, 2002). Le
gouvernement minoritaire de Joe Clark est tombé avant d’avoir
l’opportunité de mettre en œuvre un plan annoncé en
décembre 1979 pour vendre de l’or pour diversifier les
réserves monétaires officielles du Canada. Cette idée
avait un sens à ce moment-là, en particulier en raison du prix
élevé de l’or en 1980. Toutefois, diversifier les
réserves monétaires est une chose; éliminer les
réserves en or en est une autre.
Bien que la Banque du Canada ait
produit un rapport
complet pour justifier le traitement de l’or venu d’outre-mer
durant la Seconde Guerre Mondiale et qu’elle ait aussi produit
obligatoirement les données sur la vente d’or depuis 1985, elle
dirige toutes les requêtes à propos de cette vente au
Ministère des Finances du gouvernement fédéral. Il
suffit de dire que dans ce cas, en dépit de mois d’efforts pour
aboutir à la fin au bureau de la «gestion de risque», M.
Steer s’est heurté au mur proverbial. Toutefois, il a obtenu des
aveux intrigants:
[TRADUCTION] Mais dans les secondes
agonisantes de la dernière conversation téléphonique
avec le bureau de la «gestion de risque», la personne avec qui je
parlais a laissé tomber une véritable bombe! Nous avions
parlé deux fois avant et il était un véritable chic
type, décent et honorable. Voici ce que je me souviens qu’il
m’a dit: «Et bien Ed, vous n’êtes peut-être pas
heureux des réponses que vous avez eues, mais je peux vous dire
que vos requêtes pour savoir ce qui est arrivé à
l’or du Canada ont déclenché une alarmes au
Ministère des Finances. Il y a deux choses auxquelles le
Ministère est extrêmement sensible, et cela en est une.»
S’il ne m’avait pas dit cela, le présent article
n’aurait jamais été écrit. [Emphase
ajoutée.]
En l’absence d’une
explication officielle, M. Steer offre sa propre théorie fascinante
pour expliquer les ventes d’or du Canada et il invite les autres
à en faire autant. Il suggère qu’au «Sommet de Shamrock»
au Québec en 1985, Ronald Reagan a obtenu de Brian Mulroney son appui
pour un plan pour ruiner la vieille Union Soviétique en faisant tomber
les prix du pétrole et de l’or, ses deux principales sources de
devises étrangères. En se fondant sur cette hypothèse,
la vente d’or du Canada serait le héros inconnu faisant une
contribution importante pour gagner la Guerre Froide, sans compter que cela
aurait l’effet additionnel de polir la pauvre image de M. Mulroney
auprès des autres dirigeants mondiaux.
Les réserves d’or du
Canada étaient plutôt modestes comparativement aux
États-Unis et aux autres puissances occidentales. En admettant
l’existence d’un tel plan, et comme M. Steer pense
lui-même, il semble plutôt improbable que le Canada
reçoive une proposition ou qu’il ait été
d’accord pour porter le fardeau de la vente d’or tout seul. En
d’autres occasions d’accords internationaux coordonnés
pour contrôler le prix de l’or, par exemple, le Pool d’Or
de Londres de 1961 à 1968, on n’a pas fait porter le fardeau de
la tâche sur un seul pays. De plus, en refusant d’appuyer
l’initiative défensive de la «Guerre des
Étoiles» de M. Reagan, le gouvernement Mulroney laissait passer
une occasion beaucoup moins coûteuse et plus efficace de mettre des
pressions sur les finances de l’Union Soviétique qui, en toute
éventualité, s’est effondrée avant que les ventes
d’or du Canada ne s’accélèrent en 1992.
Les pays ne cédent pas une
grande partie de leur réserves d’or à la
légère. Plus souvent qu’autrement, même les ventes
d’or apparemment entreprises pour diversifier les réserves
officielles sont en fait motivées par des raisons concernant des
intérêts d’importance nationale ou de survie nationale.
Comme premier ministre de 1984 à 1993, M. Mulroney a
été confronté à deux problèmes
d’envergure historique qui aurait pu justifier la vente d’or si
cela pouvait procurer une solution: convenir d’un accord de libre
échange avec les États-Unis et surmonter le problème
constitutionnel posé par le mouvement séparatiste du Québec.
A suivre
Reg Howe
GoldenSextant.com
Reginald H. Howe est le fondateur de Golden
Sextant Advisors LLC, qui fournit des services de consultation, de management
et de banque d’affaires à des societies et particuliers ayant un
intérêt pour l’or.
|