Il a rapidement été entendu qu’en l’échange de votre argent, l’État s’occuperait de votre sécurité par une armée solide et entraînée. Puis on a convenu aussi vite que la justice, la diplomatie, la monnaie, l’éducation, la culture et la santé pourraient bénéficier de ses bons offices. Les impôts ont augmenté en conséquence, et l’État s’est retrouvé propulsé premier intermédiaire dans toutes ces interactions sociales. Comme il est enfin apparu que faire des activités physiques, c’était aussi une bonne façon de conserver la santé, pouf, il fut décidé que l’État s’occuperait aussi du sport.
Mais bon, force est de constater que faire en sorte que l’État s’occupe du sport, c’est un peu comme mettre Marc Dutroux à la tête d’une école maternelle : les effets de bords seront nombreux.
Ainsi, demander à l’État de s’occuper du sport à l’école, c’est s’exposer à une gangrène intellectuelle de l’activité physique, par exemple via l’explosion de termes alambiqués et ridicules qui imposeront aux jeunes sportifs de « devoir traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête dans un milieu aquatique profond standardisé » (nager dans une piscine), de « rechercher le gain d’un duel médié par une balle ou un volant » (jouer au tennis), ou de « vaincre un adversaire en lui imposant une domination corporelle symbolique et codifiée » (i.e. faire de la lutte).
Ainsi, demander à l’État de s’occuper du sport dans la société, c’est s’assurer que le contribuable ne prendra plus jamais plaisir à exercer une activité physique. D’ailleurs, il n’a plus le choix : même en ne faisant rien, il participe un peu à tout et devient au moins sur le plan fiscal un athlète de haut niveau inscrit à toutes les fédérations, tous les sports, toutes les passions avec et sans élasthanne moulante aux couleurs fluo. En effet, toutes les occasions sont bonnes pour qu’enfin, l’argent de tous puisse irriguer les lubies de certains. Magie du sponsoring public, l’État est devenu partie prenante ou plutôt « donnante » de matchs sportifs, de compétitions locales, régionales, nationales ou internationales, au travers de collectivités territoriales toujours plus endettées.
Youpi ! Enfin le contribuable peut participer, si ce n’est en présence ni en adhérant, mais au moins financièrement et volens nolens, aux concours boulistes, aux tournois de pelote, aux compétitions footballistiques qui arborent fièrement l’étendard de la ville, du département ou de la région où il paie ses impôts. Plus joyeux encore, le contribuable frétillera d’aise en apprenant que les fédérations qu’il soutient le plus de ses deniers (en proportion de leur budget) ne sont pas forcément les plus démocratiques ou les plus pratiquées puisqu’on retrouve en tête de liste le pentathlon moderne, la lutte, l’aviron, le ski nautique ou l’escrime. Mais baste, qu’à cela ne tienne puisqu’en application étrange d’un principe olympique, l’important pour les collectivités n’est pas de gagner (en équilibre comptable), mais de participer (financièrement) !
Logiquement, les associations, voyant débouler cette manne quasi-inépuisable dans leurs caisses, ont enflé leurs demandes, grossi leurs dépenses et se sont habituées à flirter dangereusement avec des pratiques comptables douteuses. On ne compte plus les malversations, magouilles et autres coups de force dans certaines associations ou fédérations pour s’assurer un accès privilégié au robinet à subsides, depuis les boulistes méridionaux jusqu’aux fédérations de danse.
On retrouve bien sûr les mêmes mécanismes plus loin, plus haut et plus fort, au niveau des institutions internationales : quelques décennies ont suffi pour transformer les États en aspirateurs à finances indirectes pour le compte de la Fédération internationale de football association (FIFA) et du Comité International Olympique (CIO), soit lorsqu’il engagent les deniers publics pour aménager les infrastructures des manifestations que ces associations organisent, soit lorsqu’il s’agit de verrouiller à tout prix la tenue de ces manifestations avec des arguments sonnants et trébuchants.
Là encore, on ne doit pas écarter l’aspect bénéfique de cette implication du contribuable aux niveaux les plus élevés du sport mondial puisque cela lui permet d’être réellement concerné par le curling (après tout, cette belle piste lisse et glacée, c’est lui qui l’a payée), le lancer de marteau (après tout, ce joli gazon verdoyant qu’on va trouer à coup de boulets, c’est lui qui l’a payé), ou ces myriades de disciplines qui, si elles n’avaient pas les solides béquilles de la subvention publique, auraient disparu depuis longtemps.
Devant ces constats, on ne peut arriver qu’à une seule conclusion : l’État, systématiquement placé entre les sportifs, les spectateurs, les adhérents et les organisateurs, est devenu l’intermédiaire incontournable de tous les sports, et mécaniquement, le seul sport planétaire qui peut se targuer de rassembler autant de monde, de toutes origines, de tous les sexes et de tous les âges ou à peu près, c’est ce sport magique de La Chasse à l’Argent Public. Il s’agit d’une discipline olympique vieille comme le monde mais devenue récemment professionnelle, et qui consiste à trouver son bonheur et sa richesse dans la poche des autres en prétextant pratiquer l’une ou l’autre activité sportive qui, moyennant un peu de lobbying, pourra prétendre intéresser quelques électeurs, et donc quelques politiciens, et donc tous les contribuables.
On peut croire à une boutade, mais il n’en est rien. Cette discipline n’est pas à négliger : en l’espèce, elle est la seule qui assure à la France une médaille d’or, tant nos équipes de Chasse à l’Argent Public sont extraordinairement encadrées, coachées, surentraînées et superbement motivées. Et en cette période de crise, de doutes et d’interrogations devant un avenir incertain, quel meilleur message envoyer à nos compatriotes que celui d’une fiscalité vigoureuse, d’un lobbying pétulant et d’une dépense publique tonique ?
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Ce billet a servi de chronique pour Les Enquêtes du Contribuable.
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