Dans ce rapport annuel daté de 2011, Warren Buffet explique pourquoi il
n’attache pas de valeur à l’or :
http://www.berkshirehathaway.com/letters/2011ltr.pdf
Il a été republié par Ivanhoff
et a été porté à mon attention la semaine dernière, ce qui me donne
l’occasion aujourd’hui d’offrir mon propre point de vue, que vous trouverez
ci-dessous.
Buffet :
« La seconde catégorie
majeure d’investissement comprend certains actifs qui ne seront jamais
capables de produire quoi que ce soit, mais qui sont toutefois achetés par
des gens qui – bien qu’ils soient conscients de leur improductivité –
espèrent pouvoir les vendre plus cher dans le futur. Les tulipes, entres
autres, ont fait l’objet du dévolu de ces acheteurs au XVIIe siècle ».
Hommel :
Buffet entend par là que l'or
n’a de valeur que parce que d’autres pourraient vouloir l’acheter. C’est
vrai, mais ça l’est également pour tous les autres actifs. Et c’est la raison
pour laquelle l’or est un actif essentiel, parce qu’avant toute chose, l’or
se voit attribuer une valeur par plus de gens et dans plus de régions que
n’importe quel autre actif, tout simplement parce qu’il est une monnaie. Mais
Buffet le présente comme une mauvaise chose en le qualifiant d’improductif.
Voyons-voir, l’or est-il productif ? Sa valeur peut grimper, comme celle
des actions ou des biens immobiliers. Les gens reconnaissent sa valeur non
pas parce qu’il la retient, mais parce qu’il ne rouille pas et ne se
détériore pas. La nourriture ne peut être une monnaie, parce qu’elle ne se
conserve pas. Le produit alimentaire qui puisse être conservé le plus
longtemps est le boisseau de blé, qui a une durée de vie de vingt ans. L’or
ne ternit pas, pas même après 6000 ans.
Buffet :
« Ce type
d’investissement requiert un nombre croissant d’acheteurs qui, à leur tour,
sont convaincus que d’autres acheteurs arriveront sur le marché. Ceux qui
l’achètent ne sont pas attirés par ce que l’actif lui-même est susceptible de
produire – il ne produira jamais rien – mais par l’idée que nombreux seront
ceux qui en voudront dans le futur ».
Hommel :
C’est vrai, les acheteurs d’or
n’achètent pas de métal jaune pour ce qu’il est capable de produire. La
plupart de mes acheteurs achètent parce qu’ils pensent que sa valeur finira
par grimper, parce qu’ils pensent que d’autres seront capables de voir ce qu’ils
voient, que l’or est spécial, et qu’il ne peut pas être imprimé à l’excès
comme l’est la monnaie papier aujourd’hui. Un acheteur d’or sait que son
métal ne se détériore pas, que sa grande valeur et son faible poids le
rendent aisément transportables, et qu’il peut être caché.
Buffet :
« Et l’actif principal
qui tombe sous cette catégorie est l’or, actuellement grand favori des
investisseurs qui ont peur de presque tous les autres actifs, et notamment de
la monnaie papier (de laquelle, j’aime à le souligner, ils ont raison d’avoir
peur). L’or a cependant deux inconvénients majeurs. Il n’a pas d’utilité, et
ne produit rien. C’est vrai, l’or a une utilité industrielle et décorative,
mais la demande représentée par ces deux secteurs est limitée et incapable
d’absorber la nouvelle production ».
Hommel :
C'est vrai, l'or ne
produit rien. Mais cela ne signifie pas que sa valeur ne peut pas augmenter.
L’or a une utilité. Il est une valeur de réserve. Il sert à communiquer la
valeur au fil du temps. Il a trois utilités principales : il est une
valeur de réserve, une unité de compte, et un moyen d’échange. Il n’est
aujourd’hui plus beaucoup utilisé en tant que moyen d’échange, parce qu’aucun
gouvernement n’utilise l’or comme devise, et que les nations se sont tournées
vers la monnaie papier. Cela fait de l’or une excellente valeur de réserve,
parce que sa valeur augmente plus rapidement que celle d’une monnaie qui ne
cesse d’être imprimée. L’or ne fait pas que préserver sa valeur, il gagne de
la valeur. La raison à cela est que la production d’or ne suffit pas à
satisfaire la demande. Le monde imprime 5 à 10 trillions de dollars de
monnaie papier par an, soit 5.000 à 10.000 milliards de dollars. Chaque
année, 83 millions d’onces d’or sont produites, et à 1.334 dollars l’once,
cela ne représente que 111 milliards de dollars. Il est clair que les
acheteurs d’or se feront plus nombreux au fil du temps .
Buffet :
« Ce qui motive les
plus les acheteurs d'or est qu’ils sont persuadés que les rangs des apeurés
vont continuer de gonfler. Cela s’est avéré correct par le passé. Au-delà de
ça, la hausse du prix de l’or a elle aussi attiré de nouveaux enthousiastes
qui l’observent comme une validation de leur thèse d’investissement. A mesure
que des investisseurs joignent la partie, ils font perdurer leur propre
réalité – pendant quelques temps ».
Hommel :
Buffet qualifie les acheteurs
d’or d’investisseurs apeurés. Et il note que leur opinion s’est déjà prouvée
correcte, et sage. Il aurait aussi bien pu écrire « les rangs des sages
vont continuer de gonfler ». Voilà qui correspondrait mieux au contexte.
Buffet :
« Au cours de ces 15
dernières années, les actions internet et les prix de l’immobilier nous ont
démontré les excès extraordinaires qui peuvent être créés par la combinaison
d’une thèse initialement sensible et d’une hausse de prix publicisée.
Lorsqu’une bulle se développe, une armée d’investisseurs autrefois sceptiques
succombe aux « preuves » que leur apporte le marché, et le nombre
d’acheteur gonfle pendant un certain temps, suffisamment pour que la tendance
se poursuive. Mais les bulles qui gonflent de trop finissent par exploser.
Voilà qui confirme encore une fois le vieux dicton qui veut que « ce que
le sage fait tout de suite, le sot fait tardivement ».
Hommel :
C’est vrai, des bulles sont
apparues sur les marchés des actions et de l’immobilier, et elles n’ont
certainement pas disparu aujourd’hui. L’or est-il dans une bulle ? Avec
seulement 100 milliards de dollars de métal produit chaque année ? Je ne
pense pas. Bill Gates pourrait acheter la moitié de la production annuelle
d’or, et devenir encore plus riche en essayant de le faire. J’utilise le
verbe essayer parce qu’il ne pourrait pas y parvenir, il n’y a aucune raison
qu’il y parvienne, pour la simple raison que ses actions ne sont pas assez
liquides pour se vendre autant, et que le marché de l’or est trop limité pour
qu’il soit possible de mettre la main sur la moitié du marché sans faire
flamber le prix de l’or. Ce que j’essaie de dire ici, c’est que la croissance
du marché de l’or n’est encore qu’en phase préliminaire.
Buffet :
« Les réserves d’or
mondiales s’élèvent aujourd’hui à environ 170.000 tonnes. Si tout cet or
était fondu sous forme de barres, nous obtiendrions un cube de 20,7 mètres de
côté. A 1.750 dollars par once – le prix de l’or à l’heure où j’écris ceci –
la valeur de ce cube serait de 9,6 trillions de dollars. Appelons cela le
cube A ».
Hommel :
Aujourd’hui, un à deux ans plus
tard, le prix de l’or est aux alentours de 1.200 dollars. Buffet a eu raison
l’espace d’une année sur treize années de marché haussier, mais il n’aura
certainement plus raison l’an prochain. 170.000 tonnes d’or à 1.335 dollars
par once nous donnent aujourd’hui 7,3 trillions de dollars.
La petite taille du cube
A explique aussi pourquoi l’or a de la valeur. Il permet de contenir beaucoup
de valeur en un petit volume, ce qui en fait un actif portable. Certains se
demandent pourquoi l’or devrait être différent du cuivre et des autres
métaux, qui pourraient être tout aussi aisément utilisés que l’or et
l’argent. Un bloc de cuivre de 33 kilos coûte 300 dollars, et donc autant
qu’une barre d’argent de 10 onces. Lequel préféreriez-vous avoir à emmener
avec vous au magasin ? L’écart entre l’achat et la vente du cuivre est
également de 50%. Ne préféreriez-vous pas un quart d’une once d’or à 300
dollars ?
Buffet :
« Imaginons maintenant
une pile B de valeur identique. Pour cette somme, nous pourrions acheter le
territoire Américain (400 millions d’acres, qui rapportent 200 millions de
dollars par an), ainsi que 16 Exxon Mobil (la société la plus profitable du
monde, qui gagne plus de 40 milliards de dollars chaque année). Il nous
resterait également un trillion de dollars d’argent de poche. Que pensez-vous
que ferait un investisseur aux 9,6 trillions de dollars face au choix entre
notre cube A et notre pile B « ?
Hommel :
Commencez déjà par essayer
d'imaginer qu'un investisseur puisse posséder 7,3 trillions de dollars. Il
n’en existe pas. Ai-je tort, monsieur Buffet ? Et même s’il y en avait,
rien ne prouve que tout l’or de la planète soit à vendre au prix actuel. Une
majeure partie de l’or en existence n’entre pas sur le marché chaque année.
La production minière annuelle n’ajoute qu’1,5% aux réserves d’or chaque
année. Tentons de calculer tout cela : http://www.goldsheetlinks.com/production2.htm.
170.000 tonnes d’or au total. Production annuelle de 2600 tonnes. 1,529%.
Toujours la même chose après tant d’années.
L’idée de Buffet est qu’un
investisseur n’achèterait pas tout l’or du monde plutôt que des terres et des
sociétés pétrolières. Mais entrons plus dans les détails. 40 milliards de
dollars x 16 Exxon Mobil nous donne 640 millions de dollars, plus les 200
milliards tirés des terres. Nous nous retrouvons avec un total de 840
milliards de dollars. Que produit le cube d’or ? Son prix a des chances
d’atteindre 1.900 dollars au cours de ces deux prochaines années. Notre cube
verra donc sa valeur passer de 7,3 à 10,4 trillions de dollars. Et
maintenant, place à la comparaison. 640 milliards de dollars de gains offerts
par les sociétés pétrolières, ou 3100 milliards de dollars offerts par
l’or ? Ajoutons à cela qu’il n’existe pas 16 sociétés Exxon Mobil. Ce
n’est qu’une fantaisie. Ce qui est réel, c’est l’or. Voilà qui en fait un
choix infiniment meilleur, vous ne trouvez pas ?
Buffet :
« Au-delà de
l’évaluation de la pile d’or existante, la production annuelle a une valeur
d’environ 160 milliards de dollars. Les acheteurs, qu’ils soient des amateurs
de bijoux ou des producteurs industriels, des individus inquiets ou des
spéculateurs, doivent continuellement absorber cette nouvelle offre pour
maintenir l’équilibre aux prix actuels ».
Hommel :
Comme nous l’avons vu, la
production annuelle d’or s’élève aujourd’hui à 111 milliards de dollars, et
est achetée non pas par des individus inquiets et des spéculateurs, mais de
sages investisseurs et même des banques centrales ! Une fois de plus, au
vu des quantités de papier monnaie imprimées chaque année, il ne fait aucun
doute que l’or trouvera des acheteurs au cours des années à venir. L’or ne
préserve pas sa valeur, il voit sa valeur grimper, et c’est ce qui attire les
investisseurs qui ne veulent pas être volés par leur gouvernement.
Buffet :
« D’ici un siècle, nos
millions d’acres de terres cultivables auront produit d’innombrables
quantités de maïs, de coton et d’autres ressources – et continueront d’en
produire peu importe la devise en circulation. Exxon Mobil aura probablement
distribué des trillions de dollars de dividendes à ses propriétaires et
disposera d’encore plus de trillions de dollars d’actifs. Et n’oubliez pas
que nous avons là 16 Exxon. Les 170.000 tonnes d’or demeureront inchangées en
termes de taille et de capacité à produire quoi que ce soit. Vous pourrez
toujours frotter votre cube d’or, il ne vous donnera rien ».
Hommel :
Je m'aventurerai à dire que
d'ici un siècle, aucune des devises qui existent aujourd’hui n’aura quelque
valeur que ce soit, mais que l’or en aura toujours. L’or n’est pas un choix
entre le pétrole et l’or, il est un choix entre la monnaie papier et l’or.
Aucun investisseur ne pourrait aller acheter 100 barils de pétrole à 103
dollars le baril pour les déposer dans son jardin, parce que le pétrole est
peu pratique, et cher à conserver et à livrer. Mais n’importe qui peut
acheter sept Gold Eagles qui tiennent dans la paume d’une main pour 10.000
dollars, et qui n’occuperaient qu’1/10e de l’espace nécessaire au
rangement de 100 billets de 100 dollars.
Buffet :
« Dans un siècle, ceux
qui se trouveront inquiet de la situation économique se tourneront
certainement vers l’or. Je suis certain, en revanche, que la valeur du cube
d’or n’aura pas autant augmenté que celle de notre pile B ».
Hommel :
Je suis quant à moi certain
que la valeur de la pile d’or aura augmenté plus rapidement que celle du
pétrole. La raison en est que l’or est une monnaie depuis maintenant 6000
ans, et que l’Humanité n’utilise de pétrole que depuis quelques 160 ans. En
plus de cela, les banquiers du monde attaquent depuis tout aussi longtemps le
rôle de l’or en tant que monnaie, ce qui fait que le monde n’a jamais connu
de ratio historique correct entre l’or et le pétrole. Nous aurions donc à
utiliser notre intuition pour déterminer la valeur de l’or par rapport à
celle du pétrole si l’or redevenait une monnaie, ce qui arrivera très
certainement un jour. Je pense que la production d’or annuelle est plus
précieuse que la production de pétrole, parce que la production d’or peut
être dépensée pour acheter d’autres choses que du pétrole. Le pétrole ne
représente que 5 à 10% de l’économie mondiale, mais imaginons que sa part
soit de 50%. La production mondiale d’or aurait alors deux fois plus de
valeur que la production de pétrole, parce que les gens auraient besoin d’or
pour acheter tout le reste. Voici donc ce qu’il en serait de la valeur de
l’or :
La production annuelle de
pétrole est de plus ou moins 90 millions de barils par jour.
x 365 jours/an x $100/baril =
Cela nous donne 3,3 trillions
de dollars par an.
Si la production mondiale d’or
est de 83,5 millions d’once et vaut 6,6 trillions de dollars par an, nous
obtenons un prix de 79.000 dollars par once d’or !
Et n’oublions pas qu’au cours
des cinq dernières années, les performances de l’or et de l’argent ont
surpassé de loin celles des actions de Berkshire Hathaway.
http://finance.yahoo.com/q/bc?t=5y&s=BRK-...2C+gld&ql=1
Et c’est peut-être le cas pour
ces 13 dernières années.
https://www.google.com/#q=brk.b
Depuis 2000, BRK.B a vu ses
actions passer de 40 à 114 dollars, soit une multiplication par 2,85.
Depuis 2000, le prix de l’or
est passé de 255 à 1.200 dollars, soit une multiplication par presque 5.
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