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Le
terrible suspens dont nous ne nous lassons pas se
poursuit : le gouvernement espagnol va-t-il ou non faire sa demande aux
autorités européennes, afin de bénéficier
d’un plan de sauvetage et quand ? Les signaux
convergent, on approche du dénouement : Mariano Rajoy a choisi les colonnes du Wall Street Journal pour
annoncer qu’il fera celle-ci « à 100% », si les taux
obligataires consentis restent « trop longtemps à un niveau trop
élevé ». Il a également ajouté qu’il
voulait toutefois être certain « que tout le monde
l’approuverait », référence masquée à
la volonté des gouvernements allemand, finlandais et néerlandais
de la repousser.
Olli Rehn,
le commissaire européen, et Luis de Guindos,
le ministre des finances espagnol, sont à la manœuvre. Le premier
vient d’affirmer que les aides aux banques espagnoles, qui transitent
par le budget espagnol et en alourdissent le déficit, ne seraient pas
prises en compte dans le calcul de la diminution de celui-ci, car elles ne se
répéteront pas (elles rendraient impossible toute respect des
objectifs de désendettement, il est donc nécessaire de modifier
les données pour conserver le principe). Opportunément, la commission
ne rendra de toute façon son verdict sur le projet de budget espagnol
2013 que le 7 novembre, soit après les prochaines élections
régionales espagnoles du 21 octobre, ce qui permettra au gouvernement
de ne pas nécessairement tenir ses promesses électorales,
notamment l’indexation des retraites sur l’inflation.
Véritable
enjeu de cet épisode, le gouvernement italien pousse de son
côté à la roue, afin que les choses se fassent au plus
vite, soucieux de tester les effets sur le marché obligataire –
et plus particulièrement sur ses propres taux obligataires – du
programme de la BCE d’achat de titres sur le second marché
(OMT). L’exemple espagnol fait école, le gouvernement
poursuivant l’adoption de mesures au prétexte de
démontrer que l’Italie n’a pas besoin d’un plan
de sauvetage, s’engageant sur la piste tracée par Mariano Rajoy car convaincu que l’accalmie actuelle
n’est que provisoire. Mario Monti voudrait y ajouter un volet «
développement » en utilisant des fonds communautaires au
bénéfice du Mezzogiorno, le sud de l’Italie,
l’éternel problème sans solution du pays.
Et
la Grèce ? Le même jeu s’y poursuit, la Troïka
repoussant le flou de la solution proposée par Antonis
Samaris – après d’ardues
négociations au sein de la coalition gouvernementale – pour
trouver les deux derniers milliards d’euros d’économie
nécessaires selon elle…
Après
la douche froide du communiqué commun des ministres des finances
allemand, néerlandais et finlandais, un round d’observation est
en cours à propos de la mise en œuvre de l’union bancaire,
une fois admis que des déclarations d’intention encore
générales pourront au mieux être adoptées
d’ici la fin de l’année, afin de permettre à ceux
qui pressent le mouvement, dont les Français, de sauver la face. Les
plans de la construction sont loin d’être achevés et la
deuxième marche de l’intégration européenne
d’être gravie. Il est toujours possible de signer un
traité budgétaire en se disant qu’il sera de toute
façon revu (en jouant par exemple sur le distinguo du «
déficit structurel » prévu dans le texte du
traité), mais s’attaquer au cœur du problème,
l’état du système bancaire, c’est une autre affaire
!
A
cet égard, de premières fuites permettent d’anticiper ce
que vont être les préconisations du rapport européen sur
la séparation des activités des banques –
dépôts et spéculation – confié à Erkki Liikanen, l’ancien gouverneur de la banque
centrale finlandaise : selon elles, il sera possible de les rassembler sous
une structure de tête type holding, cette restructuration
n’étant nécessaire que dans certaines conditions, ce qui
laisse encore des marges de manoeuvre qui pourront
être élargies, tout n’est pas perdu !
Ce
qui renvoie à un autre rapport de Martin Weatley,
directeur du FSA – le régulateur britannique des
activités financières – à propos du mode
d’établissement du Libor, cet ensemble
d’indices censé refléter les taux auxquels les banques se
prêtent entre elles. Rassurons-nous tout de suite ! toute solution qui
aboutirait à rendre transparent ce marché a été
écartée, « car nulle d’entre elles n’a
démontré être supérieure » selon ce
qu’a déclaré au Financial Times l’honorable
régulateur. Le marché doit rester de gré à
gré, et il n’est pas question, par exemple, d’accepter les
propositions de NYSE Euronext – le premier groupe mondial de places
boursières – de prendre en charge son calcul.
L’essentiel
du projet repose sur une augmentation du nombre de banques associées
à son établissement, à la confidentialité accrue
des informations qu’elles fourniront (au prétexte de leur
éviter de montrer leur faiblesse en annonçant pour
elles-mêmes un taux élevé), et de l’agrément
des traders qui pour chacune y participeront. La British Bankers Association
(BBA), qui a beaucoup fauté, ne sera plus en charge du processus. Ceux
qui d’aventure se poseraient la question des suites à attendre
des enquêtes engagées à propos des tripatouillages du Libor auront eu leur réponse côté
britannique en écoutant Martin Weatley :
« Le Libor doit redevenir ce qu’il
était supposé être et non ce que des traders sans
scrupules et des membres du personnel bancaire voulaient qu’ils soient
». Les Américains relèveront-ils le gant ? En attendant,
on ne saurait mieux exonérer les banques elles-mêmes, toujours
la même sempiternelle histoire…
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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