C’est tout de même quelque
chose, de vivre dans un pays qui n’a pas conscience de ce qu’il
fait dans un monde qui ne sait pas où il se dirige à une
époque ou tout peut arriver. J’espère simplement que nous
serons en mesure de trouver quelque confort en un tel climat
d’incertitude.
S’il devait exister une lueur
d’espoir en ce monde de ténèbres, alors ce serait
sûrement là le sentiment de fatigue et d’épuisement
éprouvé par la population envers la manière dont le
monde entreprend les affaires. Notre monde a des allures de terrain de jeu
dépassé et dont toutes les règles semblent
faussées. Les banques n’ont pas de monnaie réelle. La
perception de la monnaie elle-même ne semble plus être qu’un
fantôme changeant constamment de forme. Finira-t-elle par
disparaître dans notre vortex de la dette jusqu’à ce que
plus personne n’en possède ? Où bien sommes-nous sur
le point d’être noyés dans un bain de billets de banque
sans valeur que nous ne pourrons dépenser que pour nous offrir des
futilités ? Dans chacun des deux cas, nous sommes perdus.
La peur la plus imminente dont aucun
homme politique n’ose encore prononcer le nom est la dépression
globale, mais ce n’est pas là ce qui nous attend à
l’heure actuelle. Le terme de dépression globale suggère
une déroute temporaire des opérations entreprises par les
économies les plus puissantes. Nous nous dirigeaons actuellement vers
quelque chose de foncièrement différent, vers un changement des
plus profonds de notre conception du progrès économique.
Une importante part de
l’idée d’économie ‘automatique’ est
occupée par le concept de ‘travail’. Aujourd’hui,
cette idée est entachée d’illusions,
particulièrement du fait que le ‘travail’ était
auparavant perçu comme une sorte de bien ‘produit’ par de
grandes entreprises ou par les gouvernements, qui serait ensuite
redistribué comme toute autre forme de biens, et qui soit
accompagné d’un ‘sachet de récompenses’ comprenant
entre autres une pension de retraite, une aide médicale, un minimum
annuel de congés payés, et une grosse machine de fer avec
laquelle se déplacer. Aujourd’hui, nous sommes assis là,
observant avec le plus profond des désespoirs ces illusions se dissoudre
devant nos yeux.
La situation décrite ici n’a
rien à voir avec une ‘dépression’, bien
qu’elle puisse ressembler sur certains points aux débuts de la
crise des années 1930. Nous traversons une période de remises
à zéro et de réorganisations permanentes dans le
même temps que nos quantités de ressources disponibles diminuent
dangereusement. Cette situation ne prendra pas fin avant qu’une
majorité de personnes ne décide de mettre fin à ses
compétitions matérialistes dans le même temps que
d’autres commenceront à penser de nouveaux systèmes
basés sur l’utilisation de quantités moindres de
ressources.
Pour ce qui est de
l’Amérique du Nord, je pense que cette remise à niveau
sociétale impliquera l’établissement d’une nouvelle
forme d’économie centrée sur l’agriculture et
d’autres formes d’activités locales et régionales.
Il est pratiquement impossible pour la majeure partie d’entre nous
d’imaginer un tel changement – d’où la
futilité actuelle de nos hommes politiques, leurs fausses promesses,
leurs combats hilarants contre certains comportements sexuels, leur
vantardise religieuse pitoyable et leurs jacasseries autour de statistiques
au service du rêve d’un retour vers un passé
aujourd’hui désintégré.
Ce désespoir pourrait être
la raison pour laquelle nous semblons tant nous rattacher à nos
traditions en cette période de fêtes de fin
d’année. Les clients des magasins font encore la queue chez Big
Box après les épisodes de glouttonnerie ayant accompagné
Thanksgiving. C’est là ce qu’ils sont supposés
faire en cette période de l’année. C’est là
ce qu’ils ont vu diffusé en boucle sur les chaines
télévisées au cours de ces dernières
années…
La plus importante nouvelle que nous
ayons eue au cours de ce weekend s’étant déroulé
autour de restes de dinde et de matchs de football fut une augmentation de
6,6 milliards de dollar des ventes effectuées par les magasins du pays
durant le Black Friday. Toute l’attention portée aux chiffres ne
visait ici bien entendu qu’à rassurer des économiques
supersticieux quant au déroulement traditionnel des fêtes de fin
d’année. Leur objectif le plus lointain est en effet de pouvoir
traverser les fêtes de Noël sans trop de bouleversements.
Pour ce qui est de l’Europe, je ne
vois pas comment elle pourrait tirer ses finances d’affaire. Aussi
jolie que l’Europe ait pu devenir depuis les débats ayant
été entammés au cours du siècle dernier –
toutes ces jolies villes regorgeant de trésors de beauté -,
elle n’est aujourd’hui plus dirigée que par la
banqueroute. L’Europe est actuellement sur le point d’assister
à sa propre mort financière, et lorsque la monnaie cessera de
se déplacer entre ses organes majeurs que sont les banques, la
région tout entière entrera en combustion avant de se
désintégrer complètement. Personne ne sait encore ce
qu’il se passera, mais tout le monde sait qu’il finira par se
passer quelque chose – et peu importe les pertes que cela
entraînera. Les données historiques ne sont pas les faits les
plus rassurants sur lesquels se pencher.
Si les banques Européennes
s’effondrent, de nombreuses banques Américaines se verront
entraînées dans cette chute, voire même l’ensemble
de l’économie Américaine. Je ne suis pas sûr de ce
sur quoi déboucheront les élections aux Etats-Unis en 2012.
Nous assisterons sûrement à des banqueroutes, des
pénuries d’essence ici et là, ou encore à des
pénuries de provisions dans certains magasins… Des situations
commes celles-ci sont le type même de celles qui sont en mesure de
faire s’effondrer un système politique ayant perdu toute sa
légitimité. Il suffit d’observer l’échec du
super-comité, qui était si prévisible qu’il
n’a entraîné que des baîllements d’ennui.
C’était un peu comme si nous avions regardé vers le ciel
pour entendre quelqu’un dire ‘Oh ! De
l’air !’.
En cette saison des fêtes,
penchez-vous un instant sur la question de savoir vers où notre
économie pourrait bien se diriger. Pensez au rôle que vous y
remplissez, à votre vocation, votre manière de vivre…
plutôt qu’à votre travail. Imaginez que la vie continuera
certainement, et qu’elle demeurera sans aucun doute civilisée
bien qu’elle se trouve certainement réorganisée
différemment. Imaginez-vous comme étant le maillon d’un
société évoluant en fonction du temps et de
l’espace. Imaginez que ceci soit votre nouveau Rêve
Américain.
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