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séquence par séquence un scénario qui a
déjà beaucoup servi, l’Espagne se dirige droit dans le
mur avec d’autant plus de certitude que ses représentants jouent
les innocents. « Nous sommes sérieux, le sérieux est de
retour en Espagne », a assuré Inigo Mendez
de Vigo, le secrétaire d’Etat espagnol à l’Union
européenne lors d’une réunion organisée en
Finlande. Un projet de budget 2012 rectificatif est attendu avec impatience
de Madrid, dont l’objectif est de réduire le déficit
public au niveau de 3% du PIB en 2013 après avoir atteint 5,3% en fin
de cette année. Un but peu crédible à atteindre dans le
contexte d’une récession et d’un PIB prévu à
-1,7% en fin d’année.
Klaus
Regling, le président du Fonds de soutien
européen (FESF) n’en doute certainement pas mais
s’interroge dans l’hebdomadaire allemand Focus sur la perception
des marchés: « la majorité des acteurs des marchés
ne croit pas que la crise est finie et s’attend à de nouveaux
abaissements de note d’États ». Olli
Rehn, le commissaire aux affaires
économiques, a considéré lors de la rencontre
finlandaise que les hausses des taux de la dette espagnole qui viennent
d’intervenir sur le marché depuis que l’objectif de
réduction du déficit 2012 a été revu illustrent
« à quel point la situation est fragile ».
Mario
Monti, également présent, a élargi le sujet et fait non
seulement part des « préoccupations de l’Union
européenne » à propos de l’Espagne, mais d’un
danger plus vaste, « car il en faut bien peu pour que la contagion
fasse son œuvre ». Suivez son regard. Dans une interview à
la BBC, Angela Merkel a affirmée
que « la situation est très tendue. L’Europe, et en
particulier la zone euro, est en crise. Cette crise est la conséquence
de la crise financière mondiale et elle a entraîné des
discussions très dures dans de nombreux pays ».
Sans
doute faisait-elle référence aux débats qui ne vont pas
manquer de rebondir en Allemagne à propos du fameux pare-feu
financier. Car en augmenter la capacité, comme il en est question,
supposerait qu’une majorité des deux tiers se dégage pour
l’adopter au Bundestag. La raison pour laquelle Klaus Regling vient de faire valoir dans la même
interview que « plus d’argent tranquilliserait encore davantage
les marchés. Que ce soit un bien ou un mal, c’est un fait :
c’est en mettant plus d’argent sur la table qu’on
rétablit le calme ».
Les
dirigeants européens sont donc repartis dans l’un de leurs jeux
favoris. Le mur temporairement disparu, ils vont adopter l’un de ces
compromis qui présagent le pire en taillant selon de mauvaises mesures
un nouveau costume; en ne se donnant pas les moyens de faire face à
l’inévitable dérapage de la situation espagnole et en laissant
Mariano Rajoy et son gouvernement seuls pour
accomplir une mission impossible. Qu’importent les milliards
d’euros potentiels qui vont être présentés sur la
table, si leur tas ne convainc pas les marchés d’une
ferme résolution qui doit se traduire en actes et surtout en
espèces !
L’écroulement
des libéraux allemands dans la Sarre et l’échec du Partido Popular en Andalousie
ne bousculent pas la carte électorale européenne mais il font partie de ces signaux qui s’accumulent et
montrent que la crise atteint progressivement le niveau politique. Les
sondages à propos des prochaines élections législatives
grecques, selon lesquels la coalition actuelle entre Nouvelle
Démocratie et le Pasok ne trouverait une majorité parlementaire
que grâce au système électoral accordant une forte prime
au parti arrivant en tête, y contribuent également.
La
coalition allemande actuelle est mal partie et l’on parle
déjà du retour en 2013 d’une grande coalition
réunissant les chrétiens démocrates et les sociaux démocrates. L’attelage britannique
des conservateurs et des libéraux démocrates ne survit que
parce que ces derniers acceptent d’avaler couleuvre sur couleuvre.
Mario Monti bénéficie du rejet d’un monde politique
déconsidéré et de son statut actuel de sauveur. Le
gouvernement hollandais est à la recherche d’une majorité
parlementaire qu’il a perdue. Le résultat des élections
françaises est attendu sans plus d’espérance.
Les
majorités se cherchent, puis se trouvent car le système le
veut, sans que des alternatives se dessinent pour autant. Tout, de ce point de
vue, tourne à vide comme en témoigne la sourde
inquiétude que révèlent les sondages d’opinion. La
politique ne permet plus d’espérer, tout juste de rejeter. Y
compris – comme on l’a vu au Royaume-Uni, en Espagne, en
Grèce et au Portugal – en faisant mordre la poussière aux
travaillistes et socialistes pour élire les conservateurs revanchards,
un comble exprimant la confusion et le manque de repères.
Qui
sont en cause : les électeurs ou ceux qui prétendent revenir
aux affaires ? Les gestionnaires des partis de gouvernement dans
l’opposition qui une nouvelle fois se disent, en pensant à leur
proche victoire, « si nous ne faisons pas d’erreur, nous y serons
pour vingt ans » ? Ils sont en réalité l’expression
de leur propre défaite annoncée.
Jeudi
prochain, l’Espagne connaîtra une grève
générale.
Billet rédigé par
François Leclerc
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