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Un train peut en cacher un autre

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Published : November 04th, 2010
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Category : Editorials

 

 

 

 

Les résultats des élections américaines font la « une » de l’actualité mondiale et vont partiellement occulter l’événement le plus important de la journée de par ses conséquences : la décision de la Fed de relancer ses acquisitions de bons du Trésor à long terme, de monétiser la dette et d’injecter des centaines de milliards de dollars dans le système financier.


La défaite des démocrates aux mid-terms, comme les nouvelles mesures de la Fed, vont avoir ceci en commun qu’elles ne surprendront personne. Dans les deux cas, les interrogations à leur propos ne portaient et ne portent encore pour quelques heures que sur leurs ampleurs respectives. Mais si l’on s’intéresse à leurs conséquences, c’est une autre paire de manches.


Démocrates et républicains vont poursuivre leurs jeux politiques, à la recherche d’une coopération à laquelle ils vont être désormais institutionnellement astreints. Une sorte de paix armée, en attendant la campagne des élections présidentielles qui ne va pas tarder à être engagée. Pour autant, vont-ils être ensemble ce qu’ils n’ont pas su être séparément, porteurs d’une stratégie de relance de l’économie américaine, l’unique objectif que leurs électeurs attendent d’eux ? A y regarder de près, les votants ont exprimé une véritable motion de défiance à leur égard.


Les républicains vont disposer de la majorité à la chambre des représentants et vont pouvoir engager une guerre d’usure contre l’administration Obama, dans l’espoir d’une reconquête de la présidence et du pouvoir dans deux ans. Mais pour en faire quoi ?


Le « moins d’impôts et d’interventions de l’Etat » que réclament les électeurs, mettant dans le même sac et non sans quelques raisons Washington et Wall Street, n’aura comme effet qu’une accentuation de la crise sociale traversée par la société américaine. À commencer par la poursuite et l’intensification des saisies de maisons et expulsions, ainsi que par le déséquilibre grandissant des finances locales, avec pour conséquence de nouvelles coupes budgétaires dans les programmes sociaux et de nouveaux licenciements. Le retour au rêve américain est une vue de l’esprit, une ultime tentative de ne pas se réveiller. Les Américains sont déboussolés, offrant aux manipulateurs de l’opinion animés des pires intentions un vaste champ de manœuvre.


En revanche, la Fed croit ou voudrait faire croire qu’elle a une solution. Contre toute vraisemblance aux yeux des économistes qui le font savoir, elle va à nouveau utiliser la seule arme dont elle dispose, dénommée aux États-Unis QE2 pour Quantitative Easing 2 : la planche à billet. Injecter dans le système financier des sommes massives dans le fol espoir qu’elles vont retomber dans l’économie réelle, favoriser la relance et, surtout, diminuer le chômage. En continuant par contre certainement à faire baisser les taux obligataires, à déprécier le dollar, et à rendre plus attractif le marché des actions, afin que les investisseurs s’y reportent et relancent l’initiative privée, alors que rien n’est moins sûr.


Le malheur veut en effet que des excédents financiers massifs et inutilisés sont déjà enregistrés dans les bilans des banques et des entreprises. Les premières disposeraient en réserve de presque un millier de milliards de dollars et les entreprises d’autant en trésorerie. En rajouter dans ces conditions a-t-il un sens et lequel ?


Les petites entreprises américaines (le small business), qui en auraient le plus besoin, n’en verront pas la couleur, le réseau des banques régionales dont elles sont les clientes affrontant ses propres difficultés et n’allant pas en profiter. Peut-on alors espérer que cela sera un ballon d’oxygène pour les États fédérés et les collectivités locales ?


Si le bénéfice de cette mesure est considéré comme des plus aléatoires, ses méfaits potentiels sont clairement établis. Il n’y a même que l’embarras du choix. Une bulle d’actifs va être créée, avec ses risques inhérents pour plus tard, quand elle éclatera. Le prix des commodities (les matières premières) va grimper sous l’effet du report sur ce secteur de la spéculation. La dépréciation du dollar va avoir pour effet l’appréciation des monnaies des pays émergents, perturbant leurs exportations, et l’accroissement des bulles financières déjà existantes.


Une autre conséquence, plus pernicieuse encore, est inévitable. La baisse des taux obligataires et le danger d’un effet ciseaux sur les taux réels (nets), en raison de leur faiblesse et d’une possible hausse de l’inflation, va inciter les investisseurs qui trouvaient sur ce marché rendement et sécurité à entrer dans des jeux financiers risqués. Source de secousses ultérieures et peut-être davantage.


Les banques, quant à elles, ne vont plus trouver avec les obligations souveraines l’instrument de consolidation de leurs bilans, devant le risque d’éclatement de ce qui est désormais considéré comme une bulle obligataire. Avec comme autre conséquence un brutal renversement de tendance possible sur ce marché et une hausse des taux, fragilisant tout l’édifice de la dette publique.


Devant une telle avalanche, comment comprendre la décision de la Fed ? Elle exprime l’impasse dans laquelle se trouvent les démocrates et les républicains. N’ayant pas les moyens ou ne voulant pas s’engager dans une politique de relance budgétaire, ils n’ont d’autre ressource que le va-tout à laquelle la Fed va se résoudre après de longues hésitations et en dépit de profondes divergences internes. Non sans donner la forte impression d’une sorte d’ « après moi, le déluge ! », vu les chances très réduites qu’une petite relance résulte de son initiative, qui constituerait le mieux qu’elle puisse espérer et dont il faudrait alors se contenter.


A force d’être utilisé – parfois même en forçant le trait, une nouvelle pirouette permettant de repousser les échéances – le terme d’impasse est banalisé. Dans le cours de cette crise, il en est venu à faire partie des meubles, auxquels on se heurte au fil des épisodes qui se succèdent sans relâche. L’impasse dans laquelle se trouve la première puissance économique, financière et militaire mondiale n’est pourtant pas une petite affaire. Non seulement en raison de l’approfondissement de la crise économique qui va en résulter, tant pour les pays développés qu’émergents. Mais aussi à cause de la tentation, risquant de s’accroître, de s’engager dans des aventures.




Billet invité : François Leclerc

 


Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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