On l’appelle souvent Dr Doom,
et ce pour une bonne raison. L’auteur et conseiller en investissements, Marc
Faber, qui publie le Gloom, Boom & Doom Report, souligne assez
souvent les risques présentés par le système financier, et n’a pas tendance à
mâcher ses mots.
En revanche, ses opinions sont
plus nuancées qu’on pourrait le croire, et ses conseils bien plus
pragmatiques qu’idéalistes.
Epoch Times s’est entretenu
avec Faber au sujet de la manipulation des marchés financiers, des inégalités
de revenus et des investissements pour lesquels opter dans la conjoncture
actuelle.
Epoch Times : Pendant combien
de temps encore les banques centrales pourront-elles manipuler les
marchés ?
Mr. Faber : C’est quelque
chose qui ne pourra être décidé que par les banques centrales. Je n’ai aucun
contrôle sur la manipulation des marchés par les banques centrales. Haruhiko
Kuroda, le gouverneur de la Banque du Japon, semble penser que l’inflation
monétaire n’a aucune limite. Qu’il sera possible d’acheter des actifs
indéfiniment, ainsi que des actions et des biens immobiliers.
La folie dont nous sommes
témoins aujourd’hui pourrait encore durer. Au sein de notre marché manipulé,
tout cela ne pourra que mal se terminer, mais nous ne savons pas quand.
Personne ne sait combien de temps la manipulation pourra durer.
Epoch Times : Viendra un
moment où les banques centrales possèderont tout ce qui existe.
Mr. Faber : Elles pourraient
essentiellement tout monétiser. Et puis il y a la propriété de l’Etat. Au
travers du système centralisé, nous pourrions voir introduits le socialisme
et le communisme, soit la propriété publique de la production et de la
consommation. Nous pourrions en venir à cela.
La Banque du Japon possède
plus de 50% des ETF japonais, qui possèdent en grande partie les sociétés
qu’ils représentent. Indirectement, la Banque du japon pourrait être
propriétaire de 20% des sociétés japonaises, et ce pourcentage pourrait
encore grimper.
Je ne pense pas que les
banquiers centraux soient suffisamment intelligents pour comprendre les
conséquences de leurs politiques monétaires. Ils se concentrent sur
l’inflation, mais je pense qu’ils devraient se contenter de ne rien faire.
Ils ne prêtent aucune attention aux conséquences de leurs actions sur le
niveau de vie des gens et sur les revenus des ménages.
Inflation du prix des
actifs
Epoch Times : Si les
politiques employées sont similaires, pourquoi n’avons-nous pas enregistré
d’hyperinflation telle que celle du Zimbabwe ou du Venezuela ?
Mr Faber : Les banques
centrales du marché développé pourront poursuivre leurs politiques actuelles
pendant encore un certain temps. Si le Zimbabwe imprime d’importantes
quantités d’argent, il en ressent immédiatement les conséquences, parce que
les autres pays n’impriment pas, et sa devise finit rapidement par
s’effondrer.
Si les banques centrales
majeures, la Fed, la BCE, la Banque du Japon, la banque d’Angleterre et la
Banque populaire de Chine monétisent et impriment de l’argent d’un commun
accord, alors leurs devises ne s’effondrement pas les unes par rapport aux
autres. Il est possible qu’il y ait quelques fluctuations, mais nous
n’assistons pas à l’effondrement total d’une devise.
La monnaie papier au sens
large peut finir par s’effondrer, et elle le fait depuis plus ou moins trente
and déjà par rapport aux prix des actifs tels que les biens immobiliers, ou
encore aujourd’hui contre les actions, les obligations – qui sont en hausse
depuis 1981 – et les métaux précieux – depuis 1999.
L’inflation des prix des
actifs est moins évidente aux yeux du grand public. L’Américain moyen n’a pas
d’argent, et se moque de la hausse du prix des tableaux et des biens
immobiliers – jusqu’à ce qu’elle l’affecte directement.
Il est ridicule de dire que
l’inflation ne grimpe que d’1% par an aux Etats-Unis. Le coût de la vie d’une
famille moyenne gonfle de bien plus d’année en année – assurance, transports,
éducation… tout est en hausse.
Par exemple, les premiums
versés sur les polices d’assurance sont en hausse. Les banques centrales s’en
moque. Elles n’y prêtent même pas attention.
Je pense que le système
s’effondrera complètement avant que nous nous retrouvions dans la même
situation que le Venezuela. Si l’Occident continue d’imprimer, je m’attends à
voir le système imploser sous cinq ans.
Epoch Times : Comment
pouvons-nous éviter un effondrement ?
Mr. Faber : Mieux vaut
demander aux bureaucrates ce qu’ils prévoient de faire. Ils ont mis en place
des taux à zéro pourcent depuis décembre 2008. Cela fait donc huit ans que
dure la situation, et l’activité économique des ménages n’a pas changé. Ni au
Japon, ni aux Etats-Unis, ni en Union européenne. Et aujourd’hui, on nous
parle de dépenses fiscales.
Nous souffrons déjà de
déficits importants, mais aucun déficit n’est trop catastrophique pour les
interventionnistes. Alors ils continuent d’accroître leurs dépenses. Ils
financent leurs politiques en émettant de la dette gouvernementale, que les
banques centrales monétisent. Le Trésor émet de la dette que la Fed rachète.
Bien évidemment, c’est un jeu qui se terminera mal.
Viendra un jour où des
intellectuels blâmeront l’inégalité des richesses sur les capitalistes qui
ont tiré de l’argent des bulles sur les actifs.
Ils blâmeront tous les maux
économiques sur ces gens. Ils n’auront pas tout à fait tort. Mais les riches
ne sont pas responsables du gonflement des valeurs des actifs. Les coupables
sont les banques centrales, qui ont porté les taux d’intérêt à zéro ou en
territoire négatif dans de nombreux pays.
D’abord, ils distordent les
prix au travers de taux d’intérêt très faibles ou négatifs, et gonflent les
revenus et le capital des super-riches. Ce sont les 0,1% qui bénéficient de
l’inflation des actifs aux dépens de ceux qui ne possèdent pas d’actifs.
L’écart des richesses s’élargit encore. Alors il nous faut taxer les riches,
et les taxer toujours plus.
Taxer les riches peut paraître
une idée intéressante. Si vous annoncez aux électeurs que « si l’économie
s’en sort si mal, c’est à cause des plus riches, des milliardaires. Il nous
faut leur prendre 20% de leurs revenus pour les redistribuer au
peuple, » alors tout le monde votera pour vous, parce que les plus
riches sont en minorité. C’est ce qui se passe lorsque des politiques
monétaires échouent complètement.
Certaines personnes bien
connectées dissimulent leur capital, mais ce n’est pas le cas de tout le
monde. Et même s’ils prenaient 50% aux plus riches, la situation ne
s’améliorerait pas. La prochaine étape sera de prendre aux moins riches. Les
interventionnistes ne reculeront devant rien.
Stratégie
d’investissement
Epoch Times : Comment investir
dans un tel environnement ?
Mr. Faber : Une majorité des
actifs sont aujourd’hui surévalués en termes d’évaluation traditionnelle.
Mais sont-ils aussi surévalués en comparaison aux taux d’intérêt à zéro
pourcent ou négatifs ? Si nous observons les obligations allemandes ou
suisses à dix ans, ou les obligations japonaises à dix ans, nous obtenons des
rendements nuls ou négatifs. Mais en achetant des actions, nous pouvons
obtenir des dividendes de 2% ou plus. En comparaison aux taux d’intérêt
négatifs, nous pouvons dire que les actions représentent une bonne affaire.
Mais elles ne sont pas peu chères
en termes de méthodes d’évaluation traditionnelles.
Je pense qu’il est dangereux
de dire que « tout se terminera mal, c’est pourquoi il est préférable de
conserver toute votre épargne en espèces ». D’abord, il faut décider
pour quelles espèces opter.
Et il faut aussi se souvenir
que nous ne savons pas quand tout se terminera. Dans un environnement de
création monétaire extrême, le Dow Jones pourrait atteindre 100.000 points.
Il est très plausible qu’il ne
grimpe pas contre les métaux précieux, mais il pourrait flamber indéfiniment
en termes nominaux. Rien de tout cela ne viendra en aide aux ménages. J’ai vu
de nombreuses économies en hyperinflation, et dans chaque cas, le niveau de
vie de l’individu moyen a décliné.
Ce sera une nouvelle fois le
cas aujourd’hui. Si j’étais un interventionniste – je ne le suis pas – ou un
banquier central, et que je pensais que la meilleure idée est de réduire
encore les taux d’intérêt, nous pourrions passer de -0,5 à -5%.
En conséquence, les gens et
les sociétés sortiraient leur argent du système financier et le déposeraient
dans des coffres.
Mon taux négatif à -5% ne
fonctionnera pas, et pour surmonter ce problème, je pourrais choisir d’abolir
les espèces. Il serait toujours possible d’accumuler des biens immobiliers,
de la nourriture, des cigarettes et des métaux précieux, mais pas d’espèces.
Et à mon avis, c’est ce qui est sur le point de se passer.
Epoch Times : Qu’en est-il de
l’or ?
Mr. Faber : J’ai présenté les
cas de l’or, de l’argent et du platine dans les années 1990 dans mon livre
intitulé Tomorrow’s Gold, qui ne concernait pas l’or, mais la montée
en puissance de l’Asie. Le prix de l’or a fortement augmenté entre 1999 et
2011, avant de se heurter à une correction en septembre 2011. Il était
probablement monté trop haut, tout comme les actions minières, qui sont
elles-aussi redescendues.
Entre les mois d’octobre et de
décembre dernier, nous avons enregistré des creux sur les marchés des métaux
précieux et des actions aurifères, depuis lesquelles ils devraient bientôt
remonter.
Leur reprise pourrait se
produire demain comme dans trois ou cinq ans. Personne ne le sait. Si vous
continuez d’imprimer de la monnaie papier, la masse monétaire augmente et les
actifs qui sont peu disponibles – qu’il s’agisse d’une Ferrari ou d’un
tableau de Gaugin – gagnent de la valeur.
Tous ne grimpent pas en même
temps et dans les mêmes proportions. Il peut y avoir des bulles sur
l’immobilier, sur les biens de collection, ou encore sur les actions, comme
nous l’avons vu à trois reprises depuis 1999.
Epoch Times : Mais vous
n’achèteriez pas que des espèces et des actions minières ?
Mr. Faber : Posséder toute
votre épargne sous forme d’espèces est très dangereux. Il est bon de
diversifier. Je possède moi-même des espèces, des obligations, des actions,
des biens immobiliers et des métaux précieux.
La diversification réduit
votre potentiel de rendements, mais a de fortes chances de préserver votre
capital.