Subir une taxation punitive de 300%,
c’est possible. Il suffit d’être une société
de droit belge ou un indépendant exerçant en Belgique et
d’avoir versé une “commission secrète”. Outil
de lutte contre la corruption ou argument de chantage fiscal?
La Belgique est une terre de contrastes.
Ainsi, au mépris du sursaut éthique qui s’est
emparé de tous les pays industrialisés à la fin du
siècle dernier, la législation fiscale belge a, pendant longtemps,
favorisé ouvertement les pratiques de corruption de la part des
entreprises.
Ainsi, jusqu’en 2007, une
entreprise belge souhaitant verser un “pot-de-vin” afin, par
exemple, de remporter un marché ou de s’attirer les faveurs
d’un politicien, était non seulement en mesure de le faire
impunément, mais jouissait en outre de la possibilité de
déduire ces “commissions secrètes” de ses
impôts. Il lui suffisait pour cela de satisfaire quelques conditions et
de requérir l’autorisation de l’administration fiscale au
moyen d’un document “ad hoc”. Si si. Bon, en
réalité, elle avait le choix: demander l’autorisation ou
payer une “cotisation spéciale”, peu à peu
augmentée au fil des années.
Ne dites pas
“impôt punitif”, dites “cotisation
spéciale”
Bien évidemment, l’OCDE, qui
depuis de nombreuses années avait placé la lutte contre la
corruption assez haut dans son agenda, n’a pas manqué de
stigmatiser la Belgique au sujet de cette pratique. De sorte qu’une
loi, votée le 1er septembre 2006, est venue mettre bon ordre dans tout
cela. Désormais, plus question de déduire quelque
“commission secrète” que ce soit. Tout paiement ou cadeau
non repris dans une déclaration idoine est considéré
comme une “commission secrète” et soumis à une
“cotisation spéciale” de 309%.
Comment ça
“corrompre un employé”?
Comme toujours dans l’enfer fiscal
qu’est la Belgique, il n’a pas fallu longtemps pour que cette
mesure de lutte contre la corruption soit détournée de son
objectif premier. Très rapidement, les “avantages de toute
nature” octroyés par une entreprise à ses dirigeants ou
à son personnel se sont retrouvés dans le collimateur.
Qu’ils ne soient pas déclarés dans le formulaire
adéquat, et ces cadeaux sont considérés comme des
commissions secrètes. Vous pensez avoir de la marge? Que nenni!
Qu’une banque accorde un crédit hypothécaire à
taux réduit à l’un de ses employés et la
réduction de taux doit être déclarée. Si elle ne
l’est pas, elle devient une commission secrète. Qu’une
entreprise oublie malencontreusement de déclarer l’octroi
d’un téléphone portable et le paiement des communications
faites au moyen de ce téléphone et ce téléphone
devient une commission secrète.
Pas de gros mots,
s’il vous plaît
Très rapidement, la menace de
cette cotisation spéciale est devenue l’arme favorite des
contrôleurs fiscaux en quête de redressements. Un fiscaliste nous
a ainsi récemment confié qu’en cas de contestation
d’une dépense professionnelle, le fisc avait beau jeu de brandir
cette menace pour amener le contribuable à de meilleurs sentiments.
Vous avez dit “chantage”?
Pour être complet, la cotisation
est de 300%, mais à celle-ci s’applique une “cotisation
spéciale de solidarité “de 3%. La Belgique adore imposer
les impôts, ça vous a un petit côté surréaliste
délicieux.
Frédéric Wauters
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