Vingt-trois génies

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Published : June 04th, 2015
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S’il existait un prix Pulitzer de l’imbécilité, je ne doute aucunement qu’il aurait été décerné au rapport publié lundi par le New York Times, intitulé The Unrealized Horrors of Population Explosion. L’ancien « journal des records » voudrait nous faire croire que le ciel est la seule limite à l’expansion de l’activité humaine sur notre planète. Qu’aucun obstacle ne se présente devant nous. L’article, et la vidéo qui l’accompagne, ont été préparés par une équipe de vingt-trois journalistes. Le Times mériterait un autre prix pour avoir déniché tant d’idiots à qui affecter une seule tâche.

En plus de faire pleuvoir les critiques sur le dos du biologiste de l’université de Stanford, Paul Ehrlich, auteur de The Population Bomb (1968), ce « rapport de crise » on-ne-peut-plus imbécile passe à côté de tous les fiascos imaginables. C’est certainement là ce qui se passe quand on ne perçoit le monde qu’au-travers de l’écran de son téléphone.

Le point principal développé par l’article est le problème de l’alimentation d’une population en constante augmentation, point qui a soi-disant déjà été réglé par le scientifique Norman Borlaug dans « Révolution verte », qui a donné au monde ses plantations de céréales hybrides à haut rendement. Faux. « Révolution verte » avait beaucoup plus à voir avec la conversion d’énergie fossile en  nourriture. Et qu’arrivera-t-il à la population du monde quand même cela ne sera plus possible ? Nos vingt-trois journalistes ont-ils pu se rendre compte que le monde ferait alors face à des défis additionnels comme l’épuisement des réserves d’eau et la dégradation des sols agraires ? Ou les modifications génétiques sont-elles désormais nécessaires au maintien de la production de céréales ?

Ils ne s’en sont pas aperçus, parce que le Times se tient fermement dans le camp du techno-narcissisme, et croit dur comme fer que les conséquences non-anticipées de la technologie et les surinvestissements sur le secteur pourront être contrebalancés par davantage de technologie – une idée dont la cousine voudrait que l’on puisse régler la dette globale en générant toujours plus de dette. Si vous cherchez à comprendre pourquoi les débats concernant nos problèmes les plus pressants sont complètement stériles, n’allez pas chercher plus loin que cet article, qui vous ouvrira grand les yeux.

Les changements climatiques ne sont mentionnés qu’une seule fois en passant, comme s’il ne s’agissait que d’une autre célébrité aperçue dans un nouveau restaurant du Meatpacking district. Ne sont pas non plus mentionnés le pic du pétrole (duquel le Times s’est régulièrement moqué en qualifiant il y a un certain temps déjà les Etats-Unis d’ « Amérique Saoudite »), la dégradation des océans et des réserves de créatures qui y vivent, la déforestation, l’instabilité politique dans des régions qui ne peuvent supporter une explosion démographique, et les migrations désespérées de peuples qui cherchent à fuir ces zones désolées.

Comme je l’ai expliqué plus haut, le Times n’a aucune idée de la relation qui existe entre les finances et les ressources. Les problèmes bancaires qui font surface tout autour du monde sont l’expression directe des limites de la croissance, plus spécifiquement des limites de la création de dette. Nous ne pouvons plus continuer d’emprunter à l’avenir pour financer nos conforts présents, parce que nous n’avons plus la certitude que ces dettes pourront un jour être remboursées. Nous espérons certes pouvoir continuer ainsi, et les banquiers centraux qui sont aux commandes du système aimeraient tout autant prétendre que nous le pouvons en rendant négligeable le coût de l’emprunt monétaire et de la fraude comptable. Mais cela n’a servi qu’à endommager les opérations de marché et pervertir la signification des taux d’intérêts – et aura la conséquence finale de détruire le sens des conséquences au sein des classes dirigeantes du monde.

L’écaillage du système financier sera le signe de l’échec du régime économique actuel. Le système financier actuel est le plus fragile de tous les systèmes dont nous dépendons (bien que les autres ne soient pas très solides non plus). C’est la raison pour laquelle le prix du pétrole est si peu élevé, malgré le fait que son coût de production n’ait jamais été plus important. Les consommateurs de pétrole sombrent dans la banqueroute plus rapidement encore que ceux qui en produisent. Doutez-vous encore que le niveau de vie diminue aux Etats-Unis, malgré la pléthore d’applications smartphone à laquelle nous avons accès ?

Le fait est que l’aubaine énergétique de ces deux derniers siècles a donné naissance à une matrice de systèmes complexes, ainsi qu’à une hypertrophie de la population humaine. Ces systèmes complexes – les banques, l’agrobusiness, l’industrialisation, le commerce international, l’éducation, la médecine, le développement automobile, l’aviation commerciale et les banlieues – ont tous atteint leur expansion maximale, et ces limites se traduisent par un désordre global et une banqueroute universelle. Les auteurs du rapport du New York Times pensent-ils que la situation de la distribution pétrolière est stable ?

Il y a eu deux attentats-suicide en Arabie Saoudite au cours de ces deux dernières semaines. Quelqu’un s’est-il rendu compte de la signification de ces évènements ? Ou que l’incident du 29 mai a pris pour cible une mosquée shiite, et que la population shiite du pays se concentre dans la province orientale du royaume, où se concentre également la production pétrolière ? (Ou que l’Etat voisin du Yémen est 40% shiite ?) Nos vingt-trois génies du New York Times ont-ils tenté de déterminer quelles seraient les conséquences sur l’économie si l’Arabie Saoudite quittait le marché ne serait-ce que pour quelques semaines ?

Paul Ehrlich avait raison, exception faite qu’il ait commis une erreur de timing et n’ait pas correctement anticipé les conséquences d’une croissance illimitée. Mais n’est-ce pas dans la nature des évènements non-anticipés de ne pas pouvoir être anticipés ?

 

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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé, une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde fonctionnera de manière décentralisée et local.
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