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Tournant à moitié

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Published : January 15th, 2011
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Category : Editorials

 

 

 

 

Que se passe-t-il dans le secret du confessionnal ou de l’isoloir ? Nul ne doit le savoir, si ce n’est ceux qui s’y tiennent. Eh bien, pour le marché obligataire, il en est de même  !


Salués par des soupirs de soulagement, l’Espagne et l’Italie viennent après le Portugal de réussir leurs émissions obligataires, méritant que l’on y regarde d’un peu plus près. S’agissant des deux émissions du Portugal, le taux consenti a été légèrement inférieur à celui de la précédente émission de novembre pour la maturité la plus longue, mais supérieur pour la plus courte, dans les deux cas toujours très élevé. On a appris depuis qu’une vente privée de 1,1 milliards d’euros d’obligations aurait eu lieu quelques jours auparavant avec la Chine comme acheteur. Des rumeurs invérifiables font également état d’achats japonais et brésiliens. Enfin, la BCE est très fortement intervenue sur le marché secondaire afin de faire baisser les taux. Tout additionné, le panorama est moins exaltant.


A propos de l’Espagne et l’Italie, on entend aussi chanter trop vite victoire. Retenant comme critère non plus le taux obtenu mais l’importance de la demande. Ou, la comparaison entre le taux de l’adjudication et celui du marché de la veille au soir, négligeant les très fortes hausses intervenues depuis les précédentes émissions de novembre. On se console comme on peut.


La pilule est passée, car les marchés ont bien enregistré qu’il se passait quelque chose d’important. Non pas en décryptant les déclarations officielles, hier passablement confuses, à propos de l’augmentation des moyens du fonds de stabilité européen (EFSF), mais en s’en tenant à celle du ministre allemand des finances, Wolfgang Schaüble, ainsi que de son entourage qui parlait plus librement off aux médias. Une reconfiguration de l’EFSF serait donc en cours de négociation, en espérant que celle-ci aboutira à temps pour le prochain sommet européen du 4 février prochain.


Si l’on en voulait confirmation, il suffisait de se tourner vers les grandes places boursières européennes et d’observer l’excellente tenue des valeurs financières, c’est à dire des banques. Dans ces cas là, les chroniqueurs boursiers disent qu’elles caracolent. Comme si celles-ci étaient désormais prémunies du danger d’une dépréciation de leurs actifs obligataires dans l’avenir, les gouvernements européens ayant décidé de mettre le paquet pour si nécessaire sauver les Etats, en réalité pour mieux sauver les banques.


Il est toutefois utile de noter que, si les Allemands et les Français cherchent à se mettre d’accord sur la version finale de ce nouveau dispositif, sans attendre le mécanisme prévu pour 2013, les Britanniques viennent quant à eux de prendre des distances supplémentaires. En déplacement à Londres, François Fillon, premier ministre Français, a assuré que : « Il ne doit y avoir aucun doute, les Etats de la zone euro, et particulièrement la France et l’Allemagne, sont prêts à tout mettre en œuvre, je dis bien absolument tout, pour assurer la stabilité de la zone euro ».


Sans doute n’a-t-il pas été assez convaincant, bien qu’ayant cherché les mots les plus justes, car David Cameron, le premier ministre britannique, a été d’une grande clarté : « … soyons absolument clairs : nous n’avons pas l’intention de rejoindre la zone euro et nous n’avons aucune intention d’être entraînés dans un nouveau mécanisme ou de nouvelles procédures, ni d’abandonner de nouveaux pouvoirs ». François Fillon avait pourtant tout essayé, excipant du fait que les autorités britanniques « savent que l’insularité monétaire n’existe pas pour un pays dont la moitié des exportations sont à destination de la zone euro ». Comme c’est délicatement dit…


Il ne faudra sans doute donc pas compter avec les Britanniques – actionnaires de la BCE sans avoir rejoint l’euro, et participants à l’EFSF – pour mettre au pot. Car ce qui est en jeu est de permettre le désengagement de la BCE de ses achats obligataires sur le second marché, avec lesquels elle est collée. Tout le discours de Jean-Claude Trichet, président de la BCE, sur la nécessité absolue que les gouvernements européens prennent leurs responsabilités n’avait pas d’autre sens (« la responsabilité de la politique monétaire ne peut pas se substituer à l’irresponsabilité gouvernementale »). L’EFSF pourrait dorénavant procéder à tels achats et mettre à disposition des Etats dans le besoin des lignes de crédit à titre préventif, reprenant des nouvelles dispositions adoptées par le FMI. Voilà qui irait à la rencontre des souhaits de la BCE et se son président, qui a déclaré aujourd’hui jeudi : « Nous demandons aux responsables européens d’améliorer l’efficacité de ce fonds, tant sur le plan quantitatif que qualitatif ».


Les responsabilités de la BCE en seront-elles pour autant soulagées ? Rien n’est moins certain, car il restera à régler l’épineuse question de la dépendance à ses liquidités dont font preuve les banques des pays « périphériques ». Les emprunts des banques portugaises auprès de la BCE ont porté en décembre dernier sur 40,9 milliards d’euros contre 37,9 milliards en novembre, selon la Banco de Portugal. Cette addiction n’est pas compatible avec une augmentation du taux directeur de la BCE, toujours fixé à 1%, afin de lutter contre le démarrage constaté de l’inflation.


Jean-Claude Trichet vient d’affirmer qu’elle sera contenue, mais sans dire comment. Une nouvelle intéressante notion – l’excès d’orthodoxie – vient en attendant la suite de voir le jour, afin de qualifier ceux qui préconiseraient de la part de la BCE une telle mesure prématurée. Excipant à juste titre que cette inflation provient du bond du prix du pétrole et de ce qui est décrit comme étant des hausses saisonnières des produits alimentaires ; Christine Lagarde préférant s’en tenir à de l’inflation importée.


La BCE pourrait prochainement se retrouver dans la même situation que la Bank of England, paralysée devant l’inflation britannique – plus élevée que sur le continent – et décidant, réunion de son comité de politique monétaire après l’autre, de ne plus bouger, ni pour augmenter son taux directeur, ni pour reprendre ses achats obligataires et tenter de contribuer ainsi à la relance économique. Des Etats-Unis au Japon et du Royaume-Uni à l’Europe des 17, les banques centrales occidentales sont dans des contextes différents toutes aussi mal loties.


En Europe, la BCE a réussi a repasser la patate chaude aux Etats, les Britanniques se défilant, ayant déjà fort à faire à la maison. C’est sous le couvert du concept fourre-tout de convergence que va se négocier la suite des opérations. L’Allemagne toujours aussi fermement décidée à imposer la rigueur fiscale, la France suivant à reculons.


Un tournant est en passe d’être accompli avec la mise en place d’un dispositif de sauvetage plus conséquent, dont la charge financière va peser sur les seuls Etats, intervention sur le marché obligataire incluse, pouvant mettre au pot de l’EFSF ou accroître le montant de leurs garanties. Mais si l’autre volet de la stratégie continue de s’appuyer sur des prêts consentis à taux prohibitifs et des conditionnalités menant tout droit à la récession, le dispositif mènera toujours dans une impasse.


Une nouvelle passe d’arme a eu lieu aujourd’hui jeudi entre Nicolas Sarkozy et le gouvernement irlandais, à propos de la taxation des entreprises. Le premier réclame à nouveau que le traitement de faveur irlandais soit supprimé, vu l’aide européenne que le pays reçoit, et oublie que les entreprises françaises du CAC 40 sont en moyenne taxées à 8%, en dessous de la taxation irlandaise.


Le député travailliste Alan Kelly réplique qu’« un changement dans notre régime fiscal pour les entreprises effacerait tout progrès économique réalisé en Irlande et nous rendrait dépendants de l’UE pour toujours ». On ne peut être plus clair pour décrire l’impasse dans lequel les plans de sauvetage européen dirigent ceux qui en bénéficient, et comprendre pourquoi ils essayent à tout prix d’y échapper.




Billet rédigé par François Leclerc

Paul Jorion

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

   

 

 

 

 

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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