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Une belle ballade dans la neige d’Iqaluit

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Paul Jorion.
Published : February 08th, 2010
1663 words - Reading time : 4 - 6 minutes
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Ce texte est un « article presslib’ » (*)



Un G7 Finance s’est réuni cette fin de semaine dans le grand Nord canadien, à Iqaluit, et il a fallu que ce soit encore un spectacle. Son côté informel abondamment mis en scène pour mieux lui donner de l’importance et l’opposer aux G20, qui bénéficient désormais seuls de l’apparat des grands messes, mais qui se sont trop vite succédés et dont la formule est déjà usée. L’absence de communiqué final masquant celle d’un consensus, à propos d’un ordre du jour si chargé que l’on se dit qu’il a été à peine feuilleté. Chacun étant venu avec sa vision politique nationale de ce qu’il convient de faire, afin de solutionner des problèmes qui sont eux financiers et internationaux. Reconnaissant que les approches se doivent d’être communes pour être efficaces, et en conséquence s’efforçant de mettre en avant que les choses progressent en ce sens, sans avoir cependant rien de tangible à annoncer pour que cela soit crédible. La route est encore longue à parcourir, même en traîneau à neige et sous la fourrure…

Dans la logique de cette situation, les réunions plénières ont été réduites au profit de rencontres bilatérales, chacun essayant de convaincre l’autre du bien fondé de son approche. Nous en sommes donc restés aux préliminaires. Ce G7 Finance, en prélude au prochain G20 de Toronto, aura au moins démontré une chose : les problèmes sont identifiés, les solutions ne le sont pas.

A propos de la dette publique, présentée par le FMI en entrée de la réunion comme le plus important problème de l’année (optimiste !), le G7 a botté en touche, personne n’ayant de solution opérationnelle et avouable. Affirmant par la voix de Jim Flaherty, le ministre des finances canadiens qui présidait la réunion, que les Européens devaient régler entre eux le problème de la Grèce. Ce qui revient à pointer du doigt les 300 milliards de dollars de dette des Grecs, ainsi que les 8.000 milliards celles des Européens, pour ignorer les 22 mille milliards de celle des Etats-Unis et du Japon (le Canada étant il est vrai le mieux loti). Jean-Claude Trichet, président de la BCE, et les représentants des pays Européens membres du G7 (Allemagne, Royaume-Uni, France et Italie), continuant d’offrir pour tout viatique à leurs collègues grecs l’expression de leur confiance dans le fait qu’ils arriveront tous seuls à venir bout de la crise en cours. Dans quel état ? cela n’a pas été précisé.

Pendant ce temps-là, la campagne menée à propos de la faiblesse de la zone euro continue de battre son plein. Publiquement alimentée par les euro-sceptiques de toujours, des anglo-saxons pour ne pas les nommer, aiguillonnée en sous-main par la spéculation financière des mégabanques et de leurs faux-nez les hedge funds. Donnant l’occasion aux commentateurs éclairés d’approfondir le mystère et d’effectuer un magistral contre-sens, en expliquant les causes par leurs effets. En s’appuyant sur la hausse des CDS, ces contrats assurances, pour expliquer l’évolution du marché obligataire et ses tensions, alors que celle-ci résulte très clairement de jeux spéculatifs. Car on s’assure contre la baisse des obligations (leur taux montant), en sachant que cela va être le cas, la hausse du coût des contrats d’assurance le précipitant alors que l’on en est à l’origine. Après cela, on parle de panique des marchés et l’on oublie les petits calculs de gros sous de ses principaux acteurs.

Le défaut de la Grèce, pas plus que celui du Portugal ou de l’Espagne, n’est pas en effet l’hypothèse la plus probable. Par contre, la montée de la spéculation, à laquelle il est laissé libre cours par les gouvernements européens et la BCE, est du pain béni pour ceux qui, ne pouvant plus jouer sur le marché des devises en raison de l’existence de l’euro, ont trouvé un terrain de chasse de remplacement avec les CDS et leurs sous-jacents : les dettes souveraines. Pour en savoir plus, on attend désormais la grande messe des chefs d’Etat de jeudi prochain, à Bruxelles, convoquée par le nouveau président de l’Union européenne dont c’est l’intronisation, Herman Van Rompuy. Le G7 Finance canadien semble avoir montré qu’il n’était pas favorable à une intervention du FMI, pour aider les Grecs.

Ce qui est le plus ressorti, à l’occasion de la conférence de presse finale du G7 où seul Jim Flaherty s’est exprimé, c’est que les efforts publics de relance de l’économie allaient continuer. Mais rien n’a été dit sur le comment, laissé à l’appréciation de chacun. Pas plus qu’il n’a été fait état des discussions qu’ont eu ensemble les représentants de la Fed, de la BCE et de la BoE (avec sans doute ceux de la Bank of Japan) sur le corollaire : le retrait progressif des mesures de soutien aux banques. Dès que les banques centrales discutent des questions importantes, le blackout s’impose.

Les différents ministres ont été plus prolixes avec la centaine de journalistes qui s’étaient déplacés (aucun blogger n’a été recensé parmi eux), à propos des mesures qui ont jailli de tous côtés à propos des banques : taxes en tout genre, restrictions d’activités, rédaction de testament (living will), etc… La cacophonie à ce sujet ne semblant pas encore prête de se calmer, chacun privilégiant son approche et ne voulant pas en démordre. Les Allemands invitant les participants du G7 à une conférence à Berlin à ce propos, cherchant à créer les conditions pour que soit ultérieurement adoptée sous leurs auspices une motion de synthèse. Tout au plus a-t-on noté, à Iqaluit cette fin de semaine, une tendance à lier deux problématiques qui étaient encore distinctes : celle d’une éventuelle taxation des banques et celle du renforcement de leurs fonds propres.

Ceci va dans le sens des mégabanques, qui font valoir qu’elles vont devoir régler l’addition de ces deux mesures et souhaitent que les curseurs soient réglés en conséquence, afin de la diminuer : si l’on force la dose d’un côté, qu’elle soit diminuée de l’autre. La préférence allant à l’affichage politique d’une taxe (sur laquelle l’on pourra toujours revenir plus tard), en contrepartie de laquelle l’effort demandé par le Comité de Bâle à propos du renforcement de leurs fonds propres serait réduit. Avec sur ce dernier chapitre et à la clé l’acceptation d’une solution qui continue de tenir la corde, la possibilité d’émettre des obligations contingentes convertibles, ce qui diminuerait d’autant la nécessité d’augmenter leurs fonds propres.

Le même argument est ressorti pour le justifier ce package-deal:  » si vous nous demandez trop d’efforts, cela se fera au détriment de notre participation à la relance de l’économie ! » argumentent les financiers. Cette menace s’appuyant sur une situation que l’on a jusqu’à maintenant peu évoqué, mais qui va progressivement l’être de plus en plus. Il s’agit de celle du marché de la titrisation, qui est complètement à plat, uniquement soutenu aux Etats-Unis par les pouvoirs publics – soit par la Fed, soit par Fannie et Freddie, dont l’avenir est incertain et sombre. Ces derniers jouant le rôle d’une bad bank inavouée, où le ménage devra bien être fait un jour ou l’autre par les pouvoirs publics. A noter que les dettes de ces deux organismes ne sont pas comptabilisés dans la dette publique américaine, ce qui est confortable pour le moment mais ne peut être définitif.

La question qui se pose quant à la titrisation est en effet cruciale : va-t-il ou non être possible de relancer ce marché, très durement touché par la crise majeure de confiance à son égard des investisseurs, qui ont perdu beaucoup de plumes sur celui-ci et ne s’en sont pas encore remis ? Une tentative est à l’étude, menée par la FDIC, qui repose sur une garantie que cet organisme donnerait, afin de favoriser le redémarrage de la titrisation. Encore une intervention publique ! Mais il est déjà soulevé, non sans inquiétude, que le soutien de l’Etat n’est pas éternel, quel que soit sa forme, et que la question de savoir si la titrisation pourra un jour voler à nouveau de ses propres ailes reste entière.

L’enjeu est la possibilité – ou non – de relancer la machine à faire des dettes, condition de celle de la consommation et donc de la croissance. Car, sinon, il faudra se résoudre à une baisse de ces deux dernières pour une longue période, et à une accélération du basculement économique mondial en faveur des pays émergents. On est loin, encore, d’avoir trouvé comment réparer ce mécanisme brisé, afin que ce cercle donné pour vertueux puisse être rebouclé. Bien plus que la lutte contre le déséquilibre mondial (global imbalance) – dont on comprend qu’elle est largement vaine, en tout cas à court et moyen terme – la relance de la titrisation est LE sujet qui compte. Le G7 Finance a commencé à l’aborder, attendons la suite. L’espoir qui est porté en elle reflète une dure vérité : les gouvernements et les financiers n’ont pas de plan B, ils n’ont comme autre perspective que de tenter de refaire fonctionner la machine comme avant. La refondation du capitalisme est oubliée, à peine a-t-elle été formulée.

Après la sortie dans la neige, un banquet communautaire de viande de phoque crue était prévu à Iqaluit. La liste de ceux qui en ont rejoint la table n’a pas été communiquée.


Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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