« Le problème du monde
d’après-2007 est que nous ne sommes pas en période de reprise cyclique, mais
de dépression structurelle, qui se définit par une période soutenue de croissance
inférieure à la tendance. Les Etats-Unis ont attrapé la maladie japonaise.
Les dépressions structurelles ne sont pas ouvertes aux solutions monétaires,
elles nécessitent des solutions structurelles. »
–James Rickards
Quelqu’un peut-il venir stabiliser
cet homme ? A l’aube, les gouverneurs de la Réserve fédérale ronflaient
tous dans leur lit gigogne. Peut-être qu’après avoir dégluti quelque lattés
au sirop de citrouille, ils s’en iront dire à leurs traders de se calmer un
peu. La demi-trance dans laquelle sont plongés ceux qui suivent les affaires
relatives aux marchés et à la monnaie prendra-t-elle brusquement fin lorsque
robots aussi bien qu’humains piétineront ensemble vers la sortie. Et quand
ils atteindront l’issue de secours, ils découvriront qu’elle donne sur une
falaise. Dommage.
Tous ces problèmes monétaires
ne sont issus que d’un très gros problème : la croissance industrielle a
pris fin. Elle touche plus rapidement à sa fin dans certaines régions du
monde que dans d’autres, et aux Etats-Unis, elle s’est contractée. La raison
en est simple : l’énergie peu chère est morte, et plus particulièrement
le pétrole. A plus de 70 dollars le baril, son prix étouffe les
économies ; sous 70 dollars le baril, il étouffe les producteurs. L’idée
est qu’au sens large, le monde ne puisse plus compter sur l’obtention de
toujours plus de choses, exception faite de déchets, de manifestations
politiques et d’autres effets de l’entropie. Désormais, tout sera moins
disponible, pour une population mondiale qui ne cesse plus de gonfler. Les
gens continuent bien sûr d’avoir des relations sexuelles, bien évidemment,
chose qui n’est pas sans avoir des conséquences.
Cette dynamique était évidente
il y a dix ans, mais les gens qui gèrent la finance et les gouvernements ont
pensé qu’il serait une bonne idée de maintenir l’idée de croissance au
travers des mécanismes du système bancaire centralisé : taux d’intérêt
proches de zéro, QE, intervention sur les marchés, et fraude comptable
universelle. Les choses ne fonctionnent malheureusement pas si bien que ça.
De la dette a été générée pour remplacer la croissance, et il y en a
aujourd’hui tant que personne ne peut plus la rembourser dans des délais
raisonnables. De nombreuses nations, de nombreux partis et de nombreuses entités
sont en difficulté, et les défauts éventuels commencent à s’empiler à la
manière de VUS sur l’autoroute. La Grèce n’est que la première à rentrer dans
la glissière de sécurité.
Le moment magique se produira
lorsqu’il deviendra évident que ces dilemmes systémiques n’ont aucune
solution. Le système lui-même est paré pour l’implosion, notamment sur le
secteur bancaire, où résident les mensonges et l’illusion de notre ère. Quand
le voile sera levé, les peuples perdront toute confiance en ce qu’il représente :
ordre, autorité. Les institutions s’effondreront, et chaque faillite fera
naître un trou noir qui aspirera air, lumière et temps hors du système.
Dans le cycle naturel des
choses, des réformes structurelles peuvent se produire, qui nécessitent un certain
degré de désordre et de chaos. Si Deutsche Bank ou Goldman Sachs
s’effondraient, beaucoup de gens devraient vivre dans leur voiture – un
premier pas vers la mort. Tôt ou tard, les survivants seront forcés de vivre
différemment. Une réforme structurelle signifie par exemple qu’il n’est pas
possible d’obtenir des vivres comme avant. Pas plus de 3.000 salades César et
plats de poulet Kung-po à emporter. Voilà qui devrait être traumatisant au
début. Mais éventuellement, dans les régions où il est possible de faire
pousser de quoi manger à petite échelle, les gens commenceront à cultiver.
Peut-être que ce ne sera plus le cas au cœur de la Californie, mais ça le
sera dans d’autres Etats : Ohio, Michigan, voire même New-Jersey. Une
fois que cette nourriture aura été cultivée, elle sera vendue autrement que
via un supermarché.
Les Américains s’imaginent que
WalMart et ses frères sont là pour durer. Ils se trompent. Une réforme
structurelle signifie la réorganisation de nombreuses étapes commerciales
dans les centres-villes, et la disparition des centres commerciaux.
Sommes-nous prêts ? La reconstruction des économies locales offrira une
opportunité d’emploi à beaucoup de gens. Pour l’heure, les discours sur la
« création d’emplois » ne concernent que la hausse du prix des
actions des corporations prédatrices et les bonus de leurs directeurs.
Manqueront-ils au monde ? Pourrons-nous toujours fabriquer des produits
et les mettre en vente ? Je pense que nous le pourrons.
Êtes-vous inquiet du racket
subi par les secteurs de l’assistance médicale et des hautes études ?
Sachez qu’ils se nourrissent d’eux-mêmes. Une réforme structurelle
signifierait certainement un nombre moindre de collèges et bien plus de
cliniques locales libérées des chicanes des assurances qui mystifient le
public tout en l’asservissant. Les gens qui voudront s’occuper des autres
pourront faire un travail utile, et certainement moins d’IRMs.
Craignez-vous
l’automobilisation de masse et l’infrastructure suburbaine qui l’opère ?
Peut-être que vos enfants et les leurs vivront dans des quartiers plus
agréables. Nous aurons beaucoup à reconstruire. Nous n’aurons peut-être pas
autant de panneaux à copeaux orientés et de revêtements en vinyle, mais nos
nouveaux bâtiment resteront certainement debout plus longtemps, et seront
certainement plus esthétiques. Et beaucoup de mains seront nécessaires à leur
construction.
Connaîtrons-nous à nouveau des
banques de l’échelle de JP Morgan ? Pas que je sache. Mais il y a
d’autres moyens d’établir des moyens d’échange et des valeurs de réserve, et
de déterminer les prix. Le système bancaire n’occupera plus jamais 40% de
l’activité économique aux Etats-Unis.