Dans un sens, c’est le système
bancaire de réserve fractionnaire, et non la monnaie elle-même, qui est à
l’origine de nos souffrances actuelles. Lorsque des réserves fractionnaires
sont autorisées, le système bancaire – dont celui qui existe aujourd’hui de
par le monde – prend les airs d’une combine à la Ponzi
qui ne peut fonctionner que tant que la majorité des gens ne cherchent pas à
accéder à leur argent.
Un meilleur système
Cette critique du système
monétaire actuel est-elle que la critique de l’impuissance de quelque chose
qui, comme le temps qu’il fait, ne peut être changée ? Le système
bancaire de réserve fractionnaire et le besoin de planification centrale qui
en découle pourraient-ils être remplacés par autre chose ? Comment un
système bancaire sans réserve fractionnaire pourrait-il accommoder la demande
de ses déposants de pouvoir accéder à leur argent à n’importe quel moment et
la demande des emprunteurs en prêts immobiliers sur trente ans ? Ce
marché pourrait-il opérer sans le contrôle du gouvernement ?
La réponse à cette dernière
question est oui. Un meilleur système financier est possible, et voici
comment il pourrait fonctionner :
Les banques actuelles
pourraient être divisées selon deux catégories. Les « banques de
commerce » accepteraient des dépôts et les sécuriseraient en échange de
frais. Les « banques de crédit » paieraient un intérêt sur ces
dépôts et prêteraient la monnaie des déposants, mais auraient à équilibrer
ces dépôts avec la durée des prêts accordés. Des dépôts qui peuvent être
retirés à tout moment (comme un compte chèque) ne pourraient qu’être utilisés
pour financer des prêts que la banque pourrait rappeler à tout moment, alors
que les dépôts de plus long terme pourraient servir à accorder des prêts de
plus longue durée, disons cinq ans. Les prêts de très long terme, comme les
prêts immobiliers sur trente ans, seraient financés grâce à des dépôts qui
nécessiteraient le paiement de frais par la banque à son déposant pour le
convaincre de conserver son argent pour si longtemps.
Le prêt immobilier qui en
découlerait rapporterait à la banque des intérêts suffisants pour lui assurer
un profit, ce qui rendrait les prêts sur trente ans à la fois chers et
difficiles à obtenir. Mais l’idée est que les prêts immobiliers de ce type
devraient être difficiles à obtenir. Acheter une maison – ou tout autre bien
qui nécessite un prêt de très longue durée – devrait requérir un acompte
élevé et l’utilisation d’actifs comme garanties, en plus d’un revenu régulier
suffisant. Voilà qui permettrait à la banque de saisir des propriétés et d’en
tirer plus que la valeur du prêt émis, ce qui assurerait sa capacité à
rembourser ses déposants et rendrait ces derniers plus aptes à placer leur
argent en banque pour une longue durée.
Une telle société serait bien
moins prône à accumuler une dette et une inflation excessives,
les paniques bancaires seraient moins fréquentes et les assurances de dépôts
des gouvernements ne seraient plus nécessaires. En clair, le monde serait
plus sain, les individus apprendraient à mieux gérer
leurs finances et n’emprunteraient qu’en cas de besoin. La catégorisation des
banques faciliterait la protection de capital et la production de capital
réel plutôt que le négoce papier.
Les banques d’investissements
et hedge funds d’aujourd’hui
seraient libres de spéculer avec l’argent de leurs clients, et de faire
fortune en cas de succès ou de s’effondrer dans le cas contraire, sans pour
autant affecter le public. Ils seraient perçus comme des propositions à haut
risque au potentiel important, et leurs clients et investisseurs les
observeraient de près. Aucune entité ne pourrait être too
big to fail, parce que le
système bancaire serait protégé des vicissitudes des marchés d’investissement
plus volatiles.
Les banques centrales, au sein
d’un tel système, seraient soit complètement inutiles soit émettrices de
devise papier garanti par de l’or ou de l’argent. Dans ce dernier cas, elles
devraient aussi se tenir prêtes à échanger l’un contre l’autre sur simple
demande. Nul besoin d’un prêteur de dernier recours, puisqu’un tel système
serait stable. Nul besoin d’intervenir sur les marchés des capitaux pour
faire croire aux citoyens que leur papier a une valeur intrinsèque. Les
cycles croissance-récession seraient plus rares et moins dévastateurs, et les
programmes gouvernementaux s’en trouveraient eux-aussi raréfiés. Les niveaux
de dette seraient réduits, et seraient facilement remboursables grâce aux
activités profitables. Dans ce monde hypothétique, tout serait plus modeste
et plus durable. Une solution attirante et réalisable.