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Les affaires sont souvent
une question d’opportunités. Zahia Dehar l’a compris. Cette ancienne escort-girl reconvertie en créatrice de lingerie,
a bien choisi le timing pour faire une annonce très
concrète : 40% de la production de Zahia
Lingerie se fera en France par Les Atelières,
une entreprise de Lyon dont font partie quelques anciennes employées
de Lejaby. Une annonce faite immédiatement
après l’annonce par Arnaud
Montebourg et ses collègues, le 30 janvier, du lancement de la mission
sur la « Marque France ». Zahia
est la première à appuyer sa communication sur cette marque.
Ambitionne-t-elle d’en devenir l’icône ?
Il aurait été intéressant de voir Zahia Dehar siéger avec
nos ministres lors de la conférence de presse lançant la
« Marque France ». Elle aurait été la
seule chef d’une entreprise de commerce utilisant un savoir-faire
français présente sur la scène. En effet, il faut
rappeler qu’aucun des ministres impliqués n’a
d’expérience dans les affaires. Nicole Bricq,
ministre du Commerce extérieur, a un parcours de conseillère
dans les cabinets ministériels. Sylvia Pinel, ministre de l’Artisanat,
du Commerce et du Tourisme, a fait du droit et surtout de la politique. Fleur
Pellerin, ministre déléguée aux PME, à l’Innovation
et à l’Économique numérique, est une
énarque qui n’a jamais quitté les sphères
publiques. Arnaud Montebourg, enfin, avocat, est un professionnel de la
politique. Pas un de ces ministres n’a jamais vendu un produit, ni fait
du commerce. Mais ils en parlent avec autorité. C’est
déjà ça.
Arnaud Montebourg a donc présenté la commission
interministérielle qui veillera à lancer la « Marque
France ». À sa tête, on retrouve Philippe Lentschener, PDG du groupe MacCann et ancien président de Satchi
& Satchi du groupe Publicis, puis Clara
Gaymard,
présidente de General Electric France et vice-présidente
de GE International chargée des gouvernements et des villes, Robert Zarader, président d'Equancy
& Co et enfin Agnès b., styliste. Cinq objectifs sont ciblés : la
compétitivité des entreprises, l'attractivité du
territoire, la notoriété des produits agricoles et
manufacturés, la qualité des savoir-faire, l'image de
l'industrie.
Mais il est fort à craindre que rien de concret ne
sortira de cette commission. Si Lentschener dit
bien qu’il faut « proposer une série d’actions
pour pouvoir propager cette Marque France », il a cette phrase qui
donne par avance le ton du rapport de la commission : « la
mission qui est la nôtre c’est un peu de comprendre les
composantes qui peuvent fonder le récit économique
français ». Le récit économique
français… tout cela se résume donc à du story telling, technique de vente anglo-saxonne bien connue
dans laquelle s’inclut le « nation branding » qui est à l’origine de
l’idée de « Marque France ». Les
entreprises françaises ont cependant vraiment besoin d’autre
chose que d’un story telling et d’une
campagne publicitaire orchestrée par une commission interministérielle.
Arnaud Montebourg a beau donner les grandes lignes de ce
récit en affirmant que « notre esprit patriotique, qui peut
paraître nouveau parfois excessif aux yeux de certains, est un esprit
très généreux », citer du Romain Gary en
clamant que « le patriotisme, c’est l’amour des siens,
l’estime de soi », ces beaux sentiments et belles citations
ne résoudront pas les problèmes des entreprises
françaises. Car la « Marque France » existe
déjà, n’en déplaise à Montebourg, et elle
se caractérise par un coût du travail trop cher, une
fiscalité trop forte, un exode d’entrepreneurs qui tourne
à l’hémorragie et des entreprises qui suppriment des
emplois à tour de bras. L’image de la
« marque » est celle d’un pays qui n’est
pas compétitif.
Alors, suffira-t-il que Zahia
s’habille en marinière pour redorer l’image de la France
auprès des entrepreneurs et des investisseurs ? En tout cas, une
chose est certaine : il vaut mieux que la France apparaisse comme un
pays qui laisse faire ses entreprises plutôt que de vouloir leur donner
des leçons de morale et de les taxer. La première attitude
attire, l’autre repousse.
Pas besoin de constituer une commission interministérielle ou
de venir de chez Publicis pour le savoir.
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