La
Commission de Bruxelles s’apprête à dévoiler
mercredi un projet visant à prévenir et guérir les
crises bancaires destiné à entrer en service en 2014, certaines
procédures de sauvetage étant prévues pour 2018. Avec un
sens certain de l’à-propos mais certainement pas avec celui de
l’urgence.
Les
Espagnols appellent désormais à l’aide, reconnaissant
être coupés du marché, prêts à brader des
pans de leur système bancaire pour le sauver, réclamant une
aide directe pour celui-ci afin de ne pas passer sous les fourches caudines
de la Troïka. Au sortir de la réunion
téléphonique des ministres des finances du G7, une seule
information capitale a pu être recueillie : les Européens se
sont engagés à « répondre rapidement » à
la crise, a révélé Jun Azumi,
le ministre japonais des finances. Tous les autres participants se sont
efforcés de minorer l’importance de
l’évènement, qui n’a de fait débouché
sur rien de concret dans l’immédiat.
Le
reste est à l’avenant. Il sera toujours temps d’analyser
les propositions de la Commission dans leurs détails – pour
autant qu’elles en aient. Ce qui en a déjà transparu est
sans équivoque : le projet évite soigneusement d’aborder
les deux questions qui fâchent. Il laisse une grande latitude aux
régulateurs nationaux, pourtant suspects de toutes les
mansuétudes, et évite d’aborder clairement les aspects
financiers. Par ses flous, il fait déjà entrevoir que sous
couvert de décharger les États du coût des sauvetages
bancaires, il laisse entrouvertes toutes les portes qui permettront de les
mettre à contribution.
De
son côté, le gouvernement allemand vient de rendre public un
document de 8 pages synthétisant sa conception de la relance de la
croissance. Avec deux intentions, s’en servir comme base de discussion
avec le SPD et les Verts, afin d’obtenir le vote de leurs
parlementaires pour faire ratifier par le Bundestag le traité de
discipline budgétaire et la création du Mécanisme
européen de stabilité (MES), et faire valoir leur conception d’une
relance ne faisant pas appel à une mobilisation de nouvelles
ressources financières mais à la réalisation de réformes
structurelles. Rédigé par les services du ministre
libéral de l’économie, Philipp Rössler, le document s’appuie sur
l’idée forte que « La croissance pérenne ne
s’achète pas avec des programmes de dépense publique, ni
avec des interventions étatiques qui biaisent la concurrence, ni avec
une politique monétaire trop expansive ».
Si
Angela Merkel donne le signe d’une timide
ouverture très diplomatique, celle-ci se limite à accorder
à José Manuel Barroso, le président de la Commission, un
intérêt poli pour son projet d’« Union bancaire
», tout en remarquant qu’il s’agit d’un projet de
longue haleine. Steffen Siebert a de son
côté expliqué que l’introduction
d’euro-obligations n’est pas envisageable « avant de
nombreuses années (…) à la fin d’un processus
d’intégration politique en Europe ». Dans ce contexte de
fermeture, on apprenait que François Hollande allait rendre visite à
Mario Monti à Rome le 14 juin, devançant la rencontre
informelle à 4 organisé par celui-ci avant le sommet
européen des 28 et 29 juin.
Le
Portugal ayant annoncé qu’il allait injecter dans les banques du
pays 6,5 milliards d’euros, dont 5 provenant de son plan de
sauvetage, on apprenait également que les banques chypriotes
avaient d’urgence besoin d’au moins 1,8 milliard d’euros,
en raison de la récession qui frappe le pays et de leurs pertes sur la
dette grecque. Une solution de fortune est activement recherchée, car
c’est au tour de Chypre de prendre au 1er juillet la présidence
de l’Union européenne… Le système bancaire
apparaît plus vulnérable qu’il ne l’a jamais
été, toute présentation de celui-ci comme opposant des
banques des pays périphériques en difficulté à la
robustesse des autres est trompeuse. Elle néglige l’exposition
des banques allemandes et françaises à la dette espagnole
privée.
Les
élections grecques finiraient par passer inaperçues en raison
de la tension que la crise espagnole suscite. Déçus par la
discussion au niveau G7, les marchés attendent maintenant la
réunion de jeudi de la BCE, comme s’il pouvait en
résulter un miracle. Faut-il que la crise monte encore pour
qu’un rafistolage de dernière minute soit trouvé, car
qui, des gouvernements allemand et espagnol chacun trop engagé, pourrait
maintenant céder ? Combien de temps sera-t-il possible de faire durer
le plaisir en Espagne et en Grèce ?
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître.
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