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Vite à l’étape suivante !

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Paul Jorion.
Published : June 17th, 2010
1140 words - Reading time : 2 - 4 minutes
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Category : Editorials





Ce texte est un « article presslib’ » (*)



Au menu d’aujourd’hui jeudi : énième sommet européen des chefs d’Etat et de gouvernement ! On sait déjà qu’ils aborderont de nouveau la même lancinante question sans intérêt, puisque leurs débats semblent se résumer à cela : quel axe de communication vont-ils privilégier ?

Comment vont-ils tenter d’illustrer leur contrôle d’une situation qu’ils ne maîtrisent pas afin de présenter un front uni de façade ? Jusqu’où vont-ils aller dans l’affirmation aveugle de la seule désastreuse politique d’austérité qu’ils parviennent à énoncer et à laquelle ils se raccrochent ? Avec quelle emphase vont-ils se réfugier derrière une pseudo-gouvernance économique masquant une absence de stratégie ? Quelle va bien pouvoir être, à ce sujet, la crédibilité de la stratégie 2020 pour la croissance économique et la création d’emploi, qui va en catimini succéder à la précédente, la fameuse stratégie de Lisbonne restée lettre morte ? En vertu de quel déni vont-ils continuer d’affirmer que l’Espagne n’est le sujet d’aucune inquiétude de leur part, et jusqu’à quand vont-ils pouvoir tenir cette fiction ? La discipline, ce nouveau mot magique, va faire son entrée en fanfare, mais elle ne se prépare pas pour autant à être respectée.

Deux petits rappels : 23 pays sur 27 sont désormais sous le coup d’une procédure pour déficit excessif initiée par Bruxelles, et la liste va encore s’allonger. Ne serait-il pas temps de s’interroger sur la règle plutôt que de tenter de faire rentrer des ronds dans des carrés ? Le marché obligataire continue de se tendre là où cela fait mal, en Espagne et au Portugal. Avec pour conséquence de placer la BCE devant la décision politiquement scabreuse de poursuivre et d’accroître ses achats de dette souveraine, ne suscitant comme réponse officielle et publique qu’une nouvelle demande à ces pays de prendre des mesures d’austérité accrues.

Devant un tel afflux de questions, d’incertitudes et d’absurdités, ne vaudrait-il pas mieux se résoudre à rédiger par avance le compte-rendu de ce sommet, à la manière des communiqués finaux bouclés avant que ne débutent les réunions ?

Le sujet des stress-tests des banques devrait finalement émerger, sous l’impulsion des Espagnols qui jouent leur va-tout en réclament une opération vérité sur leurs banques, car la poursuite des rumeurs serait encore plus destructrice que la publication des résultats de ces tests (qui peuvent être enjolivés). Tardivement, les Allemands se sont au bout du compte ralliés à cette idée, craignant d’abord la révélation de l’état réel de leur système bancaire et le contre coup de la réaction des marchés, si des mesures concrètes et impopulaires d’aide n’étaient pas ensuite mises en vigueur. La parole est désormais à ceux qui ne se sont pas prononcés !

Par ce biais, la dette privée se rappelle aux mauvais souvenirs, alors que l’austérité et la lutte contre le déficit public restent la ligne officielle que l’on martèle pour escamoter la première.

Deuxième pilier de ce semblant de politique, après l’austérité érigée en valeur cardinale, les gouvernements européens ne savent plus quoi inventer pour conjurer le mauvais sort, en d’autres termes calmer les marchés. Comme si ceux-ci étaient irrationnels, une appréciation trompeuse qui ne fait qu’illustrer le refus complice d’affronter leur rationalité dévastatrice ! Jean-Claude Junker, chef de file de l’Eurogroup, vient de clairement exprimer le puéril agacement des dirigeants européens, en s’exclamant à propos de la dégradation de la note de la Grèce, que « les marchés s’apercevraient dans quelque temps qu’ils ont eu tort », faisant une entorse au catéchisme libéral. Dans l’erreur, car ils battent en brèche les malhabiles tentatives de colmatage.

Une remarque dans la même veine que le projet d’agence de notation européenne, illusoire tentative des gouvernements de mettre les marchés de leur côté ou de les berner. Michel Barnier se dépêche avec lenteur sur ce dossier, placé devant un dilemme : comment cette agence pourra-t-elle être crédible aux yeux des marchés et remplir la mission qui lui est confiée, en raison même de celle-ci ?

De Bruxelles, on entend également des échos de la préparation de mesures européennes de régulation financière, prenant tardivement la suite des décisions américaines sur ce chapitre et n’offrant comme perspective peu encourageante que de devoir remonter le courant. Le risque est fort – même avec des propositions limitées – de heurter de plein fouet les intérêts des Britanniques, qui s’y opposeront résolument. Un rapport et des propositions sont annoncés pour l’automne par Michel Barnier, le commissaire en charge.

En attendant, le dossier de la taxe bancaire continue d’être agité, dans la perspective d’un G20 la semaine prochaine, où il a toutes les chances d’être enterré. Avec pour conséquence de laisser les Européens devant le choix de faire cavaliers seuls – et d’instaurer selon les banques un désavantage compétitif avec leurs consoeurs et concurrentes américaines – ou bien d’en faire autant à leur tour. Seuls les Britanniques ont choisi de poursuivre l’application de la loi adoptée sous le précédent gouvernement. Tout va être question de mesure dans cette affaire, c’est à dire d’assiette et de taux, une fois le principe proclamé haut et fort pour la galerie.

Ce n’est décidément plus à ce niveau des chefs d’Etat et de gouvernement que sont prises les vrais décisions. Une deuxième ligne pour l’instant plus solide est déjà à l’oeuvre, constituée par les banques centrales qui jouent aujourd’hui un rôle prépondérant tant qu’elles ne seront pas à leur tour dépassées. Contrairement à la doctrine et à l’espoir que manifestent encore ses tenants de les faire retrouver leurs leviers monétaires aujourd’hui inopérants, leurs nouvelles responsabilités ne sont pas provisoires mais tendent à s’installer, faisant fonctionner vaille que vaille et en crabe un système financier toujours incapable de retrouver seul son assise.

Depuis les deux grands pôles financiers que sont Washington et Londres, les banques centrales voient actuellement leurs prérogatives très renforcées, accroissant l’ambiguïté de leurs relations avec un système dont elle font partie tout en acquérant la mission de le réguler. Dissimulant sous le voile de leur indépendance la réalité de leurs arbitrages. Loin des projecteurs et caméras qu’affectionnent ceux qui, de temps en temps, ont encore des comptes à rendre.





Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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