Les crises
financières de 2007 et 2010 : l’éclatement de
bulles, source de déflation?
Partie
I
L’éclatement
de la crise des subprimes suivie par la crise de la
dette souveraine européenne justifie cette fois une déflation
d’origine monétaire et la prévenir compromet
d’autant les chances de renouer avec une croissance saine. En effet, la
crise des subprimes est un cas d’école
de bulle spéculative nourrie par des taux d’intérêt
maintenus artificiellement faibles par la banque centrale américaine
pendant une période
exceptionnellement longue.
L’éclatement
de la bulle s’est produit au moment où la FED a
décidé de relever ses taux d’intérêt,
rendant caduque la viabilité économique des prêts subprimes puisque le ralentissement du marché
immobilier ne permettait plus aux ménages emprunteurs de refinancer
leurs prêts immobiliers, seul moyen pour réduire leur charge
d’endettement et maximiser leur capacité de remboursement.
Malheureusement la nouveauté et donc l’absence de
compréhension et de recul sur le marché de la titrisation ont
permis aux différents parties prenantes de continuer à accorder
des prêts subprimes alors même que leur
rentabilité économique devenait négative. En effet,
dès lors que les taux d’intérêt augmentaient, il
n’était plus possible pour les emprunteurs subprimes
de refinancer leur prêt à moindre taux.
La
période qui a précédé la crise de 2007
était une période folle, d’optimisme aveugle. Les
opérateurs financiers enivrés par tant de liquidités
distribuées à faible coût par la FED depuis le krach de la bulle
internet pensaient que la hausse du marché immobilier et des
marchés financières n’avait plus de limite grâce
à l’innovation financière débridée rendue
possible par le génie humain couplé à la puissance des
ordinateurs. Qu’ils ne leur en déplaisent, les lois
économiques n’avaient pas pour autant disparu et elles les ont
bel et bien rattrapés dès lors que la liquidité
s’est tarie et que les taux d’intérêt ont
augmenté.
Bien
que la banque centrale européenne ait été moins
généreuse dans la zone Euro, la politique monétaire
européenne unique a cependant engendré des poches de
surabondance de liquidités qui ont également favorisé la
création de bulles et surtout permis à certains États de
s’endetter au-delà de leur réelle capacité de
remboursement. Cela a conduit à une crise majeure de la dette
souveraine à la suite de la crise financière et
économique de 2007.
Une correction
nécessaire
Pourquoi
plaider aujourd’hui en faveur de la déflation envers et contre
tous les avis éclairés? Tout
simplement parce que si les bulles immobilières, financières et
de la dette souveraine européenne ont éclaté, la
« purge » du système n’a pas
été à la mesure de la surévaluation qu’elle
devait corriger. La faute en revient toujours à la même
institution : la banque centrale encouragée, voire
soudoyée par les gouvernements.
Afin
d’éviter le « pire », les banques
centrales ont donc injecté massivement des liquidités pour
empêcher la baisse des prix de se produire et la correction de
s’opérer. Le seul remède approprié et efficace
pour repartir sur des bases saines était de laisser les prix baisser
pour éradiquer le mal créé par la surévaluation
des actifs. Il eût été opportun que les prix reviennent
à des niveaux correspondant à la réalité
économique non biaisée par les effets monétaires.
Laisser la déflation s’installer durablement aurait sans doute
signifié traverser une crise économique plus forte que celle
que nous avons vécue, un mal nécessaire pour éliminer
tous les projets d’investissement dont la rentabilité
n’avait été qu’une illusion entretenue par des taux
d’intérêt trop faibles et des anticipations de croissance
surestimées.
Malheureusement
les économistes « mainstream »
tout autant que les hommes politiques ont une peur panique de la
déflation qu’elle soit une déflation des prix ou
monétaire. La peur n’évite cependant le danger. Refuser
la déflation pour permettre à l’activité
économique de repartir sur des bases saines, c’est comme refuser
la cure de désintoxication pour un alcoolique ou un drogué.
L’alcool comme la drogue permette de vivre dans un monde
d’illusion et de bien-être qui nécessite des doses
toujours plus importantes pour perdurer, jusqu’au jour où la dépendance
est si forte qu’elle rend malade. La seule issue est la cure de
désintoxication, qui démarre par une longue période
d’abstinence se traduisant par d’atroces souffrances dues au
manque avant de produire des effets bénéfiques.
Il
en est de même pour un système économique sous perfusion
de liquidités depuis maintenant des décennies. La cure est
effectivement d’autant plus difficile que la période de
dépendance a été longue. Quel homme politique serait
assez suicidaire pour proposer un programme de souffrance afin
d’assurer un bien-être futur dans un futur qu’il ne
connaitra sans doute même pas? Le programme n’est ni vendeur, ni
facile à vendre… et pourtant une telle absence de courage
conduira sans doute à une succession de crises économiques et
financières tout aussi douloureuses.
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