Un mouvement libéral doit trouver toute sa place

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Published : June 20th, 2008
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Dans le contexte du bipartisme s’affirmant en France, un mouvement libéral doit sans doute trouver toute sa place dans notre pays. Au pays de l’Etat-providence, le libéralisme a longtemps servi de repoussoir, mais jamais de politique. En même temps, les français sont désormais convaincus que le modèle français est à bout de souffle et que le statuquo est désormais intenable. C’est pourquoi ils ont porté au pouvoir le candidat de la réforme de l’Etat. Cependant, la réforme n’est pas par essence libérale, surtout si elle se traduit par un accroissement du niveau général des prélèvements, ce qui serait fatale à notre économie.

Dans le passé récent, le débat sur la constitution européenne fut le point culminant de cette « libéralo-phobie », de cette hystérie anti-libérale savamment mise en musique par des média jamais neutres. Tandis que les partisans du « Non » désignaient le projet de constitution européenne comme un texte ultra-libéral, les promoteurs du traité constitutionnel l’ont présenté comme un bouclier contre la « mondialisation libérale » susceptible de préserver le modèle et l’identité européenne. Et ce clivage a transcendé les grands partis politiques tandis que les partis d’extrême droite et d’extrême gauche se rejoignaient dans un « non » aussi clair que monolithique.

Peu de gens auront remarqué qu’il existait aussi un « non » libéral face à la tentation régulatrice de Bruxelles. Peu de gens se sont demandés ce que recouvrait l'identité européenne ?

Aujourd’hui le non irlandais met à nouveau en péril la construction européenne. Est-ce à dire que les irlandais sont d’ingrats anti-européens sans reconnaissance aucune pour les subventions européennes dont ils auraient abondamment tirées parti ? Mais quel pays européen n’a pas profité de la manne européenne alors que l’agriculture française doit tout à l’Europe. La différence est que l’Irlande, le dragon de l’Europe, en a profité pour mettre en œuvre des réformes libératrices que nous avons tant de peine à réaliser chez nous. L’Espagne a connu le même processus qui lui a permis de rattraper la France dans de nombreux domaines.
La tentation est grande de nous refaire le coup de Maastricht, faisant passer pour d’indécrottables anti-européens ceux qui s’opposaient à l’euro. Mais ceux qui émettaient des doutes sur l’Euro à cette époque ne s’opposaient pas à l’euro en tant que monnaie européenne, mais à l’euro en tant que monnaie unique.
Ceux qui rejettent le traité européen ne s’opposent pas à l’Europe, mais s’opposent sans doute à la logique constructiviste d’un tel traité, qui pervertit l’idée même de Constitution. En effet, alors qu’une constitution est un principe éminemment libéral visant à limiter le pouvoir de celui qui détient le monopole de la violence légitime, à savoir l’Etat, les rédacteurs de la constitution européenne proposent un texte complexe qui débouche sur une extension sans limite des prérogatives d’un super-Etat européen en germe, structure étatique venant s’ajouter à la complexité institutionnelle déjà énorme dans l’hexagone.

La méconnaissance de la philosophie et l’éthique libérales empêche de bien mesurer le sens de cette profonde évolution. C’est que les idées libérales ont un accès très limité aux média sinon pour être défigurées et diabolisées tandis que l’on ne peut pas dire que l’Education Nationale et l’université soient porteuses d’une culture libérale qui fut pourtant à la source du mouvement des Lumières en Europe qui a grandement nourri la naissance des sociétés modernes et démocratiques dans lesquelles nous vivons aujourd’hui dans une prospérité jamais égalée.
Les français savent aussi que toutes les expériences tentées en dehors de l’économie de marché se sont soldées par de terrifiants échecs et pas seulement sur le plan économique, mais sur le plan humain et social aussi. L’ouverture internationale – et certainement pas la fermeture et la protection - fut un élément moteur de la croissance des échanges internationaux sans laquelle l’Europe n’aurait jamais pu atteindre le niveau de vie qu’elle a aujourd’hui. Pareillement, sans cette ouverture, l’Asie n’aurait jamais pu connaître le décollage économique qu’elle connaît aujourd’hui. Certes ce décollage inquiète mais l’Europe aurait-elle préférer voir déferler des millions d’immigrés asiatiques fuyant des pays condamnés au sous-développement alors qu’elle a déjà beaucoup de mal à intégrer l’immigration en provenance d’Afrique ? De ce point de vue, il est heureux que l’Asie sorte de la pauvreté même si beaucoup de chemin reste à parcourir. Mais elle ne le doit ni au socialisme, ni aux plans quinquennaux ! Il n’est plus loin le temps où l’Afrique connaitra un tel sursaut alors que les nouvelles générations ont soif d’entreprendre et de prendre en main la destinée de leurs propres pays, rejetant une compassion humanitaire qui n’a jamais déclenché le moindre développement durable et sérieux.
Beaucoup de pays se rendent compte aujourd’hui qu’il valait mieux être dans la sphère d’influence américaine (pour bénéficier de la protection de l’OTAN, des fonds Marshall et des institutions du GATT) après la seconde guerre mondiale que dans celle de l’U.R.S.S. et du COMECON. Et les pays qui ont été coupé en deux (Allemagne, Corée) mesurent à quel point il est impossible de mettre sur le même plan le libéralisme et le communisme, et combien il est ridicule de les renvoyer dos à dos.

Il faut donc se féliciter que la croissance se diffuse dans le monde et elle se diffuse à partir du moment où l’on met en œuvre un certain nombre de réformes fondamentalement inspirées par des principes issus du libéralisme. Au passage, on remarquera qu’il ne peut y avoir de politique sociale, culturelle, étrangère, diplomatique…ambitieuse sans croissance économique. Il faut avoir les moyens de ses ambitions, et seule une prospérité retrouvée et durable permet de retrouver ces moyens. La France découvre cruellement qu’elle ne peut tenir son rang international sans une armée forte et efficace, mais qu’il faut d’énormes moyens financiers pour moderniser une armée. La France est sans doute le pays qui se donne les ambitions les plus démesurées à un moment où les moyens manquent, à défaut d’avoir une économie dynamique. Et le pays s’use à gérer la pénurie et la précarité. Il a besoin d’une ambition plus grande. Dans les années 80, les USA et l’Angleterre ont retrouvé le chemin d’une prospérité durable et sans inflation une fois accomplies ces réformes, et aucun pays ne peut en faire l’économie. Encore faut-il des hommes et femmes politiques pour avoir le courage de le dire et de le faire.

Les mouvements libéraux doivent rappeler aux français que le libéralisme ne se propose pas de démanteler l’Etat mais de restaurer l’Etat de droit, afin qu’il retrouve une efficacité dans les domaines où son action est irremplaçable, et une légitimité aux yeux de tous les français. Car l’Etat de droit est le garant des droits et devoirs qui doivent être les mêmes pour tous pour être légitimes alors que l’Etat-providence pour les uns (qui distribue d'une main voyante) génère toujours un Etat-vampire pour les autres (qui prélève d'une autre main plus insidieuse). Ce sont les défaillances institutionnelles qui nourrissent les dérèglements de l’économie, entraînant à la fois un rejet de la politique et une peur de l’économique.
Les mouvements libéraux doivent dire que le libéralisme n’est pas « la loi du plus fort » mais la remise à l’endroit du principe élémentaire de subsidiarité qui consiste à rendre à l’individu la responsabilité qui lui incombe dans les choix qui le concerne directement, pour déléguer aux échelons supérieurs (famille, commune, département, région, Etat, Europe) les choix à caractère plus collectifs. La liberté n’a aucun sens sans la prise de responsabilité de la même manière que les droits ne peuvent exister sans les devoirs qui en sont la contrepartie nécessaire et naturelle. Depuis son origine, le libéralisme se fonde sur la reconnaissance de droits individuels fondamentaux dérivés de la nature humaine elles-mêmes et dont les institutions se doivent de garantir la reconnaissance et la protection, et non de « droits sociaux » aux contours indéfinis qui réduisent l’Etat au statut de « guichet unique » et l’individu au rang d’assujetti.
Les mouvements libéraux doivent montrer aux français que le libéralisme ne se réduit aucunement à un économisme, encore moins à un matérialisme tout entier tourné à la course à la consommation de biens matériels. C’est au contraire une philosophie, une éthique et une morale qui impliquent de prendre en compte toutes les dimensions de l’homme et de la société avec un objectif d'épanouissement personnel qui ne confond pas l'être et l'avoir.

Car la liberté et la responsabilité ne se divisent pas : elles sont à la fois une et multiple, diverses et indivisibles.

Pour toutes ces raisons, il nous faut espérer qu’un mouvement libéral prenne toute sa place dans notre pays, en se proposant d’assumer les idées libérales, héritage du siècle des Lumières et dont la France a donné les plus belles plumes et les plus grands auteurs. Notre échiquier politique comprend un parti communiste, une ligue communiste révolutionnaire alors que l’expérience historique nous a montré comment la mise en œuvre des principes communistes aboutit à une négation des valeurs qui fondent l’idéal humaniste.
Alors, pourquoi serait-il illégitime d’offrir aux électeurs de ce pays une voix libérale ? Nous formons le vœu qu’un tel mouvement, issu du rassemblement des multiples chapelles libérales, saura faire émerger de la société civile elle-même ces hommes et femmes dont notre pays a tellement besoin pour relever les défis d'aujourd’hui.





Jean Louis Caccomo

Chroniques en Liberté


Jean Louis Caccomo est Docteur en sciences économiques de l'université d'Aix-Marseille II et maître de conférences à l'université de Perpignan. Il intervient comme expert international dans de nombreux programmes de coopération (Maroc, Algérie, Ukraine, Thaïlande, Mexique, Syrie, Comores, Chine, Canada, USA).



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Docteur en sciences économiques de l'université de la Méditerranée et Maître de conférences – HDR - à l'IAE de l'université de Perpignan. Médaille du Bibliographical Institute of Cambridge (London, 2012), il est spécialiste de croissance économique ainsi que chercheur en tourisme international et consultant pour l’Organisation Mondiale du Tourisme (Nations-Unies). Il signe des chroniques économiques dans la presse nationale (Les Echos, Le Monde, le Figaro, Economie-Matin) et internationale (l’AGEFI le quotidien suisse des finances, le Boston de Providence aux USA, le Québécois Libre à Montréal). Il anime enfin, depuis plus de 15 ans, un blog à vocation pédagogique, Chroniques en liberté, à l'attention de ses étudiants et du grand public. Ouvrages [1] Les défis économiques de l'information, la numérisation, L'Harmattan, Paris 1996. [2] L’innovation dans l’industrie du tourisme - Enjeux et stratégies. En co-écriture avec B. Solonandrasana, L’Harmattan, Paris, 2001 [3] L’épopée de l’innovation – Innovation technologique et évolution économique, L’Harmattan, Paris, 2005. [4] L’innovation dans l’industrie du tourisme. Enjeux et stratégie, avec B. Solonandrasana, L’Harmattan, Paris 2006. [5] Fondements d’économie du tourisme. Acteurs, marchés, stratégies. De Boeck Université, Bruxelles 2007. [6] Le modèle français dans l’impasse, Tatamis Editions, Paris 2013. [7] Histoire thématique et contemporaine des faits économiques, Ellipses, Paris 2015. [8] Analyse de la finance internationale : le grand naufrage, en co-écriture avec Faouzzi Souissi (Trader),The Book Edition, Paris 2019.
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