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Toujours se méfier des faux-plats

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Published : April 06th, 2012
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Category : Editorials

 

 

 

 

Il n’y a pas trente-six manières de décrire le faux calme actuel qui n’est pas destiné à durer très longtemps. Seulement trois : les banques centrales sont une dernière ligne de défense passive ; le désendettement public comme privé se passe très mal et va longtemps se poursuivre ; malgré tout, le système résiste avec opiniâtreté afin que tout tente de rester comme avant.


A écouter Mario Draghi, en charge de la Banque centrale européenne (BCE), on croit entendre Jean qui rit et Jean qui pleure. Un jour, tout va bien ! le lendemain, ce n’est pas si sûr que cela ! Lui même s’y perd un peu : « les gens disent que je suis optimiste. Je suis optimiste de manière relative, comparé à il y a quatre mois, mais je ne suis pas optimiste de manière absolue, ce serait prématuré »…


Suivant ses publics, il adapte son langage, exprimant ainsi les impératifs contradictoires devant lesquels il se trouve. Quand il s’adresse aux Allemands, fier dit-il du casque à pointe dont le quotidien Bild l’a affublé dans une photo-montage, il est toute rigueur et lutte contre l’inflation. Quand il se tourne vers les autres, il affirme que « toute discussion sur une stratégie de sortie est prématurée à l’heure actuelle ». À tous, il ne peut que réclamer de la patience, car « le plein impact du soutien de ces mesures non conventionnelles a besoin de temps pour se déployer et pour avoir un effet positif sur la croissance des prêts quand la demande repartira ». Abandonnant son discours précédent, qui prédisait sans délai cet effet, il entérine au passage l’idée que, s’il a les moyens d’éviter les grosses catastrophes, il n’a pas ceux de régler une crise que son collègue de la Banque nationale du Canada vient de qualifier de « chronique «, soulagé qu’elle ne soit plus aiguë. Jusqu’à quand ?


Sur au moins un sujet, Mario Draghi, ne tient pas de propos ambigus : ayant un mot de regret à propos du chômage, il ne voit pour le résorber de possible que « les réformes structurelles [qui] sont nécessaires pour créer la croissance à long terme… », avisant dans la foulée que « le modèle social qui prévaut dans certains pays européens doit être révisé car il n’est pas durable ».


De la Fed à la Banque du Japon et de la Banque d’Angleterre à la BCE, unE seule certitude demeure dans le petit monde des banques centrales: il n’y a que la foi qui sauve; ce qu’elles traduisent par des injections massives de liquidités, des taux d’intérêts réduits et des achats directs ou indirects de titres souverains. De mois en mois, elles se réunissent chacune de leur côté, et la seule question que se posent à chaque fois les commentateurs n’est pas « vont-elles revenir sur leurs accommodements ? » – joliment dénommées mesures non conventionnelles » – mais « vont-elles ou non relancer leurs programmes d’achat de titres obligataires ? ».


Car les banques centrales sont en ce moment au four et au moulin : elles soutiennent un système financier ainsi que des États qui marchent de plus en plus en crabe, qui fonctionnent selon un mode dégradé diraient les informaticiens : il n’est plus envisageable de laisser le marché exercer seul ses talents. Sans aller jusqu’à admettre qu’il serait comme qui dirait détraqué, qu’il ne régulerait plus comme dans le bon temps, trompé et abusé par lui-même…


Il faut écouter les banques centrales avec attention, car elles parlent d’or ! Par exemple lorsqu’il est question de la future transposition en droit européen des directives de Bâle III, le supposé fer de lance de la régulation financière qui régit les normes de renforcement des capitaux propres et de liquidité des banques. En demandant à cette occasion un peu de mansuétude, en particulier à l’égard des banques italiennes. Celles-ci donnent bien du souci en dépréciant depuis le début de l’année leurs actifs douteux et en accumulant des pertes, augmentant d’autant leurs besoins de recapitalisation.


L’Autorité bancaire européenne (EBA), le régulateur des banques, vient également de le suggérer à sa manière, en rendant public une simulation des besoins de financement des 48 principales banques européennes, si elles avaient dû au 30 juin dernier satisfaire de manière anticipée aux normes de Bâle III qui devront être respectées dans un an. Le résultat donne idée du mur devant lequel elles vont se trouver placées, puisqu’elles auraient dû mettre sur la table 242 milliards d’euros…


On croit comprendre qu’une certaine souplesse est réclamée et qu’il ne faudrait pas demander aux banques l’impossible, ce qui créerait une immédiate crise de confiance sur les marchés, au cas probable où certaines d’entre elles n’arriveraient pas à être dans les clous. L’EBA a assorti sa simulation d’une précision intéressante, à l’appui de sa démonstration implicite : 20% des banques étudiées n’atteignent pas le ratio de 4,5% de fonds propres durs, alors qu’il sera exigé 7%. Sur le front bancaire, en dépit des largesses de la BCE, de gros nuages sombres se profilent à l’horizon, car il est toujours douteux que toutes les banques parviennent à faire face à leurs besoins de financement.


Si la BCE parle d’or, Mario Monti parle d’argent. Au retour d’une tournée asiatique destinée à intéresser les investisseurs au sort de l’Italie, il a assuré qu’il « pense à des interventions » en vue de stimuler la croissance, tout en reconnaissant que ses marges de manœuvre sont « restreintes », « car il n’est pas possible d’injecter des fonds publics ». Déplorant par ailleurs « la souffrance sociale » et les effets récessifs des mesures adoptées par son gouvernement, indispensables pour rassurer les marchés.


Il regrette aussi qu’il ne soit pas possible, dans le contexte de la récession italienne actuelle et de la nécessité de rassurer les marchés, de remettre en cause l’objectif de rééquilibrage des comptes dès 2013, un engagement ambitieux pris par Silvio Berlusconi, tient-il à préciser. Pour y parvenir, il fonde ses espoirs sur les résultats de la lutte contre l’évasion fiscale, afin de dégager des recettes (comme le gouvernement espagnol), et le maintien à leur niveau des taux obligataires, qui se sont relativement détendus grâce aux achats des banques italiennes avec les prêts de la BCE (mais cela, il ne dit pas).


La fragilité extrême de la situation générale vient sans attendre d’être illustrée, à l’occasion de la dernière émission obligataire de l’Espagne à 3, 4 et 8 ans, qui a dû concéder une importante hausse des taux. Le gouvernement espagnol a accéléré son programme de refinancement de sa dette pour profiter de l’opportunité qu’offrent les achats obligataires massifs de ses banques nationales, rendus possibles par les capitaux empruntés à la BCE à l’instar de leurs consœurs italiennes, mais un coup d’arrêt vient d’être porté à cette tactique : la tension est revenue sur les taux.


Au Portugal voisin, la perspective de devoir revenir dès 2013 sur le marché pour se financer a conduit le gouvernement à prudemment commencer à tester celui-ci. Avec comme objectif non avoué de démontrer que cela ne sera pas possible, afin d’obtenir un nouveau soutien qu’officiellement il ne demande pas. Mais c’est par un autre bout que la situation financière se détériore. Les valeurs financières ont fait plonger la Bourse de Lisbonne, en raison de la crainte du contre-coup espagnol mais aussi de la situation du système bancaire du pays. 12 milliards d’euros sont prévus dans le cadre du plan de sauvetage en cours de 78 milliards d’euros, mais la somme se révèle totalement insuffisante au regard des besoins.


Le FMI vient dévoiler le pot aux roses en recommandant dans un rapport d’étape sur le plan de sauvetage en cours une rallonge financière à celui-ci, en raison des « défis redoutables » devant lesquels le pays se trouve et du « scepticisme » des marchés, ainsi que des « développements favorables dans d’autres pays périphériques » et « un approfondissement de la récession ». Olli Rehn, le Commissaire aux affaires européennes, a de son côté parlé de construire « une sorte de pont » pour quand le Portugal reviendra sur le marché.


L’Irlande, prématurément annoncée par certains comme tirée d’affaire, prévoit une croissance de 0,5% en fin d’année au lieu de 1,3%, ce qui va nécessiter de nouvelles coupes budgétaires afin de ramener comme prévu son déficit budgétaire à 8,6% de son PIB.


Cette histoire de désendettement à marche forcée ne tient décidément pas debout, ni les Etats, ni même les banques à qui il est beaucoup pardonné, n’y parviennent comme escompté.


Cela n’empêche pas le déroulement de bagarres souterraines acharnées sur le terrain de la régulation financière amenant Michel Barnier, le commissaire au marché unique, à déclarer qu’il ne se laisserait pas intimider ! Une grande pagaille est d’ores et déjà instaurée, sur laquelle il ne va pas être possible de revenir, si l’on considère les disparités réglementaires qui se profilent entre les Etats-Unis et l’Europe. Il est déjà acquis que ce maquis sera le lieu de chasse non gardée de ceux qui voudront s’affranchir de règles jugées par eux trop contraignantes en dépit de leur timidité affirmée.


L’heure est à la résistance sur le terrain de la régulation financière et à l’offensive sur celui des réformes structurelles censées permettre de renouer avec la compétitivité et la croissance salvatrice !


A ce propos, Robert Reich, ancien secrétaire d’État au travail de l’administration Clinton, démontrait dernièrement dans les colonnes du Financial Times comment les bénéfices de la croissance américaine profitaient exclusivement aux plus riches. Préparant les prochaines élections législatives, le ministre grec des finances, Philippos Sahinidis, membre du Pasok, vient de son côté de soudainement découvrir que la réduction des salaires « ne résout pas le problème de la compétitivité »… Curieux rapprochement !


Billet rédigé par François Leclerc


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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