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Une taxation des banques pour solde de tout compte

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Paul Jorion.
Published : April 01st, 2010
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Ce texte est un « article presslib’ » (*)


Faut-il y voir une illustration de la crise de la dette publique qui monte et du besoin qu’ont les Etats de réunir des fonds, ou bien l’expression de la nécessité dans laquelle les gouvernements occidentaux sont de répondre au moins symboliquement aux attentes de leur opinion publique ? Le dossier de la taxation des banques est quoiqu’il en soit en passe de revenir en force dans l’actualité.

Le coup d’envoi de la saison va être donné mercredi par le gouvernement allemand, qui va dévoiler son propre projet en conseil des ministres, en présence très médiatisée de Christine Lagarde.

On se rappelle que le FMI avait reçu mandat du G20 de fournir un rapport à ce sujet en avril. Nous y sommes presque, et le FMI vient de prévenir qu’il va ramasser les copies, afin de s’atteler à la rédaction de la motion de synthèse. Car tous ou presque s’y sont mis : les Américains, les Britanniques, les Allemands, même les Suisses… Les Français étant à la traîne.

Chacun vient avec son projet, généralement encore très flou, augurant d’une belle cacophonie que le FMI va avoir pour tâche de réduire. Alors que l’enterrement d’une taxe sur les transactions financières, dans la lignée de la taxe Tobin, est désormais acquis, au profit d’une taxe sur les établissements financiers. Ce qui est loin de simplifier le problème, tout au contraire, comme on va le voir !

Dans son rôle, après avoir mis les dernières pelletées de terre sur la taxe sur les transactions financières, Dominique Strauss-Kahn vient tout juste de plaider pour une « solution globale », tout en reconnaissant que les propositions recensées sont « sinon totalement, du moins partiellement incompatibles entre elles ».

Il y a donc foule de questions et autant de réponses, quand on essaye de mettre à plat le dossier. Elles portent d’abord sur l’identification de ceux qui vont y être assujettis. Les Américains envisagent de ne taxer que leurs 50 plus grandes banques, les Allemands voulant exclure au moins partiellement les caisses d’épargne et les mutuelles, les autres ne disant rien à ce propos.

La question se complique quand on évoque le montant de la taxe. Les Américains voulaient, avant que la moulinette du Congrès n’intervienne, qu’elle soit modulée suivant les prises de risque des établissements et qu’elle permette à l’Etat de récupérer jusqu’à 117 milliards de dollars, montant maximal des pertes sur le plan de sauvetage du système financier selon le Trésor. Les Allemands prévoient pour leur part qu’elle rapporte un milliard d’euros par an, afin de réunir de 1 à 2% du PIB, soit de 25 à 50 milliards d’euros, et envisagent aussi de la moduler, cette fois-ci en fonction du rôle et du poids de chaque banque dans l’économie.

La tentation de l’inscrire dans une logique assurantielle est forte chez certains, repoussée par les Britanniques et les Français qui y voient un renforcement de l’aléa moral. Ces deux derniers ont l’intention de verser le produit de la taxe au budget général de l’Etat. Avec quelle affectation ? Les Français évoquent sans plus de précision la lutte contre le changement climatique ou le financement du développement. Les conservateurs britanniques annoncent que s’ils sont élus la taxe permettra de « rembourser les contribuables de l’aide qu’ils ont apportée et de les protéger à l’avenir ». Les Allemands prévoient la création d’un fonds spécial qui servira à financer des coûts de restructuration en cas de nouvelle crise.

La montagne, suivant l’expression consacrée, risque d’accoucher d’une souris. Car si l’on voulait éviter tout renforcement de l’aléa moral, comme chacun va l’annoncer avec force, il suffirait d’affecter le produit de la taxe à la réparation des dégâts qui ont été causés, comme une contribution à la réduction du déficit public crée par le sauvetage des banques privées.

Au lieu de cela, il est prévisible que le produit de la taxe va prétendre s’inscrire dans un dispositif préventif, au caractère plus symbolique qu’autre chose. Les dispositifs les plus sophistiqués ne vont pas manquer d’apparaître, afin de combattre l’aléa moral, dont l’application risque de poser plus de problèmes qu’ils n’en résoudront.

Celui qui est en bonne place pour remporter le prix du plus loufoque a déjà été formulé et consisterait à tenir rigoureusement secrète la liste des établissements financiers qui pourraient bénéficier des fonds recueillis, afin qu’aucun ne soit incité à fauter ! On voit par avance Goldman Sachs, JP Morgan, HSBC, Deutsche Bank et BNP Paribas s’interroger gravement pour savoir s’ils figurent ou non sur la liste avant de se lancer dans une opération financière plus risquée que d’habitude… Bref, on cherche en vain le caractère dissuasif de la taxe envisagée et l’on ne peut y trouver qu’un renforcement de l’aléa moral, même modeste, qu’elle va prétendre combattre.

On compare ensuite les sommes qui pourraient être réunies avec celles qui ont été déjà consacrées, non seulement au renflouement proprement dit des établissements financiers en détresse, mais aussi avec les montants des crédits qu’il a été nécessaire d’allouer à la réparation des dommages collatéraux que leurs errements ont causés dans l’économie. On additionne ainsi les coûts directs et indirects. Et l’on se pose la question : les gouvernements occidentaux vont-ils essayer de faire croire que les quelques dizaines de milliards d’euros ou de dollars qui auront été amassés plus ou moins rapidement seront à la hauteur de la tâche ? Et, question subsidiaire, qu’ils seront réunis à temps ?

Un consensus risque en effet vite de s’établir entre eux autour de l’idée qu’il ne faut pas entraver par un prélèvement trop important la capacité des banques ; on devine que la taxe risque d’être assez symbolique au regard des chiffres d’affaires et bénéfices des mégabanques.

L’impression qui prévaut est que le projet de taxation des banques est avant tout une opération de communication de même nature que l’a été celle des paradis fiscaux, qui va occuper les dirigeants mondiaux le temps de la photo. Et nous, par médias interposés, nettement plus de temps.




Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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