Mais réveillez-vous, enfin !
Je m’éloignerai aujourd’hui du très sordide pantomime des élections
présidentielles pour me tourner vers les mystères financiers et économiques
qui se cachent derrière nos politiques insensées. Une majorité des
commentaires publiés par les médias grand public qui souffrent d’un retard
mental sont basés sur la notion incorrecte selon laquelle la disposition
actuelle des choses restera toujours la même et tout ce que nous avons à
faire est donc de gérer les dynamiques qui nous sont familières pour
maintenir le système en place. Pour vous en donner un exemple, le Grand vizir
Paul Krugman faisait aujourd’hui la promotion dans le New York Times d’une nouvelle hausse
du plafond de la dette afin de pouvoir réparer l’infrastructure des
Etats-Unis. Son idée vous semble-t-elle logique ? Emprunter toujours
plus afin de relancer la machine américaine et redonner vie à la croissance ?
C’est quelque chose qui aurait pu sortir tout droit de la bouche de Trump.
Petit retour sur Terre : la
croissance économique dont on nous parle est morte. Nous pouvons l’oublier.
La fantaisie techno-industrielle touche à sa fin. Nous allons bientôt
assister à une contraction de long terme de l’activité économique, de la
productivité et de la population, et la seule question que nous devrions nous
poser est de savoir si nous pourrons parvenir à cette nouvelle disposition de
la vie sans trop d’encombres.
Le désir de maintenir en place
les rackets établis est compréhensible. Ils nous ont fourni beaucoup de
confort et de luxe. Mais nous ne vivons plus dans le monde d’abondance d’Alexander
Hamilton, un monde qui n’avait besoin que d’emprunter un tout petit peu à l’avenir
pour profiter des richesses gargantuesques d’un empire sauvage. Cette époque
est révolue, et notre désir techno-narcissique actuel de remplacer cette
abondance matérielle par une réalité virtuelle à la Pokémon Go ne pourra que
nous mener au désenchantement.
Emprunter au futur ne fonctionne
que lorsqu’il est envisageable de rembourser le futur. Les institutions qui gouvernent
l’emprunt prétendent depuis un certain temps que nos dettes peuvent être
remboursées. Ce mensonge peut être retracé jusqu’à la révocation de la Règle
157 du Financial Accounting Standards Board en 2009, après laquelle les
banques n’ont plus eu à rapporter les prêts sur leurs bilans en fonction de
leur valeur marché, et ont pu se contenter de rapporter n’importe quelle
valeur subjective. En d’autres termes, le FASB a décidé que les standards
étaient optionnels. Et ce n’est là qu’un rouage de la grande roue de la
fraude qui continue d’avancer au fil des saisons depuis l’automne de 2008.
Nous faisons face à une
discontinuité, à la fin des anciennes dynamiques et au début de nouvelles. La
déflation monétaire se développe depuis des années, parce que c’est ce qui se
passe quand la dette ne peut plus être remboursée. Nous allons bientôt faire
face aux autres dimensions de la déflation : la contraction de l’activité
industrielle, du commerce, des salaires et de l’expansion des symboles
familiers de l’ère techno-industrielle. Les stratagèmes qui ont été utilisés
par les banquiers centraux pour contourner la contraction ne font qu’accélérer
la distorsion des marchés, des devises et de la distribution du capital, et
nous mener vers la grande bataille finale pour les restes du grand banquet de
l’Histoire : la montée des politiques radicales, dont du Djihad
islamiste, et les réponses occidentales que sont Trump, Le Pen et le parti
allemand naissant d’extrême droite. Ces manifestations actuelles pourraient n’être
que des versions modérées de ce qui est à venir.
Aucun individu de pouvoir n’ose
regarder la réalité de notre situation en face. Nous devons épargner ce que
nous pouvons et nous faire plus petits, devenir une présence plus modeste,
sans quoi la planète finira par appuyer sur le bouton reset. C’est
quelque chose qui va à l’encontre de notre religion actuelle du progrès, qui
a remplacé nos cultes plus anciens. Le choix se fait désormais entre une
réadaptation ou une réinitialisation totale, et les débats autour de cette
question sont jusqu’à présent absents.
Les distorsions des marchés, des
devises et du capital mentionnées plus haut tourbillonnent à la manière d’une
centrifuge et coïncident avec les plus étranges élections des temps modernes.
Dans les deux camps, l’incohérence et les fausses promesses vont bien au-delà
des normes politiques américaines les plus extravagantes. Nous n’avons aucune
idée de ce que nous faisons, et de ce que nous souhaitons. Les structures
financières de la vie de tous les jours sont plus fragiles que jamais. Et la loi
de la gravitation finit toujours par gagner.