[Ce discours a été prononcé lors du SIX 2010,
Evénement du marché obligataire suisse].
On attribue à Henry Ford la phrase suivante :
« C’est une bonne chose que les citoyens de notre nation ne
comprennent pas notre système bancaire, parce que si tel était
le cas, je pense que nous aurions une révolution avant le lever du
jour».
L’esprit de ses paroles nous encourage à pousser sur
l’avant-scène des interrogations concernant le système
bancaire et monétaire, et cela en particulier en raison de la crise
internationale du marché du crédit. La baisse des taux
d’intérêts à un niveau proche de zéro et la
croissance de la base monétaire
réalisées par les banques centrales afin de soutenir le
secteur financier sont-elles de bonnes choses ? La dépression
sera-t-elle évitée si les gouvernements prennent en charge les
bilans des banques et créent des déficits énormes dans
une tentative de soutenir la production et l’emploi ?
Pour répondre à ces questions, un diagnostic des causes
de la débâcle est indispensable et, une fois les causes
identifiées, un remède approprié doit être
formulé.
Le diagnostic établi par l’école autrichienne
d’économie tient en essence en une phrase unique: les
gouvernements sont la cause de la débâcle économique et
monétaire parce qu’ils ont pris le contrôle de la
production de monnaie.
La
monnaie et le crédit
Pour expliquer cette conclusion qui tient en une seule phrase –
ce qui évidemment risque de surprendre ou d’irriter de
nombreuses personnes- il faut noter que la caractéristique principale
définissant notre système monétaire actuel, c’est
le monopole détenu par les banques centrales, elles-mêmes
contrôlées par les états, sur l’offre de monnaie.
Le dollar américain, l’euro, le yen, la livre britannique et le
franc suisse partagent tous cette caractéristique essentielle
d’être une monnaie produite par un gouvernement.
Qui plus est, ces monnaies sont produites par l’expansion du
crédit de circulation, crédit qui n’est pas garanti par
de l’épargne réelle. On peut même affirmer que les
monnaies réelles sont produites à partir de rien du tout.
C’est pourquoi ces monnaies sont souvent appelées fiat
money : elles sont instituées par un décret du
gouvernement et ne sont pas légalement convertibles en autre chose.
Elles sont créées par opportunisme politique.
Les régimes de monnaies à cours forcé
créent inévitablement des déséquilibres
économiques parce que l’augmentation du crédit de
circulation abaisse les taux d’intérêt du marché en
dessous de leurs niveaux naturels, c'est-à-dire du niveau qui aurait
prévalu dans le cas où l’offre de crédit
n’aurait pas été augmentée artificiellement.
Le taux d’intérêt manipulé à la
baisse induit une quantité d’investissement
supplémentaire et provoque dans le même temps une augmentation
de la consommation au niveau de revenus actuels, donc aux dépens de
l’épargne. La demande monétaire excède les
capacités de ressources de l’économie. Une offre de
monnaie en augmentation pousse tôt ou tard les prix vers le haut que ce
soient les prix des biens à la consommation ou les prix des biens
d’investissements.
Qui plus est, les taux d’intérêts abaissés
voire supprimés artificiellement, déplacent les ressources
rares vers des processus de productions plus longs des biens
d’investissements aux dépens des processus de production des
biens de consommation et causent des distorsions inter-temporelles de la
structure de production de l’économie.
“Dans un système de production de monnaie
privée, le gouvernement et sa banque centrale seraient fermés
et perdraient le contrôle sur la production de monnaie. »
Un boom causé par le crédit de circulation est
économiquement non-viable, donc non durable et il doit
forcément être suivi d’une récession. Si
l’injection de crédit additionnel et de monnaie à cours
forcé (produite à partir de vent) était un fait
isolé, il ne faudrait probablement pas longtemps pour que le boom
artificiel n’implose. Une récession restaurait
l’équilibre économique.
Malheureusement cependant, dans nos systèmes monétaires
actuels, l’augmentation du crédit et de la monnaie à
cours forcé n’est pas un fait isolé et unique dans le
temps. Dès qu’une récession approche, l’opinion
publique exige des mesures pour la combattre et les banquiers centraux
augmentent l’offre de monnaie et de crédit encore plus. Ils
portent ainsi les taux d’intérêts à des niveaux
encore plus bas. En d’autres termes, la politique monétaire
contrecarre la correction de la débâcle en recourant aux actions
du type même de celles qui ont causé la
débâcle dans un premier temps.
Une telle stratégie peut fonctionner occasionnellement. Mais
dès que l’expansion du crédit se ralentit, c’est
à dire que les banques commerciales cessent de se prêter
l’une à l’autre- l’ajustement prend place
inévitablement. Les emprunteurs sont en cessation de paiements et les
firmes liquident les investissements non rentables et créent du
chômage.
Plus un boom artificiel est maintenu en vie longtemps, plus le niveau
d’investissements non rentables qui doivent subir ensuite une
correction va être élevé et plus les pertes
d’emplois et de chiffre d’affaires vont être
élevées.
Mises avait reconnu que le fait de pousser les taux
d’intérêts vers le bas, à des niveaux encore moins
élevés, ne résoudrait pas le problème mais
conduirait au contraire à un désastre encore plus grand. Il a
écrit :
« Il n’existe pas de moyen pour
éviter l’effondrement final d’un boom produit par
l’expansion du crédit. La seule alternative possible est la
suivante : soit la crise arrive plus vite parce qu’elle est le
résultat d’un abandon volontaire de l’expansion du
crédit, soit elle est retardée mais se termine par une
catastrophe finale et complète du système monétaire
sous-jacent. »[1]
Intervention et réforme
Si l’on se rallie au diagnostic établi
par l’école autrichienne d’économie, deux
observations importantes doivent être faites. En premier lieu, la
circulation du crédit et de la monnaie à cours forcé
à un taux d’intérêt plus bas ne va pas, ne peut
pas, éviter un désastre créé par trop de monnaie
et de crédit. En second lieu – et cet aspect peut ne pas attirer
l’attention des gens au premier coup d’œil- les tentatives
constantes des gouvernements pour contrecarrer les corrections
économiques vont détruire le peu d’organisation du
marché libre restante.
Dans son livre intitulé Interventionnisme,
Mises explique que les interventions sur le marché ne peuvent pas
créer un système permanent d’organisation
économique. Il écrit :
« Si les gouvernements ne les abandonnent
pas et ne permettent pas le retour à une économie de
marché libre, s’ils persistent obstinément dans leurs
tentatives de compenser au moyen d’interventions supplémentaires
les défauts de leurs interventions précédentes, ils vont
finir par s’apercevoir qu’ils ont adopté le
socialisme » [2]
L’interventionnisme dans le cadre des affaires
monétaires – et en particulier dans le cas du contrôle de
la production monétaire par les gouvernements- ont causé des
dégâts à grande échelle.
Il existe un bon nombre d’économistes
qui ont identifié les graves problèmes économiques et
éthiques causés par la monnaie à cours forcé.
Parmi eux, les plus importants sont Ludwig von Mises, F.A. Hayek et Murray Rothbard. Ils recommandent une privatisation de la
production de monnaie, qui permettrait de préparer la voie à
une monnaie saine, une monnaie compatible avec les principes d’une
société de marché libre, une monnaie qui ne cause pas de
cycles conjoncturels de boom-and-bust (cycle de
boom-et-récession).
Dans un système privé de production de
monnaie, les gens décideraient librement quelle sorte de monnaie
utiliser. Une telle monnaie serait probablement garantie par de l’or
mais elle pourrait également être ancrée dans un autre média
(par exemple l’argent ou le platine). Le gouvernement et sa banque
centrale fermeraient et perdraient le contrôle sur la production de
monnaie. Et à partir de là, le taux
d’intérêt serait déterminé uniquement par
les forces du marché en présence au lieu d’être le
fruit de l’action du gouvernement.
Conclusion
Le fiasco monétaire global actuel est un bon
moyen de se rappeler qu’il est grand temps de mettre en place une
réforme monétaire dans le cadre de référence
défini par l’école d’économie autrichienne.
C’est la seule manière de protéger et de maintenir la
liberté des personnes et le bien-être économique.
Murray Rothbard a écrit que
“Mises, pratiquement à lui seul, nous a offert le paradigme
correct d’une théorie économique, d’une science
sociale et, pour ce qui est de l’économie, il est grand temps
que ce paradigme soit adopté dans tous ces aspects” [3]. Et ceci
est particulièrement vrai pour la théorie monétaire de
Mises.
Ainsi, si l’on souhaite avoir une vue positive du progrès
de la civilisation, il est nécessaire qu’un système
monétaire futur soit un système monétaire de
marché libre tel qu’imaginé par l’école
autrichienne d’économie – et que l’ère de la
monnaie à cours forcé prenne fin.
Notes
[1]
Ludwig von Mises, Human Action (Auburn:
Ludwig von Mises Institute, 1998), p. 570.
[2] Ludwig von Mises, Interventionism
(New York: Foundation for Economic Education, 1998), p. 91.
[3]
Murray Rothbard, "Ludwig von Mises and the Paradigm for Our Age," Mises
Daily, August 18, 2009.
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