Les Empires se construisent au
travers de la création ou de l’acquisition de richesses. L’Empire romain est
né de la productivité de son peuple et du pillage des richesses de ceux qu’il
a envahis. L’Empire espagnol est né de sa productivité et s’est élargi grâce
à son armada de navires et au pillage de l’or du Nouveau monde. L’Empire
britannique est né de sa productivité localisée, et s’est élargi au travers
de l’établissement de colonies tout autour du monde.
A l’époque victorienne, les
Britanniques étaient fiers de dire qu’ « il y aura toujours une
Grande-Bretagne », et que « le Soleil ne se couche jamais sur
l’Empire britannique ». Mais alors, à quel moment se sont-ils
trompés ? Pourquoi ne sont-ils plus l’Empire le plus puissant du
monde ? Pourquoi ont-ils perdu non seulement une majorité de leurs
colonies, mais aussi une majorité de leurs richesses ?
Revenons un instant sur les
autres Empires mentionnés plus haut, et voyons comment ils s’en sont tirés en
comparaison. Rome a été l’Empire le plus puissant que le monde a jamais
connu. Les Romains, très industrieux, ont organisé de grandes armées qui se
sont rendues dans d’autres régions du monde, les ont subjuguées et leurs ont
pillé les richesses qu’elles avaient accumulées des générations durant. Tant
qu’il restait des terres à conquérir, cette approche s’est avérée efficace.
En revanche, quand le nombre de nouveaux territoires à conquérir a diminué,
il est devenu évident que l’Empire conquis par Rome devait être maintenu et
défendu, même si très peu de richesses pouvaient encore en être tirées.
Les terres nouvellement
conquises nécessitaient l’établissement d’une armée et d’une bureaucratie
coûteuses pour rester subjuguées, et ont fini par ne plus être rentables. Les
« colonies » de Rome étaient gérées à perte. Et Rome elle-même est
vite devenue trop gâtée. Ses politiciens promettaient sans cesse toujours
plus de « pain et jeux du cirque » aux électeurs, afin de demeurer
au pouvoir. Les coffres ont été épuisés, dans les colonies comme à Rome même.
Finalement, afin de conserver leur pouvoir, les chefs romains ont dû
s’engager dans des guerres très coûteuses, qui ont finalement mis l’Empire à
genoux.
L’Espagne était une nation
très productive qui a tiré de grandes richesses des attaques portées contre
ses voisins, avant de prendre la mer pour l’Ouest et de conquérir les
Amériques, pour y piller l’or et l’argent que les populations locales avaient
accumulé au fil de plusieurs centaines d’années. Cet afflux soudain de
nouvelles richesses a permis aux rois d’Espagne de se montrer généreux envers
leur peuple et, comme à Rome, l’Empire a fini par devenir trop gâté. Quand
l’or et l’argent en provenance du Nouveau monde se sont amenuisés, les financements
disponibles au maintien de l’Empire se sont peu à peu taris. Pire encore, les
anciens ennemis européens de l’Espagne sont venus toquer à sa porte pour se
venger. Dans l’espoir de préserver son Empire, le roi s’est lancé dans de
nombreuses guerres en Europe, jusqu’à ce que les coffres de l’Empire
s’assèchent complètement et que l’Empire espagnol s’autodétruise.
A l’époque victorienne,
l’Empire britannique était le plus grand des Empires du monde. Il venait de
connaître la révolution industrielle, et était très productif. Il tirait
également beaucoup de richesses de ses colonies, minières, agricoles ou
industrielles. Mais comme les autres pays d’Europe, il s’est engagé dans la
première guerre mondiale et, parce que la guerre affaiblit toujours la productivité
locale et demande toujours plus de dépenses à l’étranger, l’Empire
britannique a commencé à basculer à la fin de la guerre.
En 1939, un scénario similaire
s’est présenté et l’Angleterre s’est vue entraînée dans une nouvelle guerre
mondiale. En 1945, il pouvait encore être dit qu’il y aurait toujours une
Grande-Bretagne, mais ses richesses avaient alors disparu et, une par une,
ses colonies l’ont abandonnée. Les jours de gloire de l’Empire étaient
révolus.
Et les Etats-Unis en ont
profité pour prendre sa place. Au début de la première guerre mondiale, les
Etats-Unis n’étaient pas impliqués dans le conflit mais, parce qu’ils avaient
traversé leur propre révolution industrielle, ils fournissaient des biens
alimentaires et des armes à l’Angleterre et à ses alliés. Parce que la livre
et les autres devises européennes n’étaient pas dignes de confiance, les
paiements étaient faits en or et en argent. Les Etats-Unis ont élargi leur
productivité sur un marché qui leur était garanti, et vendaient à prix fort.
Les profits étaient ensuite utilisés pour développer des usines plus grandes
et plus efficaces. Dont la production était vendue contre de l’or.
Bien que les Etats-Unis se
soient finalement engagés dans les deux guerres mondiales, ils l’ont fait
bien plus tard que l’Angleterre et ses alliés. A la fin de la seconde guerre
mondiale, les Etats-Unis disposaient d’une force de travail relativement
jeune, parce qu’ils avaient perdu bien moins d’hommes au combat que les
autres pays qui y ont pris part. Ils disposaient aussi d’usines plus
modernes, financées par les autres nations, qui pouvaient désormais être
utilisées pour produire les biens nécessaires aux ménages en temps de paix,
et ce plus efficacement que les usines de n’importe quel autre pays.
Et surtout, en 1945, les
Etats-Unis possédaient ou contrôlaient trois quarts de l’or du monde, obtenu
des autres nations depuis le début de la guerre. Cet or leur a permis
d’inviter les chefs d’Etat d’après-guerre à Bretton Woods pour leur expliquer
que, parce qu’ils possédaient le plus gros des richesses du monde, les
Etats-Unis seraient désormais responsables de l’imposition d’une devise
internationale par défaut : le dollar.
Leur volonté a cependant été
menacée quand les autres pays désormais appauvris du monde, à commencer par
la France, ont demandé des versements en or en échange de leurs produits
vendus aux Etats-Unis.
Au fil des années qui ont
suivi, l’or de Fort Knox a refait son chemin vers l’Europe. En 1971, ces flux
ont pris fin suite à la décision des Etats-Unis d’annuler la valeur
intrinsèque du dollar pour en faire une devise fiduciaire.
Depuis l’an 2000, nous avons
vu que les Etats-Unis, comme tous les autres Empires avant eux, sont devenus
trop gâtés en raison des promesses de leurs chefs. La productivité qui a mené
à leur montée en puissance est aujourd’hui en déclin, et le pays dépense
désormais bien plus qu’il ne gagne. Comme les autres Empires, les Etats-Unis
ont tenté de conserver leur hégémonie au travers de la guerre, pour voir se
tarir leurs richesses.
Comme les autres Empires avant
eux, les Etats-Unis sont maintenant sur le point de céder la couronne de
l’Empire. A une différence près : leur chute sera bien plus
spectaculaire que celle de n’importe quel autre Empire avant eux. Et comme
pour tous les effondrements précédents, ceux qui comprennent le moins bien
qu’une chute est imminente sont ceux qui sont le plus proche du centre. Une
majorité des Américains s’inquiètent de leur avenir, mais ne peuvent pas
imaginer leur pays comme une puissance de second rang. Et ceux qui tiennent
les rênes du pouvoir sont aussi ceux qui se sont le plus fourvoyés. Ils ont
continué d’accumuler de la dette à un rythme accéléré, et d’élargir le
système d’aides sociales sans réfléchir à son financement.
Il est donc compréhensible que
ceux d’entre nous qui percevons la situation depuis l’extérieur trouvent plus
facile de l’observer objectivement comme étant véritablement
l’autodestruction d’un Empire.
Comme je l’ai dit en première
ligne, « les Empires se construisent au travers de la création ou de
l’acquisition de richesses ». Ils tendent à s’éteindre au travers de
l’élimination graduelle du système de marché libre, de leur métamorphose en
un Etat-providence et, finalement, de la destruction de leurs richesses par
la guerre.
Cela nous indique-t-il que la
fin du monde est proche ? Absolument pas. Le monde n’a pas pris fin avec
la chute de Rome, de l’Espagne, de l’Angleterre et de tous les autres
Empires. La productivité s’est simplement déplacée vers de nouvelles régions,
qui encourageaient les opportunités de marché libre. Et les richesses se sont
déplacées avec elle, parce que le marché libre permet aux individus
productifs de les faire croître.
La liberté et les opportunités
existent encore, et peuvent encore prospérer. Tout ce qui change, c’est
simplement l’endroit où nous sommes susceptibles de les trouver.