Les
gouvernements veulent un cours de l’or peu élevé pour que
les monnaies nationales fassent bonne figure, parce que l’or est
reconnu depuis toujours et dans le monde entier comme « le canari
dans la mine de charbon » quand on en vient à parler de la
monnaie. Un cours de l’or en hausse fait apparaitre une vérité
déplaisante : la monnaie nationale est mal gérée et
son pouvoir d’achat est surestimé.
Cette
réalité a été mise en évidence par
l’ancien Président de la Réserve Fédérale,
Paul Volcker. A propos de l’essor du cours de l’or dans les
années qui ont immédiatement suivi la fin de
l’étalon-or en 1971, il note dans ses
mémoires : « Une intervention coordonnée
des ventes d’or afin de prévenir une hausse abrupte du cours de
l’or n’a cependant pas eu lieu. Ceci fut une erreur ».
Ce fut une « erreur » parce que la hausse du cours de
l’or ronge la trame sur laquelle toute monnaie à cours
forcé repose — la confiance. Mais ce ne fut une erreur
uniquement du point de vue du banquier central, qui bien sûr est
à l’opposé du point de vue de quiconque croit aux vertus
d’un marché libre.
Le
gouvernement américain a tenu compte de son expérience
passée et a mis en œuvre le conseil donné par Volcker dans
ses mémoires. Etant donné le rôle du dollar
américain comme monnaie de réserve, c’est le gouvernement
américain qui a le plus à perdre si le marché
préfère l’or au dollar à cours forcé et
érode le joug sur du privilège monopolistique que les
américains se sont octroyés en à Bretton Woods en 1944.
Et ainsi donc
le gouvernement américain intervient sur le marché de
l’or pour donner au dollar l’apparence d’être digne
de rester la monnaie de réserve mondiale, quand, bien sûr, il
n’est pas à la hauteur des exigences de ce rôle
privilégié. Le gouvernement américain fait cela en
essayant de maintenir le cours de l’or bas mais cela est une tache
impossible. A la fin, l’or gagne toujours—c'est-à-dire que
son cours grimpe inévitablement plus haut que celui de la monnaie
à cours forcé dévaluée. C’est bien entendu
une vérité comprise et reconnue par les technocrates du
gouvernement et autres « responsables » des politiques
monétaires.
Ainsi, ayant
conscience de la futilité du désir de limiter le cours de
l’or, ils arrangent un compromis en laissant le cours de l’or
augmenter un peu, disons de 15% par an. En fait, par rapport au dollar, le
cours de l’or est d’environ 16,3% plus élevé par an
en moyenne, sur ces dernières 8 années. En termes militaires,
on pourrait dire que le gouvernement américain est en train de
ménager une retraite pour sa monnaie à cours forcé dans
un effort de contrôle de l’avance par l’or.
En
conséquence, bien que le cours de l’or soit en hausse, il a
moins augmenté qu’il ne l’aurait fait dans un
marché libre parce que le pouvoir d’achat du dollar continue
d’être surestimé. Ces gains ont commencé à
partir de la valeur historique la plus basse de l’or en 1999. Il se
peut que l’or ne soit pas un aussi bon investissement qu’en 1999,
mais il n’en demeure pas moins encore aujourd’hui
extrêmement sous-évalué.
Par exemple,
jusqu’à la fin du 19ème siècle, environ
40 % de l’offre de monnaie était composée d’or et
les 60% restants étaient la monnaie nationale. Alors que les
gouvernements commençaient à usurper le privilège qui
leur était accordé de battre monnaie et diminuaient
intentionnellement le rôle de l’or, le rôle de la monnaie
à cours forcé s’étendait au milieu du 20ème
siècle à approximativement 90%. Les politiques inflationnistes
des années soixante, en particulier aux Etats-Unis,
cantonnèrent le rôle de l’or à moins de 2% au
moment de l’abandon de l’étalon-or en 1971.
L’importance
de l’or a rebondi dans les années 70, et provoqua les
lamentations de Volcker sur les soi-disant erreurs des faiseurs de politiques
économiques. Son pourcentage remonta aux alentours de 10% dans les
années 80. Mais la part de l’or dans l’offre de monnaie
mondiale déclina ensuite, n’atteignant plus qu’un pour
cent en 1999. Aujourd’hui, elle est toujours en dessous des 2%.
De cette
analyse, il est raisonnable de conclure que l’or devrait
représenter au moins 10% de l’offre mondiale de monnaie. Parce
qu’il est loin de représenter ce niveau, l’or est
sous-évalué.
L’adultération
continue du dollar poursuivie par les dirigeants politiques américains
en termes économiques a deux avantages :
- Ces politiques empêchent l’or d’atteindre son vrai
niveau, le prix qu’il atteindrait naturellement sur un marché
libre,
- Faire gagner du temps. Ce temps
gagné permet de maintenir la monnaie à cours forcé
à flot, de manière à ce qu’ils puissent en
bénéficier, repoussant l’inévitable effondrement
sur une administration future.
Alors comment le gouvernement
manipule-t-il le cours de l’or?
Les
gouvernements recrutent de très grandes banques, dont probablement
Goldman Sachs, JP Morgan Chase et Deutsche Bank, pour manipuler le cours de
l’or et des monnaies et soutenir les objectifs du gouvernement US. Ces
banques sont le cartel de l’or. Je ne pense pas qu’il y ait
d’autres membres dans le cartel, avec l’exception possible de la
Citibank en tant que membre junior.
Le cartel agit
avec l’appui implicite du gouvernement américain, qui absorbe
toutes les pertes qui peuvent être subies par les membres du cartel qui
manipulent le cours de l’or. Le gouvernement, de plus, fournit le
métal physique requis pour mettre en œuvre la stratégie de
négoce du cartel.
Comment un tel cartel est-il
né ?
Il y eu un
changement abrupt de politique économique vers 1990. Il a
été introduit par le Président de la Réserve
Fédérale d’alors, Alan Greenspan, pour sauver les banques
à cette époque. Les contribuables étaient
déjà le point d’ancrage pour les milliards de dollars
nécessaires au sauvetage de l’industrie des « caisses
d’épargnes » et donc ajouter à cela un fardeau
supplémentaire d’impôt était intenable. Greenspan
se présenta alors avec une alternative.
Greenspan
s’aperçut que le marché libre était une poule aux
œufs d’or avec des ressources potentiellement illimitées,
et se rendit compte de plus que ces œufs pouvaient être
ramassés par le gouvernement américain en utilisant son
énorme poids, c'est-à-dire ses ressources financières
pour des interventions ponctuelles sur le marché libre, combiné
à son pouvoir de propagande en utilisant les médias. En bref,
il était plus simple de venir à la rescousse de toutes ces
banques insolvables en tirant des profits gagnés peu honnêtement
sur le marché libre que d’augmenter les impôts.
Les banques
ont engendré ces profits grâce à l’augmentation de
la pente de la courbe des taux d’intérêts par la
Réserve Fédérale. Cette dernière a maintenu les
taux à long terme relativement élevés tout en baissant
les taux à court terme. Pour profiter de ce large écart, les
banques ont joué elles-mêmes sur l’effet de levier et se
sont endettées à court terme. Elles ont réinvesti leurs
profits en achetant du papier
à long terme. Cette non-congruence de leur actif et de leur passif est
devenue plus connue sous le terme de « carry trade ».
Le yen
japonais était la monnaie privilégiée à
emprunter. Lorsque la bourse de Tokyo s’effondra en 1990 et que la
Banque du Japon poursuivait une politique de taux
d’intérêts nuls pour raviver l’économie
japonaise, une banque américaine pouvait emprunter des Yens japonais
pour 0.2% et acheter des bons du Trésor américain rapportant
plus de 8%, empochant la différence, ce qui fit des miracles pour les
profits des banques et la reconstruction de leur base capitalistique.
L’or
devint également un moyen privilégié d’emprunter
en raison de ses taux d’intérêts faibles. Cet or venait
des coffres des banques centrales mais les banques centrales refusaient de
révéler combien d’or elles mettaient en leasing, laissant
le marché de l’or opacifié et mûr pour une
intervention des banquiers centraux qui prendraient leurs décisions
à huit clos. La moitié de la quantité
prêtée par les banques centrales a été
estimée de manière assez certaine par diverses analyses
publiées par le GATA entre 12 000 et 15 000 tonnes soit environ la
moitié des stocks détenus au total par les banques centrales et
quatre à six fois la production annuelle des mines d’or (environ
2 500 tonnes). Les banques sautèrent à pieds joints dans le
négoce de l’or, ce que l’on appela le « gold
carry trade ».
Le carry trade
était une véritable manne pour les banques offerte par la
Réserve Fédérale. Tout allait bien tant que le yen et
l’or n’augmentait pas par rapport au dollar parce que cette
non-correspondance entre des actifs en dollar et des dettes libellées
en yen ou en or n’était pas couverte. Hélas, les deux, le
yen et l’or commencèrent à se renforcer, ce qui bien
sûr, si on leur permettait de s’apprécier suffisamment,
génèrerait des pertes colossales sur ces positions de carry
trade détenues par les banques. C’était un
problème majeur parce que les pertes des banques auraient
été considérables étant donné l’ampleur
de ce commerce.
Ainsi le
cartel de l’or a été créé pour manipuler le
cours de l’or. Et tout d’abord tout alla bien, notamment
grâce à l’aide reçue par la Banque
d’Angleterre en 1999 qui vendit la moitié de ses
réserves. L’or fut conduit à son niveau historique le
plus bas et comme noté plus haut, ce cours si bas généra son propre problème. L’or
devint si incroyablement bon marché que les chasseurs de bonnes
occasions autour du globe reconnurent cette opportunité exceptionnelle
et la demande pour l’or physique commença son ascension.
Tandis que la
demande augmentait, le cartel de l’or était confronté
à un autre problème plus intraitable et imprévisible.
L’or
emprunté par les banques centrales avait été refondu et
battu comme pièces de monnaie, petits lingots et joaillerie
monétaire qui étaient achetés par d’innombrables
individus partout dans le monde. Cet or était maintenant dans des
« mains fortes » et ces détenteurs d’or ne
s’en déferaient que pour un prix beaucoup plus
élevé. Alors où trouver l’or pour rembourser les
banques centrales ?
Alors que le
yen est une monnaie à cours forcé créée ex
nihilo par la Banque du Japon,
l’or est un actif tangible. Comment les banques pourraient-elles
rembourser l’or qu’elles avaient emprunté sans faire
exploser le cours de l’or, faisant ainsi empirer les pertes sur leurs
positions restantes ?
L’or
emprunté des banques centrales ne serait pas remboursé,
après tout, parce qu’obtenir de l’or physique pour
rembourser les emprunts d’or aurait conduit à faire exploser le cours de
l’or. Ainsi commençant avec cette décade, le cartel de
l’or conduirait la retraite ordonnée du gouvernement, permettant
au cours de l’or de se mouvoir un peu vers le haut dans l’espoir
que la plupart des gens ne s’en apercevraient pas. Etant donné
sa fonction de « canari dans la mine » de l’or,
un cours de l’or à la hausse crée une demande pour
l’or et un cours de l’or qui croit rapidement ne ferait
qu’aggraver les pertes de marché à marché du
cartel de l’or.
Pour
résumer, l’objectif du cartel de l’or est de limiter la
hausse du cours de l’or à environ 15% par an. Pour ce faire les
banques, avec le soutien plus ou moins implicite des gouvernements,
interviennent et manipulent le marché de l’or de manière
à générer des profits illicites destinés à
compenser les pertes croissantes sur leurs emprunts sur l’or.
Regardez
simplement les pertes subies par certains grands gestionnaires de fonds sur
leurs investissements en or pendant cette dernière décennie.
Ils ont perdu des centaines, voire des milliards de dollars (de leurs clients),
dollars qui ont été gagnés par les bullions banks pour
compenser les pertes de leur carry trade sur l’or : tout cela pour
permettre de maintenir le cours de l’or plus bas qu’il ne le
serait naturellement.
Je ne vois que
deux issues possibles. Ou bien le cartel de l’or va échouer ou
bien le gouvernement américain aura détruit ce qui restait de
marché libre en Amérique. J’espère que la
première hypothèse sera la gagnante mais le cours des
événements venant de Washington et les actions des
« responsables » économiques me laissent
à penser que la seconde alternative est la plus plausible.
|