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La
vie des banques est passionnante, la suivre ne l’est pas moins.
Aux
Etats-Unis, on apprenait ainsi que deux cadres supérieurs de Goldman
Sachs étaient en train de réunir des fonds afin de constituer
un nouvel hedge fund,
présenté comme indépendant de la banque et qui sera
basé à Londres. Plus précisément, ce sont les
responsables de Goldman Sachs Principal Strategy
desk (GSPS), la plus lucrative des divisions internes, qui ont trouvé
– pour commencer – 300 millions de dollars auprès
d’un important hedge fund
suédois, Brummers & Partners.
Celui-ci va également prendre une participation dans la nouvelle
structure, dont le nom n’a pas encore été rendu public.
Cette
opération succède à d’autres de même nature,
effectuées au fils des ans par d’autres cadres de GSPS, mettant
cette fois-ci un point final à l’activité
spéculative sur fonds propres de Goldman Sachs, désormais
interdite par la loi Dodd-Frank. Sans que
l’on puisse clairement établir de liens financiers entre ces hedge funds et l’ancien
employeur de leurs managers, tout en enregistrant la confirmation que, comme
annoncé, l’interdiction des activités sur fonds propres (proprietary trading) allait
inévitablement renforcer ce qui est appelé aux Etats-Unis le shadow banking,
la banque de l’ombre.
Morgan
Stanley, pour ne pas être en reste, vient d’annoncer
qu’elle a signé un accord avec les salariés de sa
division en charge de la même activité, pour la leur vendre.
La
même mégabanque, ainsi que JP Morgan
Chase, viennent d’obtenir de la Commission chinoise de
régulation des opérations en bourse l’autorisation de
créer des co-entreprises avec des maisons de courtage chinoises. Elles
rejoindront Goldman Sachs, Deutsche Bank et le Crédit Suisse, qui les
ont précédés. Les mégabanques
du monde entier se précipitent toutes sur le marché chinois,
afin de participer au développement des marchés d’actions
et d’obligations, ainsi qu’aux expérimentations de
produits plus sophistiqués. Il ne faut pas être en retard pour
prospecter ce nouvel Eldorado, où l’on apprends
à jouer dangereusement avec les allumettes.
A
chacun son paradis artificiel. La Société
Générale va dans cet esprit installer à New York une
filiale de Société Générale Private
Banking. Comme son nom l’indique, cette
structure sera dédiée à la gestion de fortune, plus
discrètement appelée gestion de patrimoine, pour rester entre
gens biens et de biens. Il est dans les ambitions de la Société
Générale – qui a d’ailleurs intitulé son
plan de développement Ambition 2015 – de doubler son
chiffre d’affaires dans cette activité, anticipant
d’audacieuses prévisions selon lesquelles les riches allaient
devenir plus riches.
Chaque
pays a ses traditions bancaires et ses points forts. C’est ainsi que
vient de réapparaître à Moscou un célèbre
russe, élu à la Douma puis pensionnaire d’un
établissement pénitencier pendant quatre petites années,
pour fraude fiscale. Son patronyme est Sergueï Mavrodi,
célébré pour être l’auteur d’une gigantesque
pyramide de Ponzi en 1994, qui s’est
brutalement effondrée. Un bâtisseur émérite qui
avait négligé quelques petits défauts structurels de
construction, dont ont pâti des centaines de milliers de russes. Ayant
payé sa dette à la société, et non pas à
ses victimes, il vient d’annoncer la création d’un nouveau
« réseau financier » … jurant qu’il
ne toucherait pas à l’argent « d’un seul
doigt », reconnaissant ainsi qu’il l’avait auparavant
fait par poignées. Comment dit-on pigeon en Russe ?
D’autres
activités bancaires menacent elles aussi de s’écrouler
sous le poids d’un système pyramidal toujours en cours
d’effondrement. Le secteur des banques régionales a
déjà connu des centaines de faillites, mais il est à la
recherche de nouveaux moyens pour tenter de consolider des centaines de
milliards de dollars de prêts commerciaux hypothécaires proches
de faire défaut. On a paré jusqu’à maintenant au
plus pressé, en repoussant l’échéance des
prêts, mais cela ne va plus être possible, car 1.500 milliards de
dollars d’en-cours vont arriver à maturité dans les 4
prochaines années. Les 100 plus importantes banques régionales
en taille de bilan ont 25% de ce type d’actifs en portefeuille, selon
les spécialistes. Le marché est grand ouvert : on va voir
se multiplier les acquisitions de banques, aboutissant à une nouvelle
concentration, les acquéreurs achetant à la fois ces actifs
douteux et les activités de dépôt sur lesquels ils
lorgnent.
Un
tel rapide tour du monde bancaire occidental serait totalement incomplet s’il
n’était fait une escale à Londres. Une audition sur la
question des bonus devant une commission des Communes de Bob Diamond, le nouveau patron de Barclays, allant y laisser
quelques traces. Soumis à un feu roulant de questions de
parlementaires de tous bords, celui-ci n’avait voulu promettre plus
– devant tant de véhémence – que de faire
« tout son possible pour encourager à la
retenue » sur la question des bonus, se déclarant « sensible
à l’opinion publique ». Sans toutefois aller
jusqu’à remettre en cause son propre bonus, estimé selon
la presse à 9,6 millions d’euros.
Les
bonus distribués par les banques britanniques devraient cette
année atteindre 8,4 milliards d’euros au total. Une somme
justifiée, selon un argument désormais classique et
employé par Bob Diamond, puisqu’il
s’agit ni plus ni moins que « d’attirer et retenir les
meilleurs talents » à la City. David Cameron, le premier
ministre, a été sensible a
l’argument, puisqu’il a remisé les projets
d’impôt spécial sur les bonus, que les travaillistes
avaient mis en place à titre provisoire et que les LibDem
auraient aimé voir réintroduits. Selon le Times, il aurait
donné « à contre-coeur »
son feu vert aux bonus des banquiers, c’était bien le moins.
Il
ne faudrait pas tirer de leçons prématurées de ces
informations glanées au fil de l’actualité ces derniers
jours. Mais simplement noter le tour que prennent les choses, dans ce monde
éthéré de la finance…
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
(*) Un « article presslib’
» est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que
le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’
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