Hollande renonce donc. Peut-être certains trouveront un peu tôt pour
se lancer dans un bilan, et – qui sait – en six mois, il peut encore se passer
suffisamment de choses pour remettre en question la note finale qu’on
pourrait accorder à ce quinquennat. Nonobstant, en début d’icelui, je notais
les velléités du nouvel arrivé à l’Élysée de « réformer » les
retraites. Quatre ans plus tard, les retraites n’ont guère été réformées.
Reste-t-il vraiment une incertitude sur une fin désagréable à ce sujet ?
À vous de juger.
Si vous pensiez que le régime des retraites allait tenir encore quelques
années de plus, bernique. Malgré l’évident danger qu’il peut y avoir à
tripoter ce sujet explosif, le gouvernement s’apprête à le remettre sur la
table dans les prochains jours. Quand on sait qu’il a tout à y perdre, on
comprend qu’Ayrault et Moscovici sont ici acculés à cette éventualité, et
n’ont certainement pas choisi ni le moment, ni les modalités. À l’évidence et
même si personne ne veut le dire comme ça, la situation est catastrophique.
On croirait presque à de la surprise dans les petits papiers qui se
succèdent dans la presse, sur un mode mélangeant la gravité et l’euphémisme à
la grosse louche : malgré la fameuse
fumeuse réforme de Sarkozy en 2010, zut et flûte, les
régimes de retraite vont rester déficitaires. Pourtant, cela fait des années
que différents économistes, blogueurs ou analystes un peu sérieux de la vie
française se font l’écho d’une préoccupation grandissante sur ce sujet, et il
y a quelques mois déjà, des articles relayaient les difficultés grandissantes
et les cris d’alerte poussés par les caisses de retraite sentant leur fin
proche. Par exemple, en octobre, Contrepoints rappelait que cette répartition était vouée
à disparaître, l’AGIRC et l’ARRCO puisant actuellement dans leurs réserves
afin d’assurer le paiement des pensions. Et d’après leurs calculs, elles
seront épuisées en 2017 pour l’AGIRC et 2020 pour l’ARRCO (et ça, si la
situation reste stable, ce qui propulserait la France tout entière à
Disneyland).
Un excellent billet d’Acrithène expliquait début décembre
pourquoi les régimes de répartitions étaient systématiquement en
déséquilibre, et montrait de façon éclatante pourquoi la seule issue à ce
problème traîné comme une mauvaise gangrène par le pays depuis des décennies
résidait dans une solution amère : réduire les pensions et augmenter l’âge de
départ.
On comprend qu’électoralement, ce n’est pas vendeur du tout. Et on
comprend donc que l’actuel gouvernement se retrouve dans ses petits souliers
quand il s’agit de faire perdurer ce système vermoulu : eh oui, les réformes
Sarkozy, en 2010, étaient franchement insuffisantes, mais les actuels
dirigeants n’avaient pourtant pas trouvé de mots assez durs pour condamner
les affreuses mesures de la droâte socialoïde. Débinant les micro-retouches
de l’UMP dans les retraites, ils doivent maintenant s’attaquer au gros-œuvre,
sachant que politiquement parlant, les syndicats, les retraités, les
salariés, les fonctionnaires et les professions à régimes favorisés sont déjà
aux aguets.
Or, pour équilibrer le système de retraite, comme je le notais ci-dessus,
il n’y a pas trente six façons de procéder : soit il faudra travailler plus
longtemps, soit il faudra relever les cotisation, soit il faudra diminuer les
pensions versées. Et bien évidemment, un mix de tout cela est envisageable,
avec des proportions alchimiques dont on sait déjà qu’elles ne pourront, quoi
qu’il arrive, ménager ni la chèvre, ni le chou, ni le sourire de la crémière
qui va se prendre une bonne avoinée. Eh oui : toucher l’âge de départ ou
diminuer les pensions, c’est en parfaite contradiction avec les discours des
socialistes lorsqu’ils étaient dans l’opposition, et comme à l’accoutumée, en
totale opposition avec leurs promesses de campagnes (mais là, on a
l’habitude). Quant à relever les cotisations, on se délecte déjà des grimaces
que Moscovici va devoir nous faire pour essayer d’expliquer pourquoi on doit
enfoncer un poignard de plus dans la compétitivité du travail français.
Montebourg en frétille déjà.
Mais ceci ne suffira pas. Bien sûr, On peut tripoter un peu ces paramètres
histoire de faire tenir l’usine à gaz quelques années de plus : par exemple
et au hasard, on peut aligner tout le monde, fonctionnaires, élus divers et
variés et autres privilégiés du rail ou de l’électricité, sur un seul
système, celui du régime général, qu’on aura soin de rendre aussi simple et
lisible que possible structurellement. On peut aussi tenter, comme le suggère
Nicolas Doze dans la chronique qu’il a consacrée au sujet, de bricoler une
retraite à points permettant au salarié de partir lorsqu’il jugera avoir
acquis suffisamment de points, ces derniers étant convertis en monnaie au
moment du départ et en fonction des conditions macro-économiques du moment.
Mais même avec ces ajustements (nécessaires au moins pour des raisons
morales de justice et de réelle égalité entre les citoyens), le sort du
système de retraites par répartition à la Française est déjà scellé : il
s’effondrera (avec plus ou moins de fracas en fonction du nombre de personnes
assujetties), et ce parce qu’il est basé sur un mensonge :
celui qu’un système collectiviste de gestion des choix individuels peut
fonctionner, et ce, malgré le fait pourtant évident qu’il n’existe aucun
exemple dans l’Histoire d’un tel système fructueux.
Notez bien sûr qu’ici, on n’a même pas envisagé une ouverture à la
concurrence du système de retraite ou d’un retour partiel ou total à la
capitalisation (comme ce qui fut fait au Chili par l’abominable droitefachisse
et pourtant jamais remis en cause par la gentillegauchesolidaire,
comme vous pourrez le lire dans les deux articles ici et là de Contrepoints). Ce serait bien trop horrible : des
orphelins seraient jetés en pâture à Baal, des veuves seraient violées, les
armées de Satan débarqueraient et en moins de 24h, ce serait la fin du monde
(et ça nous amènerait pile poil vendredi 21, ce qui est très commode,
finalement).
À l’évidence, les discussions qui s’engagent timidement de la part de ce
gouvernement gêné aux entournures et se développeront en janvier sous les
impulsions mollassonne du Conseil d’Orientation des Retraites se traduiront
essentiellement par des calculs d’apothicaires, des négociations de marchands
de tapis sur des modifications de petits paramètres rigolos, ici, là et là.
Mais jamais, ô grand jamais, il ne sera question des pistes les plus
sérieuses de refonte (alignement des régimes, ouverture à la concurrence,
capitalisation).
S’il y a bien un mot dont nos socialistes ne sont pas avares, c’est celui
de réforme. Quand ce n’est pas du calendrier scolaire, du contenu des
enseignements, du code du travail ou de la Sécurité sociale, c’est de la
société de consommation, du mariage ou du code du logement qu’ils vont
s’occuper à grands coups joyeux de truelle législative. Ça n’arrête pas, et
quand ce n’est pas « réforme », c’est « changement » pour
faire plus actuel, plus « maintenant ». Devant cette accumulation
de réformes toutes régulièrement menées tambour battant, qui ont toutes,
ensuite, été elles-mêmes suivies par d’autres réformes, personne ne semble
s’arrêter pour noter que ça ne marche pas, que les gens qui les mènent n’en
ont finalement jamais réussi l’ombre d’une, et que chaque équipe revient sur
le travail de la précédente sans jamais améliorer significativement le
résultat (puisque toutes décident qu’une réforme est indispensable).
La réalité, c’est qu’il n’y a qu’empilements de petits bricolages. Réforme
? Des nèfles ! Utiliser des politiciens pour faire une réforme, c’est un peu
comme ajouter une flûte de pan dans n’importe quelle orchestration : on a
immédiatement l’impression d’écouter une mauvaise reprise dans un couloir de
métro, on sait dès les premières notes que ce sera mauvais et on ne souhaite
qu’une chose, s’en éloigner au plus vite.
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