Ce n’est pas sans raison que personne ne porte
attention aux élections présidentielles de cette année,
si ce n’est les gens qui sont d’une manière ou d’une
autre payés pour avoir l’air intéressés :
aucuns débats ne concernent ce qui est réellement en jeu. Par
‘ce qui est en jeu’, je veux dire tout ce que nous devrons
changer lorsque le système dont nous dépendons dans la vie de
tous les jours finira par s’effondrer.
Personne ne reconnaît, pas même ceux à
qui profitent les élections, que nous approchons de ce point. Il
semblerait même qu’une forme de techno-narcissisme contrôle
jusqu’à ceux qui croient tout savoir, et qu’une propagande
d’info-divertissement diffuse un gaz hallucinogène poussant
l’imagination de tous à croire dans les mensonges que sont
l’indépendance énergétique et les emplois verts.
La vérité, c’est que nous subissons
actuellement la contraction implacable de notre économie corporatiste
en raison d’une pénurie imminente de l’énergie, ce
qui n’est pas en soi une si mauvaise nouvelle (ou qui ne le serait pas
si nous étions psychologiquement disposés à nous
habituer à une telle idée, ce que nous ne sommes
malheureusement pas). Cela ne signifie pas nécessairement que la vie
de tous les jours des Américains sera réduite à
néant - bien que ce puisse
être le cas. Cela pourrait simplement dire que les plus grosses
corporations seront réduites à néant et ce, bien plus
rapidement que l’on ose le penser, et laisseront derrière elles
assez de place pour que de réelles transformations puissent être
mises en place.
Citons par exemple les tensions à grande
échelle et le manque d’élasticité qui pourraient
forcer WalMart et ses semblables à fermer
leurs portes. Il n’en faudrait pas beaucoup pour porter un coup fatal
aux 15.000 kilomètres de réseaux de distribution dont
dépendent les revendeurs au détail. Une essence à 6
dollars le galon et une petite déclaration de guerre de
dévaluation de devises à la Chine pourrait mettre sens
dessus-dessous le système de ravitaillement à
l’échelle nationale. Ce serait la fin de ce que nous aimons
appeler les ‘bonnes affaires’, mais également une
opportunité pour nous de reconstruire les économies locales et
régionales que ces prédateurs ont mis à mort il y a
trente ans – et, plus important encore, de créer des emplois qui
puissent permettre aux Américains, et tout particulièrement aux
jeunes démoralisés par une économie les ayant
laissés de côté pendant si longtemps, de jouer un
rôle réel dans l’économie de leur ville.
C’est vers là que nous nous dirigeons. Je me
demande pourquoi les candidats à la présidence des Etats-Unis
n’en disent mot et se contentent de participer à des spectacles
ridicules que nous continuons de confondre avec des débats. Bien
évidemment, cela a aussi bien à voir avec l’inertie des
statu quo qu’avec la distorsion grotesque de la politique
inspirée de la décision de la cour suprême qui a autorisé
le contrôle des élections par les corporations. Mais même
cette calamité destructrice pèse moins lourd que la
volonté du public Américain à garder à tout prix
en marche les rouages de sa vie quotidienne.
Si cette attitude est certainement compréhensible,
ses conséquences – un effondrement social et politique -
n’en seront pas moins tragiques. Aucun des dirigeants des Etats-Unis
n’a aujourd’hui la volonté de faire face à la
difficulté qu’est celle de nous sortir de cette fâcheuse
situation. Les deux candidats aux élections présidentielles se
dévouent au contraire à soutenir l’insoutenable en nous
berçant de contes de fées peuplés de WalMart
et de petits lutins verts.
Les organismes dont dépend notre vie de tous les
jours peuvent être simplement décrits et compris : le
commerce (WalMart), l’agriculture, les moyens
de transports (aussi bien les voitures que les avions), la médecine,
l’éducation (ou devrais-je dire le babysitting), et ainsi de
suite… L’existence de ces organismes tels que nous les
connaissons aujourd’hui touche à sa fin. S’il est un
organisme qui fait aujourd’hui face à un danger bien plus grand,
c’est celui des finances, supposé gérer
l’accumulation de richesses et en déployer le surplus afin de
permettre le maintien de la civilisation. Les finances sont la plus mal en
point de toutes nos organisations, celle qui a aujourd’hui le plus de
chances de s’effondrer.
Notre problème principal est que le secteur
financier et ses différents organes ne fonctionnent plus que
grâce à la fraude, c’est-à-dire la mauvaise gestion
et la mauvaise allocation des richesses. L’omniprésence des fraudes
comptables et de contrôle (ou l’abus criminel de confiance pour
tout ce qui touche à la monnaie) est liée à la
corruption systématique des marchés. Les marchés des
actions et des matières premières ne jouent plus leur
rôle primaire qu’est celui de la détermination des prix en
raison de la manipulation des indices et du racket qu’est le trading à haute fréquence, sans parler de
l’absence générale de régulations. Les
marchés monétaires ne sont, eux non plus, plus
en mesure de déterminer le prix de la dette en fonction du risque
– c’est-à-dire d’établir les taux
d’intérêts – en raison des interventions
désespérées des banques centrales.
La conséquence de tout cela n’est autre
qu’un système de gestion monétaire capable de
s’effondrer à tout moment dans un tourbillon
d’irréalités et de chaos qui pourrait emporter avec lui
notre civilisation industrielle toute entière. Mitt
Romney représente toutes les forces cherchant à pervertir la
vérité sur le secteur bancaire, les marchés et les
échanges. Il a fondé sa fortune grâce à sa
société à l’arbitrage mortel, chassant dans les
fougères de l’entreprenariat Américain tel un serpent
venimeux se jetant sur ses victimes avant de les étouffer. Barack
Obama, avocat et président, semble avoir oublié que sa fonction
première est de chasser ce genre de serpents, et a permis au jardin
que sont les Etats-Unis d’en être infestés. S’il
perdait les élections, il pourrait même finir par devenir
lui-même l’un d’entre eux.
Personnellement, je n’ai foi en aucun d’entre
eux, et les regarder batailler dans les arènes de
‘débats’ me donne la nausée.
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