Et dans la série « Ces élus qui font n’importe
quoi », déjà fournie concernant l’Assemblée Nationale et le Sénat français, je choisis le Parlement Européen qui nous
gratifie actuellement d’une bordée d’initiatives délicieusement scandaleuses.
En plus, ça tombe bien : il était plus que temps de modérer l’ardeur
amoureuse des peuples, actuellement débordante, vis-à-vis de l’Union
Européenne !
Alors, pour calmer un peu le
jeu, le Parlement Européen s’est donc lancé dans deux actions choc (en
parallèle, bien sûr, de ses nombreuses actions chèque, qui ne faiblissent pas
puisque c’est avec l’argent des autres qu’on fait les plus belles fêtes !).
La première est un lièvre qu’a levé le Daily Telegraph, production eurosceptique
s’il en est puisque provenant directement de la perfide Albion : en
substance, les élus européens ont dans leurs cartons une proposition de
dépense d’environ 2,5 millions d’euros pour lancer une armée d’activistes
rémunérés, sur Internet (les forums et réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, notamment) pour lutter contre le méchant
euroscepticisme qui risque bien de déferler à l’occasion des élections de
juin 2014.
Selon les éléments que Daily
Telegraph détaille dans son article, la mission de ces activistes serait
d’agir sur les différents lieux de parole sur Internet afin de retourner les
sentiments euro-sceptiques à base de
« l’Europe est le problème », afin que la conclusion évidente soit
« plus d’Europe » et non le contraire. Toujours selon l’article,
une attention toute particulière sera accordée aux pays qui ont connu une
montée de l’euroscepticisme, dont notamment la France qui a rejeté le Traité
constitutionnel en 2005.
De la même façon que Paul Nuttall, un des leader du parti UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni), trouve que
cette dépense est particulièrement mal venue puisque des fonctionnaires
européens vont être payés avec de l’argent public pour défendre une vision
politique particulière au détriment d’une autre, chaque citoyen peut se
demander pourquoi — et surtout en ces temps de disette budgétaire — on va
ainsi dépenser plusieurs millions d’euros pour essayer d’orienter les choix
des électeurs.
Mais j’irai une étape plus
loin que Nuttall en rappelant que cette affaire
illustre de façon limpide un grave problème inhérent à la façon actuelle dont
les institutions gouvernementales fonctionnent (européennes ou françaises,
c’est pareil) : d’une part, ce n’est pas toujours (et loin s’en faut) la
majorité qui décide de ce qui doit être fait avec l’argent récolté de force
par les taxes et impôts, et d’autre part, le citoyen lambda se retrouve
souvent dans la situation désagréable de payer des impôts qui vont
directement aller soutenir des causes auxquelles il est moralement opposé. Ceci
constitue, à mon sens, l’un des viols les plus profonds de la liberté des
citoyens puisque non seulement, on va leur faire croire, au travers
d’institutions de plus en plus éloignées de lui, qu’une majorité de personnes
est pour ce fonctionnement (ce qui n’est pas vrai) mais en plus, on va lui
imposer avec cette excuse des choix qui lui sont moralement insupportables.
Les exemples actuels abondent, depuis les guerres inutiles financées par vos
impôts sans qu’on vous demande votre avis jusqu’aux drones américains
déployés sur leur propre sol dans le plus parfait piétinement des principes
constitutionnels de ce pays.
Et ici, c’est donc avec un
certain détachement, sur le mode « Ben quoi, que fait-on de mal ? »
que les élus européens entendent donc verser dans la propagande la plus
ouverte, la plus décontractée, et ce, avec l’argent du citoyen dont on ne
peut pas dire qu’il soit d’accord, puisqu’il s’agit essentiellement de lui
forcer la main…
On pourrait croire qu’avec une
telle information, l’article du Daily Telegraph aurait été repris et commenté
de multiples fois dans tous les médias, français y compris. Bien évidemment,
il n’en fut rien : la presse française s’est consciencieusement gardée de
faire la moindre analyse, le moindre commentaire ou de simplement relayer la
nouvelle. Et c’est logique : noyée dans ses subventions, les journaux
français les plus connus sont, au niveau national, la réplique exacte de ce
qu’entend mettre en place le Parlement Européen, puisque pour beaucoup de
journalistes dans ces rédactions, il ne s’agit pas d’informer mais bien « de donner des clefs »,
« d’éduquer »,
« de former »
les lecteurs, bref de former leur opinion par une présentation orientée de
l’information. On voit mal les « trolls » français dénoncer avec
bruit les « trolls » européens…
Parallèlement à cette
formidable initiative d’infiltration du net, le même Parlement entend
s’attaquer à un autre pan des interwebs et autres
forums. Je rassure certains : il ne s’agit pas ici de légiférer sur les lolcats et les vidéos de chats mignons (ce qui aurait
déjà déclenché des émeutes massives). Cependant, l’affaire est sérieuse et
déclenche des remous puisqu’il s’agirait d’interdire, peu ou prou, la
pornographie sur le réseau des réseaux.
Certes, la fureur des
internautes sera un cran plus faible que pour les lolcats, mais on comprend
qu’une telle interdiction provoquerait de toute façon de violents mouvements
de foule.
D’autant que lorsqu’on prend connaissance du contexte dans lequel se place cette interdiction de la
pornographie, on ne peut que bondir : il s’agit en effet pour le Parlement de
discuter de l’élimination des stéréotypes liés au genre, tant sur
internet que partout ailleurs, du reste. Ici, on rejoint en ligne droite les
paragraphes que j’ai écrit un peu plus haut sur la ponction fiscale qui va
servir à noyer un nombre incalculable de citoyens dans des barils de
débilités anti-discriminatoires gluantes, dont les
effets catastrophiques, tant en terme de constructivisme sociétal qu’en
simple termes relationnels ou même économiques, ne manqueront pas de se faire
sentir au plus profond d’une Europe qu’on va ainsi mettre à genoux, avant le
coup de pelle fatidique derrière une nuque déjà bien dégarnie.
Heureusement, des
protestations commencent à se faire entendre de toutes parts, et pas
seulement sur le simple aspect « pornographie sur internet ».
Manifestement, les gens (certains, du moins) aiment bien qu’internet soit un
espace de liberté, ou que la censure n’y soit pas à ce point visible, disons.
D’autres ont peut-être compris qu’en autorisant ainsi le Parlement Européen à
aller mettre ses gros doigts aussi bureaucratiques que boudinés dans les communications
inter-personnelles des citoyens de l’Union, ils
autorisaient implicitement ce dernier à étendre bien au-delà du raisonnable
ses prérogatives, signant un blanc-seing dangereux à une institution qui a
déjà amplement démontré sa vision toute particulière de la démocratie et de
la liberté d’expression.
Et à force de protestations
bien senties, ce même parlement vient justement de s’illustrer en filtrant les arrivées électroniques pour gérer
l’afflux inopiné de centaines de courriels bien poivrés de citoyens
mécontents. Las : cela s’est franchement vu. Et même si on peut estimer qu’il
s’agit d’une réponse purement technique à un problème très ponctuel pour
éviter de bloquer des boîtes e-mails professionnelles sous la vague de
réprobations, la réponse apportée est particulièrement maladroite tant elle
démontre à ceux qui en doutaient encore que l’institution a un problème majeur de communication avec ceux qu’elle est
censée représenter.
Au vu de ces deux affaires, la
question, lancinante, se pose : où est passée la démocratie européenne ?