Regroupant
la quasi totalité
des entreprises françaises du CAC 40, les membres de
l’Association française des entreprises privées (Afep) ne manquent pas d’aplomb. Dans un appel
à François Hollande paru dans le Journal du Dimanche, ils
proposent leur version optimisée du « pacte pour la croissance
et l’emploi ». Elle consiste à préconiser que
l’Etat réalise dans les 5 prochaines années 60 milliards
d’euros d’économies. Ils demandent une baisse des
cotisations sociales de 30 milliards d’euros en deux ans en faveur des
entreprises, visant les salaires moyens et financée par un
relèvement à 21% de la TVA ainsi qu’une baisse des
dépenses publiques. Auquel s’ajouterait une baisse de
l’impôt sur les sociétés, au prétexte
d’une remise à niveau européenne. Il est
parallèlement proposé de débloquer le dossier du gaz de
schiste, afin de judicieusement réduire notre production de CO2
et notre exposition au nucléaire, et d’en faire autant de la
facture énergétique des entreprises (ce qui n’est pas
mentionné).
Cet
appel suggère deux remarques : la première est que les temps
sont décidément à ce que les représentants des
grands intérêts capitalistes relèvent la tête et le
menton en profitant paradoxalement d’une crise dans laquelle ils ont
quelques responsabilités. La seconde que François Hollande
pourra toujours dire qu’il a évité le pire.
Connue
pour son utilisation systématique de la tactique
éprouvée qui consiste à exiger le maximum dans un
premier temps afin de faire venir sur son terrain, Angela Merkel
fait décidément école. Mario Draghi,
le président de la BCE, vient de l’utiliser en acceptant le
rôle de l’épouvantail : « j’en suis certain :
si nous voulons restaurer la confiance dans la zone euro, les pays devront
transférer une partie de leur souveraineté nationale. Les
gouvernements ont déjà pris des mesures qui auraient
semblé impensables il y a un an. C’est un progrès mais
c’est insuffisant ». Il a employé pour le justifier un
argument massue : « Plusieurs gouvernements n’ont pas encore
compris qu’ils ont perdu leur souveraineté nationale il y a
longtemps. Parce qu’ils sont lourdement endettés, ils sont
maintenant dépendants du bon vouloir des marché financiers
».
José
Manuel Barroso, le président de la Commission, a pour sa part
utilisé une méthode toute aussi reconnue qui consiste à
se parer des meilleurs intentions du monde – au choix : diminuer le
chômage, les émissions de CO2 ou bien dans son
cas… la pauvreté – pour en l’occurrence justifier
par un programme limité une grosse augmentation budgétaire qui
se prépare à faire de sérieuses vagues. La Commission
vient de proposer la création d’un fonds d’aide de 2,5
milliards d’euros pour les millions d’européens pauvres :
aide alimentaire, vêtements et biens de première
nécessité.
Il
n’en reste pas moins que le bilan officiel dévoilé
à cette occasion est édifiant, que l’on en juge ! 40
millions de personnes souffrent de « privation matérielle
aiguë » au sein de l’Union européenne, en
d’autre termes de ne pouvoir disposer d’une alimentation de
« qualité appropriée ». 116 millions de personnes
sont menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale ; 25,4
millions d’enfants sont menacés de pauvreté ou
d’exclusion sociale ; 4,1 millions de personnes étaient
sans-abri en 2009-2010. Pour mémoire, la population de l’UE
était de 503 millions d’habitants au 1er janvier 2012. Tous ces
chiffres sont en augmentation depuis le démarrage de la crise et
l’application de la stratégie de désendettement en
vigueur.
Quels
sacrés communicants, tout de même !
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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