Vingt ans après "Maastricht"…

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Published : December 14th, 2011
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Il y a vingt ans, le 10 décembre 1991, le Conseil des Chefs d'Etat ou de gouvernement de la Communauté économique européenne se réunissait à Maastricht, comme il le fait en fin de chaque semestre depuis 1974.  On sait la suite... (et on pouvait la prévoir cf. par exemple ce billet d'octobre 1992).

A l'occasion de sa réunion du 9 décembre 2011, le même Conseil, désormais ... de l'Union européenne, s'est tenu à Bruxelles.

Les conclusions à quoi il est parvenu sont aujourd'hui, et contrairement à il y a vingt ans, aisément consultables (cf.http://consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/126719.pdf )

Le document officiel des conclusions fait apparaître que les dirigeants européens sont convenus d'une Union budgétaire plus étroite pour, selon eux, sauver la monnaie unique.
En d'autres termes, ils ont aussi laissé aux banquiers centraux le soin - ou le fardeau... - de répondre aux préoccupations des investisseurs aux termes desquelles l'Italie et l'Espagne pourraient succomber à la crise de dette souveraine, déjà vieille de deux ans.

1. Le point.

Que dit précisément le document officiel sur ce point ?

"1. Constatant la détérioration de la situation économique et financière, le Conseil européen a discuté des efforts qui sont actuellement déployés pour sortir l'Europe de la crise.
La nouvelle gouvernance économique de l'Union européenne, exposée au point 3, doit être pleinement mise en oeuvre afin d'établir la confiance dans la solidité de l'économie européenne.
Les réformes structurelles et les efforts d'assainissement budgétaire doivent se poursuivre pour jeter les bases d'un retour à une croissance durable et contribuer ainsi à renforcer la confiance à court terme.


Des mesures sont également nécessaires pour permettre de rétablir des conditions normales d'octroi de crédits à l'économie, tout en évitant à la fois une prise de risque trop importante et une réduction excessive du levier d'endettement, ainsi qu'il a été décidé d'un commun accord le 26 octobre 2011.

2. Rappelant les domaines prioritaires essentiels pour la croissance qu'il a recensés en octobre 2011, en particulier l'acte pour le marché unique, le marché unique numérique et la réduction de la charge réglementaire globale pour les P.M.E. et les microentreprises, le Conseil européen a souligné qu'il était nécessaire d'adopter promptement les mesures les plus susceptibles de stimuler la croissance et l'emploi.


Il est donc favorable au principe d'un programme à mettre en oeuvre d'urgence et invite le Conseil et le Parlement européen à accorder une priorité particulière à l'examen rapide des propositions dont la Commission a estimé, y compris dans son examen annuel de la croissance, qu'elles offraient des possibilités de croissance importantes.


Il fait siennes les actions proposées par la Commission dans son rapport intitulé "Alléger les charges imposées aux PME par la réglementation".

3. L'examen annuel de la croissance 2012 constitue un excellent point de départ pour le lancement du prochain semestre européen, au cours duquel il sera procédé pour la première fois à la mise en oeuvre de la gouvernance économique renforcée, décidée récemment, y compris de la nouvelle procédure de suivi et de correction des déséquilibres macroéconomiques.


Le Conseil européen de printemps fera le point des progrès accomplis et adoptera les orientations requises.


Il est urgent de mettre l'accent sur la mise en oeuvre, notamment compte tenu de la disparité des progrès enregistrés cette année sur la voie de la réalisation des objectifs fixés dans la stratégie Europe 2020, ainsi que dans la mise en oeuvre des recommandations par pays.

4. Les chefs d'État ou de gouvernement des États membres participant au pacte pour l'euro plus ont passé en revue les progrès accomplis dans la mise en oeuvre des engagements au niveau national.


Ils ont estimé d'un commun accord qu'il faudra procéder, en mars 2012, à une évaluation plus poussée des efforts déployés au niveau national pour atteindre les objectifs du pacte.
Ils sont également convenus de prendre des engagements plus précis et mesurables dans chacun des domaines couverts par le pacte et de rendre compte des progrès accomplis dans leurs programmes nationaux de réforme.


La nouvelle gouvernance économique doit être complétée par un meilleur suivi des politiques de l'emploi et des politiques sociales, en particulier de celles qui peuvent avoir une incidence sur la stabilité macroéconomique et la croissance économique, conformément aux conclusions du Conseil du 1er décembre.

5. À la lumière du rapport du président du Conseil "EPSCO" [conseil des ministres de l'emploi et des affaires sociales] et de l'examen annuel de la croissance, les chefs d'État ou de gouvernement ont eu un premier échange de vues sur les meilleures pratiques en ce qui concerne leurs politiques de l'emploi et sont convenus qu'il était particulièrement nécessaire de mobiliser pleinement le travail au service de la croissance.


S'il faut poursuivre les réformes structurelles avec détermination, il est également urgent de prendre, aux niveaux tant national qu'européen, des mesures ciblées en faveur des catégories les plus vulnérables, en particulier les jeunes chômeurs.


Le renforcement des mesures d'activation devrait être complété par des efforts visant à accroître les compétences, notamment par un ajustement des systèmes d'éducation et de formation aux besoins du marché du travail.


Promouvoir l'emploi et les débouchés professionnels pour ceux qui entrent sur le marché du travail et envisager de nouvelles politiques de flexicurité équilibrées pourrait contribuer de manière significative à l'amélioration des perspectives offertes aux jeunes sur le marché du travail.

6. Les chefs d'État ou de gouvernement ont accueilli favorablement les rapports présentés par les ministres des finances des États membres participants et par la Commission concernant les progrès réalisés dans les discussions structurées sur les questions relatives à la coordination des politiques fiscales.


Ces travaux seront poursuivis conformément au pacte pour l'euro plus, en mettant l'accent sur les domaines où des actions plus ambitieuses peuvent être envisagées.


Il convient d'accorder une attention particulière à la manière dont la politique fiscale peut appuyer la coordination des politiques économiques et contribuer à l'assainissement des finances publiques et à la croissance.


Les ministres des finances et la Commission rendront compte des progrès accomplis en juin 2012."

Au début de la semaine politique qui allait se terminer par cette réunion et ce document, Madame Merkel, chancelier de l'Allemagne, et Monsieur Sarkozy, président de la République française, étaient convenus de ses bases pour sauver l'euro, la cinquième rencontre du genre en dix neuf mois - un seizième sommet de la dernière chance depuis les débuts de la crise, en 2009, selon un journaliste du quotidien Le Monde - en se mettant d'accord sur un contrôle central plus grand des budgets de chaque pays.


Cela va impliquer la modification des traités de l'Union européenne - sous réserve d'approbation dans les formes constitutionnelles de chacun des vingt sept pays, et pas seulement de leurs dirigeants qui se réunissent à Bruxelles. Dans certains pays, cela pourra même exiger un référendum, ce qui est le pire cauchemar d'un homme de l'Etat.

Dès à présent, dans un affrontement qui pourrait remodeler l'équilibre des forces en Europe, les "utilisateurs d'euros" ont appris la nouvelle approche qui consiste à inscrire des règles de dette dans un nouveau traité qui laisse de côté le Royaume-Uni, au lieu de modifier les accords de l'Union européenne qui remontent à la décennie 1950.


Neuf des dix pays non membres de l'euro - le Danemark, la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Suède, la République tchèque, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie - ont indiqué qu'ils pourraient emboîter le pas, après consultation, avec leurs parlements.

L'élément déclencheur a été le refus de David Cameron, Premier ministre britannique, de soutenir un pacte entre 27 pays sans garanties à toute épreuve d'un droit de veto britannique sur la réglementation financière future. Cameron l’a appelée une menace pour la position de Londres comme centre financier de premier plan de l'Europe.

"Ces plans d'union budgétaire font partie du processus destiné à éviter la prochaine crise budgétaire de la zone euro, mais ils ne font rien pour traiter l'actuelle", a expliqué à Bloomberg, Carl Weinberg, économiste en chef chez High Frequency Economics de Valhalla, New York. "C'est un accord prénuptial". 


Seulement, il pourra ne pas avoir l'autorité d'un tel contrat.

2. La "bande annonce".

"Mais n'avons-nous pas déjà vu le film, au moins la bande annonce?"
se demande Caroline Baum, chroniqueuse de Bloomberg.

Et celle-ci de répondre :
"Elle s'appelait le 'pacte de stabilité et de croissance'".

Le pacte de stabilité et de croissance (P.S.C.) modèle 1997 était conçu pour maintenir la discipline budgétaire, avec des règles adoptées à partir des critères énoncés dans le Traité de Maastricht de 1992 comme préalable à l'adhésion à l'Union monétaire européenne (cf. ce billet de février 2010 par exemple).


Ne pas se conformer aux mesures prescrites, comme dépasser le taux maximum du déficit au P.I.B. fixé à 3% ou le taux maximum fixé à 60% de la dette au P.I.B., était censé déboucher sur des sanctions.

"Devinez combien de pays membres ont dépassé les limites?


Devinez combien ont été sanctionnés? "


A ces deux questions, la chroniqueuse de Bloomberg répond:
"Si vous avez répondu «beaucoup» et «aucun», vous avez « bon »".

Il y avait beaucoup de circonstances atténuantes pour lesquelles les pays en déficit excessif pouvaient échapper aux sanctions: des choses comme des «circonstances inhabituelles» non précisées - sur quoi Caroline Baum fait de l'humour en écrivant "guerre, actes de Dieu, mort dans la famille?" - ou une récession prolongée.


Le P.S.C. établissait même un protocole pour la procédure de déficit excessif.

En pratique, les trous dans le P.S.C. ont été assez grands pour que des pays comme la Grèce s'y glissent.


Quand l'Allemagne et la France vinrent à être pris de court en 2003, le Conseil de l'Union européenne a suspendu le P.S.C., pour le réintroduire seulement en 2005 avec un cadre plus «flexible» .

Désormais, afin de former une union plus parfaite, les vingt sept pays de l'U.E. (Merkel se contentera des dix sept qui utilisent l'euro) devront soumettre leurs budgets à des bureaucrates de Bruxelles non élus.

Le nouvel accord fiscal va au-delà d'un durcissement des règles déjà prévue pour prendre effet la semaine prochaine.


Il réduit les déficits structurels à 0,5 pour cent du produit intérieur brut et exige de chaque pays qu'il établisse un "mécanisme de correction automatique" quand les budgets s'écartent de la cible. Cette «règle d'or» sera ancrée dans les constitutions nationales.

3. Qui fera quoi, exactement, avec les pays dont les déficits et les dettes dépasseront les limites prescrites?

Dans une lettre ouverte à Herman Van Rompuy, président en exercice du Conseil européen, Merkel et Sarkozy se sont mis d'accord sur un "cadre de prévention», incluant des règles d'équilibre budgétaire et les "conséquences automatiques" pour les contrevenants, à moins, bien sûr, que des «circonstances exceptionnelles» s'appliquent.

Mme Merkel s'est apparemment convaincu des mérites qu'il y avait à protéger les investisseurs privés car elle a concédé que les détenteurs d'obligations ne devraient pas être forcés de supporter une perte en cas de restructurations d'une dette souveraine, comme ils l'ont été avec la Grèce.

Pris au pied de la lettre, cet engagement signifie qu'il y aura pas de défauts de paiements souverains, toutes les obligations seront payées à leur valeur nominale à l'échéance.
"Aussi allons-y et achetons des obligations à haut rendement de l'Italie, du Portugal et de l'Espagne, car ils sont vraiment des Bunds allemands en déguisement! "

C'est d'ailleurs apparemment ce qui s'est arrivé.


Dirigées par l'Italie, dont le nouveau Cabinet a approuvé un paquet de mesures d'austérité, les obligations européennes ont recouvré leur forme la semaine dernière, sans doute conduites par une couverture à court terme au cas où le sommet tirerait un lapin d'un chapeau.


Les obligations de l'Italie ont reperdu une partie des gains lorsque la Banque centrale européenne n'a pas réussi à s'engager à acheter des obligations gouvernemental en quantités suffisantes pour limiter les rendements.

4. La Banque centrale européenne.

Comme prévu, la B.C.E. - dont les comptes ne sont pas sans poser problème (cf. ce billet) - a abaissé de 25 points de base son taux directeur - taux à court terme - à 1% le jeudi 8 décembre 2011, la veille du "sommet".


Mais quid des taux à long terme auxquels la banque achète les dettes souveraines?

Après la réunion, à une conférence d'informations (cf. son discours introductif), Mario Draghi, le nouveau président de la B.C.E., a annoncé des mesures additionnelles temporaires, incluant des prêts à trois ans, sans limite, aux banques et des exigences de garanties plus faciles, pour aider à satisfaire les besoins de liquidité du système bancaire.


A quel taux ?

Il a été moins question des mesures pour traiter les questions de solvabilité qui frappent les banques européennes.


Merkel et Sarkozy sont convenus de mettre en oeuvre un fonds de secours permanent dès l'année prochaine, mais les marchés financiers vont vouloir quelque chose de concret, pas un autre palliatif qui redonne confiance pour une semaine ou un mois.

5. Proche horizon.

Il faut savoir que les Etats de la zone euro doivent rembourser plus de  :

                      € 1100 milliards

de dettes à long et à court termes en 2012, et :

               environ
519 milliards

de dettes italienne, française et allemande à échéance du seul premier semestre, selon les données compilées par Bloomberg.

Les banques européennes, pour leur part, ont environ :

                    $ 665 milliards

de dette arrivant à échéance dans les six premiers mois de 2012 (selon Citigroup Inc. et les données de Dealogic).

A ce sujet, Holger Schmieding, chef économiste Europe à la Berenberg Bank à Londres, a informé Bloomberg que l' "avalanche" des besoins de refinancement dans les deux prochains mois signifie que la crise pourrait s'aggraver et que "la B.C.E. serait alors en définitive contrainte d'intensifier son action anti-crise pour sauver l'euro et elle-même."

Au moment même du 20ème anniversaire du sommet de Maastricht qui a ouvert la voie de l'euro et dix neuf mois après que les dirigeants européens ont forgé leur premier plan pour contenir la tourmente de la dette souveraine (cf. ce billet par exemple), les mêmes affichent ajouter
200 milliards à des règles plus strictes pour limiter les dettes futures.

Le pacte budgétaire du sommet met l'Europe sur la voie d'un «euro durablement stable", a déclaré à des journalistes Madame Merkel qui a conduit le mouvement en faveur de règles budgétaires plus strictes. "La percée vers une union de stabilité a été atteinte ».

En mettant quelques
200 milliards supplémentaires sur le tapis, ils retirent, pour la première fois, une contribution des banques centrales nationales de la région euro, en les amenant à prêter :

                    € 150 milliards

aux ressources générales du Fonds monétaire international.

Les États non-euro de l'U.E. participeront à hauteur de près de :

                   €
50 milliards.

Les dirigeants européens doivent confirmer dans les dix jours comment ils vont canaliser les fonds vers le F.M.I. qui serait alors mieux en mesure d'aider les États européens en difficulté.

Ils ont fixé la date de Mars 2012 pour se mettre d'accord sur la langue du nouveau livre de règles et pour réévaluer les plans pour plafonner le prêt global de la facilité de sauvetage permanente à

                   
500 milliards.

Ils ont dilué la demande que les détenteurs d'obligations assument des pertes dans les sauvetages.

Les dirigeants européens visent à mettre en place le fonds de sauvetage permanent, connu comme le "Mécanisme européen de stabilité", dès juillet 2012, soit avec un an d'avance sur ce qui avait été admis à des réunions antérieures.


L'Allemagne a dévié un mouvement pour accorder au "mécanisme" une licence bancaire, ce qui lui permettrait  de multiplier sa puissance de feu en empruntant auprès de la B.C.E.

Selon certains, l'Allemagne a reculé pour le fonds permanent.  Celui-ci suivra les pratiques du F.M.I. qui imposent des pertes potentielles aux détenteurs d'obligations d'Etats couverts de dettes.
Mme Merkel a en effet défendu "l'implication du secteur privé" comme un moyen d'alléger le fardeau du sauvetage qui pèse sur les contribuables, tout en reprenant les avertissements de la B.C.E. et des investisseurs qu'un tel stratagème empêche la contagion.

"Pour le dire plus crûment: notre première approche de l'implication du secteur privé, approche qui a eu un effet très négatif sur les marchés de dette, est maintenant terminée", a déclaré Herman Van Rompuy, président de l'U.E.

Dont acte.

Le 8 décembre 1991, veille de la réunion de Maastricht, l'U.R.S.S. disparaissait, après six années de perestroïka et soixante quatorze années de traitement des femmes et des hommes par "le parti communiste" comme un cheptel mal entretenu : elle avait vu le jour en 1917 (cf. ce billet).  Qui l'eût cru le 7 décembre 1991?

A bon entendeur, salut.


Addendum audio du 12 décembre 2011.

Faiblesses des accords européens.
http://www.box.com/shared/static/fmaqovtpasy722yyvg43.mp3


Georges Lane

Principes de science économique

  

Georges Lane enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.


Publié avec l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits réservés par l’auteur

 

 

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