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Dans
le contexte du bipartisme s’affirmant en France, un mouvement
libéral doit sans doute trouver toute sa place dans notre pays. Au
pays de l’Etat-providence, le libéralisme a longtemps servi de
repoussoir, mais jamais de politique. En même temps, les
français sont désormais convaincus que le modèle
français est à bout de souffle et que le statuquo est
désormais intenable. C’est pourquoi ils ont porté au
pouvoir le candidat de la réforme de l’Etat. Cependant, la
réforme n’est pas par essence libérale, surtout si elle
se traduit par un accroissement du niveau général des
prélèvements, ce qui serait fatale à notre
économie.
Dans le passé récent, le débat sur la constitution
européenne fut le point culminant de cette «
libéralo-phobie », de cette hystérie anti-libérale
savamment mise en musique par des média jamais neutres. Tandis que les
partisans du « Non » désignaient le projet de constitution
européenne comme un texte ultra-libéral, les promoteurs du
traité constitutionnel l’ont présenté comme un
bouclier contre la « mondialisation libérale » susceptible
de préserver le modèle et l’identité
européenne. Et ce clivage a transcendé les grands partis
politiques tandis que les partis d’extrême droite et
d’extrême gauche se rejoignaient dans un « non »
aussi clair que monolithique.
Peu
de gens auront remarqué qu’il existait aussi un « non
» libéral face à la tentation régulatrice de
Bruxelles. Peu de gens se sont demandés ce que recouvrait
l'identité européenne ?
Aujourd’hui
le non irlandais met à nouveau en péril la construction
européenne. Est-ce à dire que les irlandais sont
d’ingrats anti-européens sans reconnaissance aucune pour les
subventions européennes dont ils auraient abondamment tirées
parti ? Mais quel pays européen n’a pas profité de la
manne européenne alors que l’agriculture française doit
tout à l’Europe. La différence est que l’Irlande,
le dragon de l’Europe, en a profité pour mettre en œuvre
des réformes libératrices que nous avons tant de peine à
réaliser chez nous. L’Espagne a connu le même processus
qui lui a permis de rattraper la France dans de nombreux domaines.
La tentation est grande de nous refaire le coup de Maastricht, faisant passer
pour d’indécrottables anti-européens ceux qui
s’opposaient à l’euro. Mais ceux qui émettaient
des doutes sur l’Euro à cette époque ne
s’opposaient pas à l’euro en tant que monnaie
européenne, mais à l’euro en tant que monnaie unique.
Ceux qui rejettent le traité européen ne s’opposent pas
à l’Europe, mais s’opposent sans doute à la logique
constructiviste d’un tel traité, qui pervertit
l’idée même de Constitution. En effet, alors
qu’une constitution est un principe éminemment libéral
visant à limiter le pouvoir de celui qui détient le monopole de
la violence légitime, à savoir l’Etat, les
rédacteurs de la constitution européenne proposent un texte
complexe qui débouche sur une extension sans limite des
prérogatives d’un super-Etat européen en germe, structure
étatique venant s’ajouter à la complexité
institutionnelle déjà énorme dans l’hexagone.
La
méconnaissance de la philosophie et l’éthique
libérales empêche de bien mesurer le sens de cette profonde
évolution. C’est que les idées libérales ont un accès
très limité aux média sinon pour être
défigurées et diabolisées tandis que l’on ne peut
pas dire que l’Education Nationale et l’université soient
porteuses d’une culture libérale qui fut pourtant à la
source du mouvement des Lumières en Europe qui a grandement nourri la
naissance des sociétés modernes et démocratiques dans
lesquelles nous vivons aujourd’hui dans une prospérité
jamais égalée.
Les français savent aussi que toutes les expériences
tentées en dehors de l’économie de marché se sont
soldées par de terrifiants échecs et pas seulement sur le plan
économique, mais sur le plan humain et social aussi.
L’ouverture internationale – et certainement pas la fermeture et
la protection - fut un élément moteur de la croissance des
échanges internationaux sans laquelle l’Europe n’aurait
jamais pu atteindre le niveau de vie qu’elle a aujourd’hui.
Pareillement, sans cette ouverture, l’Asie n’aurait jamais pu
connaître le décollage économique qu’elle
connaît aujourd’hui. Certes ce décollage inquiète
mais l’Europe aurait-elle préférer voir déferler
des millions d’immigrés asiatiques fuyant des pays
condamnés au sous-développement alors qu’elle a
déjà beaucoup de mal à intégrer l’immigration
en provenance d’Afrique ? De ce point de vue, il est heureux que
l’Asie sorte de la pauvreté même si beaucoup de chemin
reste à parcourir. Mais elle ne le doit ni au socialisme, ni aux plans
quinquennaux ! Il n’est plus loin le temps où l’Afrique
connaitra un tel sursaut alors que les nouvelles générations
ont soif d’entreprendre et de prendre en main la destinée de
leurs propres pays, rejetant une compassion humanitaire qui n’a jamais
déclenché le moindre développement durable et
sérieux.
Beaucoup de pays se rendent compte aujourd’hui qu’il valait mieux
être dans la sphère d’influence américaine (pour
bénéficier de la protection de l’OTAN, des fonds Marshall
et des institutions du GATT) après la seconde guerre mondiale que dans
celle de l’U.R.S.S. et du COMECON. Et les pays qui ont été
coupé en deux (Allemagne, Corée) mesurent à quel point
il est impossible de mettre sur le même plan le libéralisme et
le communisme, et combien il est ridicule de les renvoyer dos à dos.
Il faut donc se féliciter que la croissance se diffuse dans le monde
et elle se diffuse à partir du moment où l’on met en
œuvre un certain nombre de réformes fondamentalement
inspirées par des principes issus du libéralisme. Au passage,
on remarquera qu’il ne peut y avoir de politique sociale, culturelle,
étrangère, diplomatique…ambitieuse sans croissance
économique. Il faut avoir les moyens de ses ambitions, et seule une
prospérité retrouvée et durable permet de retrouver ces
moyens. La France découvre cruellement qu’elle ne peut tenir son
rang international sans une armée forte et efficace, mais qu’il
faut d’énormes moyens financiers pour moderniser une
armée. La France est sans doute le pays qui se donne les ambitions les
plus démesurées à un moment où les moyens
manquent, à défaut d’avoir une économie dynamique.
Et le pays s’use à gérer la pénurie et la
précarité. Il a besoin d’une ambition plus grande. Dans
les années 80, les USA et l’Angleterre ont retrouvé le
chemin d’une prospérité durable et sans inflation une
fois accomplies ces réformes, et aucun pays ne peut en faire
l’économie. Encore faut-il des hommes et femmes politiques pour
avoir le courage de le dire et de le faire.
Les mouvements libéraux doivent rappeler aux
français que le libéralisme ne se propose pas de
démanteler l’Etat mais de restaurer l’Etat de droit, afin
qu’il retrouve une efficacité dans les domaines où son
action est irremplaçable, et une légitimité aux yeux de
tous les français.
Car l’Etat de droit est le garant des droits et devoirs qui doivent
être les mêmes pour tous pour être légitimes alors
que l’Etat-providence pour les uns (qui distribue d'une main voyante)
génère toujours un Etat-vampire pour les autres (qui
prélève d'une autre main plus insidieuse). Ce sont les
défaillances institutionnelles qui nourrissent les
dérèglements de l’économie, entraînant
à la fois un rejet de la politique et une peur de
l’économique.
Les mouvements libéraux doivent dire que le libéralisme
n’est pas « la loi du plus fort » mais la remise à
l’endroit du principe élémentaire de subsidiarité
qui consiste à rendre à l’individu la
responsabilité qui lui incombe dans les choix qui le concerne
directement, pour déléguer aux échelons
supérieurs (famille, commune, département, région, Etat,
Europe) les choix à caractère plus collectifs. La
liberté n’a aucun sens sans la prise de responsabilité de
la même manière que les droits ne peuvent exister sans les
devoirs qui en sont la contrepartie nécessaire et naturelle.
Depuis son origine, le libéralisme se fonde sur la reconnaissance de
droits individuels fondamentaux dérivés de la nature humaine
elles-mêmes et dont les institutions se doivent de garantir la
reconnaissance et la protection, et non de « droits sociaux » aux
contours indéfinis qui réduisent l’Etat au statut de
« guichet unique » et l’individu au rang d’assujetti.
Les mouvements libéraux doivent montrer aux français que le
libéralisme ne se réduit aucunement à un
économisme, encore moins à un matérialisme tout entier
tourné à la course à la consommation de biens
matériels. C’est au contraire une philosophie, une
éthique et une morale qui impliquent de prendre en compte toutes les
dimensions de l’homme et de la société avec un objectif
d'épanouissement personnel qui ne confond pas l'être et l'avoir.
Car
la liberté et la responsabilité ne se divisent pas : elles sont
à la fois une et multiple, diverses et indivisibles.
Pour toutes ces raisons, il nous faut espérer qu’un mouvement
libéral prenne toute sa place dans notre pays, en se proposant
d’assumer les idées libérales, héritage du
siècle des Lumières et dont la France a donné les plus
belles plumes et les plus grands auteurs. Notre échiquier politique
comprend un parti communiste, une ligue communiste révolutionnaire
alors que l’expérience historique nous a montré comment
la mise en œuvre des principes communistes aboutit à une
négation des valeurs qui fondent l’idéal humaniste.
Alors, pourquoi serait-il illégitime d’offrir aux
électeurs de ce pays une voix libérale ? Nous formons le
vœu qu’un tel mouvement, issu du rassemblement des multiples
chapelles libérales, saura faire émerger de la
société civile elle-même ces hommes et femmes dont notre
pays a tellement besoin pour relever les défis d'aujourd’hui.
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Jean Louis Caccomo
Chroniques en
Liberté
Jean Louis Caccomo est Docteur en sciences économiques de
l'université d'Aix-Marseille II et maître de conférences
à l'université de Perpignan. Il intervient comme expert
international dans de nombreux programmes de coopération (Maroc,
Algérie, Ukraine, Thaïlande, Mexique, Syrie, Comores, Chine,
Canada, USA).
Les vues présentées par Jean Louis
Caccomo sont les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit
nécessaire de faire une mise à jour. Les articles présentés
ne constituent en rien une invitation à réaliser un quelconque
investissement. L’auteur, 24hGold ainsi que toutes parties qui leur
seraient directement ou indirectement liées peuvent, ou non, et
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