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Pas
de conte pour Noël et pas de bonnes résolutions pour le Nouvel An
! Tout au plus aurait-il pu être fait appel à Dickens et
à son personnage détestable de Mr Scrooge,
dans A Chrismas Carol, pour dépeindre
la vision du monde des milieux financiers, mais Martin Wolf a
déjà utilisé le procédé dans sa
dernière et féroce chronique du Financial Times.
Abandonner
la fiction et redescendre sur terre s’impose, d’autant plus que
l’actualité – comme nous nous y sommes accoutumés
au fil des ans – fournit une ample et édifiante matière
à commentaire. La City de Londres est ainsi le théâtre
d’une histoire exemplaire, ses représentants du haut du panier feraillant avec acharnement contre les projets de la
coalition gouvernementale formée par les Tories et les LibDem, ce qui est tout de même un peu
surprenant, indeed ! Faut-il que la
période soit pleine d’imprévus…
L’affaire
s’est mal engagée à propos des bonus, thème choisi
pour faire passer la pilule, en raison de sa forte portée symbolique
en ces temps d’austérité non partagée. Puis elle
s’est poursuivie sur un sujet moins grand public, mais à plus
forte répercussion : l’éventualité
d’une séparation entre les activités risquées et
traditionnelles des banques. Une commission ayant été mise en
place par le gouvernement pour l’étudier, ce qui semble
déjà être en soi intolérable pour ces messieurs.
Les
passes d’armes se multiplient donc sur les rives embrumées de la
Tamise, rappelant ses heures les plus glaciales. Les hostilités
avaient été déclenchées par la banque Barclays,
portant haut l’étendard des banques privées pour avoir
préféré le soutien – très monnayé
– d’investisseurs moyen-orientaux à l’infamie
d’une nationalisation, même partielle. Non sans avoir
encaissé les subsides de la Fed, suite à la déconfiture
d’AIG, l’assureur américain.
Tout
un symbole, la banque a désigné Bob Diamond
à sa tête, jusque-là en charge de l’activité
banque d’affaires. Vince Gable, le ministre du commerce, ne pouvant
s’empêcher de laisser échapper qu’il y voyait la
promotion à la tête d’une des grandes banques mondiales
d’un « patron de casino ».
Nick
Clegg, vice-Premier ministre et chef de file des LibDem,
n’en est pas resté là, sur le terrain choisi des bonus.
Provoquant de nouvelles empoignades publiques au terme desquelles David
Cameron, le premier ministre, convoquait les patrons des banques pour
officiellement les sermonner, non pas sur les quais de la Tamise mais non
loin de là, dans l’atmosphère plus cosy du 10, Downing Street. Las, le mauvais temps puis les
fêtes imposèrent d’ajourner la rencontre, dont on attend
toujours la tenue.
En
tout état de cause, l’affaire ne va pas en rester là car
la Barclays, accompagnée de HSBC, vient de menacer de s’exiler
de Grande-Bretagne, si d’aventure la menace d’une découpe
venait à se préciser. Ce chantage caractérisé
n’est pas nouveau et a d’ailleurs été
déjà mis partiellement à exécution par HSBC, dont
le directeur général a pris ses quartiers à Hong Kong,
au plus près du nouvel Eldorado. La réponse de la Barclays, en
attendant la suite, est donc déjà connue.
Confortés
par les soutiens sans contrepartie qu’ils ont reçus, comme
s’ils allaient de soi, ces gens sont décidément
irrécupérables, du haut de leurs imprenables citadelles, avec
pour armes sur leurs blasons, celles de leurs cousins suffisance et
arrogance. Tout à l’exercice de leurs talents, les seigneurs de
l’argent n’ont que faire de la plèbe des manants, avec
lesquels ils ne veulent rien partager et à qui ils doivent tout. Sous
le regard du curé, ils jetteront dans la sébile leur obole pour
les pauvres, 2,8 milliards d’euros au titre d’un
prélèvement gouvernemental, en jurant in petto de se refaire,
sans même attendre que cela soit compensé par un abaissement
progressif de l’impôt sur les sociétés. Mr Scrooge n’était finalement pas si
caricatural que cela.
Quant
aux mauvaises résolutions, il n’en manque pas à la City.
Paul Jorion
pauljorion.com
(*) Un « article
presslib’ » est libre de reproduction
en tout ou en partie à condition que le présent alinéa
soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est
un « journaliste presslib’ » qui
vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il
pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui
tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
Paul Jorion,
sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix
dernières années dans le milieu bancaire américain en
tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié
récemment L’implosion. La finance contre l’économie
(Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La
Découverte : 2007).
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