Toutes les banques centrales du
monde, Réserve fédérale incluse, souhaitent voir s’affaiblir le dollar. Voilà
qui prouve que les banques centrales peuvent se trouver accablées par le
marché, même lorsqu’elles sont unies par des objectifs communs.
En-dehors des Etats-Unis, les
banques centrales voudraient voir s’affaiblir le dollar en raison des
conséquences de long terme des décisions qu’elles ont-elles-mêmes prises de
nombreuses années durant en vue d’en renforcer la valeur. Pour dire les choses
autrement, elles souhaitent désormais voir se renforcer la valeur de leurs propres
devises contre le dollar, parce que leurs économies souffrent des
conséquences des politiques de dévaluation monétaire adoptées par le passé. Comme
nous l’avons déjà vu, une dévaluation ou déprécation monétaire est
toujours contre-productive, parce qu’elle « engage toutes les forces
économiques du côté de la destruction, et ce d’une manière que pas un homme
parmi des millions n’est en mesure de reconnaître ». Cette politique
reste cependant très populaire aujourd’hui, parce que d’un point de vue
superficiel – sur lequel se basent nos économistes et banquiers centraux –
elle peut parfois sembler pratique.
Malheureusement pour les banques
centrales qui tentent désormais de renforcer leurs devises contre le dollar,
la capacité d’une banque centrale à affaiblir sa devise est bien plus
importante que sa capacité à la renforcer. La raison en est que l’affaiblissement
d’une devise peut habituellement être obtenu par une simple hausse de la
masse monétaire, et que s’il y a un domaine sur lequel les banques centrales
excellent, c’est bien celui de la création de monnaie à partir de rien. Nous
pourrions même dire que générer de la monnaie à partir de rien et déchaîner
les forces économiques du côté de la destruction sont les deux seules choses
dont elles soient capables.
Le problème auquel elles font
face aujourd’hui est qu’une fois que la confiance en leurs devises a été
perdue, apporter un semblant de stabilité nécessite généralement une longue
période de prudence monétaire très impopulaire ou une dépression déflationniste.
Il n’y a aucun moyen de parvenir rapidement au résultat souhaité.
Au cœur du problème se trouve le
fait qu’il n’y a rien que les banques centrales puissent faire, en-dehors des
Etats-Unis, pour empêcher le dollar de grimper sur le court terme. Le mieux
qu’elles puissent faire est de ne pas gonfler leur masse monétaire. Elles ne
peuvent que se contenter de résister à la tentation de faire quelque chose et
d’attendre de voir les tendances actuelles s’épuiser d’elles-mêmes.
La banque centrale américaine
souhaite aussi voir s’affaiblir le dollar. Pourquoi ? Parce que les
responsables de la Fed opèrent sur le même niveau superficiel que leurs homologues
du reste du monde. Ils perçoivent les conséquences positives directes et de
court terme d’une devise affaiblie, mais sont incapables de percevoir ses
conséquences négatives indirectes et de plus long terme.
La différence, c’est que la Fed
a le pouvoir de générer une faiblesse de court terme de sa devise. Elle
pourrait, par exemple, surprendre le reste du monde en ne faisant plus
grimper ses taux d’intérêt. L’indice du dollar s’en trouverait affaibli de
quelques points. Pour accentuer ce déclin, elle pourrait ensuite se
concentrer sur le ralentissement de la production industrielle aux Etats-Unis
et laisser supposer l’arrivée d’un nouveau programme d’assouplissement
quantitatif.
Mais une telle action serait,
même du point de vue keynésien, perçue comme imprudente. La tendance
haussière du dollar prendrait fin, pour voir également s’effondrer la
crédibilité de la Fed et se développer une instabilité stupéfiante sur les
marchés financiers.
Une fois qu’elle perd la
confiance du public, il est très difficile pour une banque centrale de la regagner.
La Fed est donc prise au piège. Pour préserver les apparences, elle devra
continuer de rehausser lentement ses taux d’intérêt et d’avancer vers des
politiques monétaires plus strictes, malgré son désir de voir s’affaiblir le dollar.