Encore une fois, le peuple français se caractérise en faisant systématiquement à l’inverse du peuple anglo-saxon. Alors que ce dernier est toujours resté conscient de la manipulation des médias lorsque cette intelligentsia tentait de leur faire gober un « Remain » encombrant ou une Clinton corrompue, le peuple français, lui, a sagement choisi d’aller dans le sens désigné et de porter aux nues la création médiatique qui leur était offerte. Macron se retrouve donc au second tour.
Or donc, tout se déroule comme prévu : François Hollande, incapable de se faire réélire pour cause de quinquennat catastrophique, de bilan abyssal et de popularité microscopique, aura quand même réussi le tour de force de propulser son factotum au second tour de l’élection présidentielle. Chapeau, l’artiste politique !
On peut espérer que les deux semaines qui s’ouvrent à présent seront mises à profit par François Macron pour récompenser son électorat en livrant les points saillants de son programme, sans se contredire trois fois dans la même phrase et en donnant enfin quelques éléments tangibles, chiffrés et solides.
Plus probablement, on devra simplement se coltiner les tombereaux d’articles lacrymogènes d’une presse transie d’effroi à la perspective (largement fantasmée) d’une accession au pouvoir de Marine Le Pen : au moins notre petit marcheur pourra-t-il mener un âpre combat, repousser la bête immonde, son ventre fécond, ses heures les plus sombres et tout le tralala républicain, ce qui ne devrait guère lui laisser le temps de préciser sa vaporeuse pensée.
Quoi qu’il en soit, et au-delà de l’incroyable pari hollandesque réussi, on peut d’ores et déjà retenir quelques autres grandes leçons de ce scrutin.
L’effondrement des vieux partis
D’une part, le Parti Socialiste et Les Républicains ont vécu. Ces deux partis, fossilisés sur des paradigmes poussiéreux, viennent de s’effondrer. Si le score de Fillon laisse encore des espoirs à la droite de se recomposer pour les législatives, le score du Schtroumpf Frondeur atteste assez radicalement de la scission claire entre les vieux débris socialistes mené par Aubry et les brontosaures du même tonneau d’un côté, et l’aile sociale-démocrate, plus centriste, largement incarnée par un Macron qui peinera vraiment à faire croire qu’il est autre chose qu’au centre mou.
Une France encore plus pleine de collectivistes
D’autre part, Le Pen à plus de 20%, Mélenchon qui flirte avec ce chiffre, cela nous fait tout de même une belle brouettée de collectivistes qui rêvent humidement de prendre le pouvoir pour, enfin, faire rendre gorge qui à la finance apatride, qui à l’immigration patricide. Cela fait près de 40% d’électeurs encore et toujours attirés par l’impôt, la taxe, la ponction et un État fort. Cela fait toujours plus de monde délicieusement enivré à l’idée de pouvoir foutre (au choix) les noirabesétrangers ou les juifsbanquiers dehors. Ce n’est vraiment pas réjouissant.
Ce qui l’est en revanche, ce sont les petits couinements de déception des mélenchonistas : eh non, le Grand Soir, ce n’est pas encore pour cette fois-ci. Bien évidemment, leur vision de la démocratie se heurte assez violemment à l’exercice démocratique réel, ce qui provoque des petits prurits violents chez certains d’entre eux ce qui n’étonnera que les plus naïfs.
Une trudeautisation de la vie politique française ?
Le second tour n’est pas joué et des surprises sont toujours possibles (depuis l’attentat en passant par des événements extérieurs majeurs, personne n’est à l’abri). Mais si l’on part sur l’hypothèse d’un Macron élu, on se retrouve dans une situation assez comparable avec ce que vivent nos amis Canadiens avec leur Trudeau premier ministre : un social démocrate mou, qui ne propose à peu près rien de concret et a beaucoup misé sur son physique de jeune premier. Trudeau a tout de même marqué les esprits en favorisant la légalisation du cannabis et en ouvrant la possibilité d’exploitation des gisements de gaz de schiste. En France, rassurez-vous, il n’y aura rien de tout ça : les Français devront se contenter de jolies photos diplomatiques avec Manu et Brigitte, ce qui promet de bousculer du caniche, on en conviendra aisément.
Et au-delà, les législatives promettent à la fois une recomposition massive du paysage, et une probabilité non nulle d’une cohabitation ou d’un gouvernement mi-chèvre mi-chou dont on se demande exactement comment il pourra piloter la France vers la moindre réforme.
Un vrai bon retour au Normal.
La campagne, à présent, revient sur un mode normal, aussi normal que jadis le président Hollande : simple opposition entre un vrai bon petit gars républicain et l’hydre fasciste, il suffira de nous tympaniser sur ce thème pour que l’élection du Choisi se déroule sans problème. Ceux qui, à l’extrême-gauche, n’avaient que le peuple à la bouche en seront pour leur frais et montreront tout leur amour de la démocratie en grandeur réelle. Ceux qui attendent un grand procès Fillon où l’on y parlera du président à titre costume en seront eux aussi pour leur frais : il est assez probable que l’impétrant ne représentant plus une menace, ses ennuis judiciaires s’évaporeront gentiment.
La France pourra revenir à ses habitudes : le patinage artistique sur la dette, la gréviculture délétère, la taxation tous azimuts et le rattrapage budgétaire à coups d’impôts plus ou moins violents. Et comme je le disais dans un précédent billet, l’immobilisme faisant rage, on peut s’attendre à cinq nouvelles années d’illusions brisées et de déconfiture continue. Bref, le retour à la normale.
Chirac nous a fait regretter Mitterrand. Sarkozy aura relevé le défi avec brio et nous aura fait regretter Chirac. Hollande n’a pas baissé les bras et nous a largement fait regretter Sarkozy. Ne vous inquiétez pas : Macron sera à la hauteur et nous fera regretter Pépère ; maintenant, c’est en marche. Ou crève.